Vu la procédure suivante :
Les associations Présence les Terrasses de la Garonne, France nature environnement Midi-Pyrénées et Nature Midi-Pyrénées ont demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 29 août 2013 du préfet de la Haute-Garonne portant autorisation à la SAS PCE et à la SNC Foncière Toulouse Ouest de destruction, déplacement d'individus ainsi que de destruction, altération, dégradation d'aires de repos et/ou de reproduction d'espèces protégées dans le cadre de la réalisation du centre commercial dit " Val Tolosa ", sur le territoire de la commune de Plaisance-du-Touch. Par un jugement n° 1304811 du 8 avril 2016, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 29 août 2013.
Par un arrêt nos 16BX01364, 16BX01365 du 13 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la SAS PCE et la SNC Foncière Toulouse Ouest contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 septembre et 19 décembre 2017 et le 19 février 2019, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SAS PCE et la SNC Foncière Toulouse Ouest demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) à titre subsidiaire, de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européennes sur l'interprétation à donner à l'article 16 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que la faune et la flore sauvages ;
4°) de mettre à la charge des associations Présence les Terrasses de la Garonne, France nature environnement Midi-Pyrénées et Nature Midi-Pyrénées une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Airelle Niepce, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la SAS PCE et autre, et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'association Présence les terrasses de la Garonne et autres ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 juillet 2019, présentée par la SAS PCE et autre ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, sur la demande présentée par les sociétés PCE et Foncière Toulouse Ouest (FTO), titulaires d'un permis de construire et d'un permis modificatif pour la construction d'un centre commercial et de loisirs dit " Val Tolosa ", délivrés respectivement les 10 septembre 2009 et 8 juin 2010 par le maire de Plaisance du Touch, le préfet de la Haute-Garonne a accordé à ces sociétés, par un arrêté du 29 août 2013, pris notamment sur le fondement des dispositions du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, une dérogation aux interdictions figurant au 1° et 2° du I de l'article L. 411-1 du même code relatives à la protection des espèces animales et végétales, portant au total sur soixante-six espèces protégées et autorisant notamment la destruction de spécimens pour douze d'entre elles. Par un jugement du 8 avril 2016, le tribunal administratif de Toulouse a, sur la demande des associations Présence Les Terrasses de la Garonne, France nature environnement Midi-Pyrénées et Nature Midi-Pyrénées, annulé pour excès de pouvoir cet arrêté au motif que la dérogation accordée n'était pas justifiée par une raison impérative d'intérêt public majeur au sens du c) du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. Les sociétés PCE et FTO se pourvoient en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 13 juillet 2017 qui a rejeté l'appel qu'elles avaient formé contre ce jugement.
2. Le I de l'article L. 411-1 du code de l'environnement comporte un ensemble d'interdictions visant à assurer la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats. Sont ainsi interdits en vertu du 1° du I de cet article : " La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ". Sont interdits en vertu du 2° du I du même article : " La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ". Sont interdits en vertu du 3 du I du même article : " La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ". Toutefois, le 4° du I de l'article L. 411-2 du même code permet à l'autorité administrative de délivrer des dérogations à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant à l'absence de solution alternative satisfaisante, à la condition de ne pas nuire " au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle " et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs qu'il énumère limitativement, dont celui énoncé au c) qui mentionne " l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ", " d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique " et " les motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'un projet d'aménagement ou de construction d'une personne publique ou privée susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s'il répond, par sa nature et compte tenu notamment du projet urbain dans lequel il s'inscrit, à une raison impérative d'intérêt public majeur. En présence d'un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d'une part, il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et, d'autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.
4. En l'espèce, pour rejeter l'appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Toulouse ayant annulé l'arrêté du 29 août 2013 du préfet de la Haute-Garonne permettant de déroger aux interdictions posées par l'article L. 411-1 du code de l'environnement, la cour administrative d'appel de Bordeaux a retenu, tout à la fois, que l'arrêté attaqué ne permettait pas le maintien, dans un état de conservation favorable des populations de cinq espèces dans leur aire de répartition naturelle, que la condition tenant à l'absence de solution alternative satisfaisante ne pouvait être tenue pour établie et que le projet ne répondait pas à une raison impérative d'intérêt public majeur suffisante pour justifier les atteintes à la protection des espèces.
5. A ce dernier égard, les sociétés requérantes soutiennent, en premier lieu, que la cour s'est fondée sur des circonstances tenant, d'une part, à un contexte local d'opposition au projet et, d'autre part, à la méconnaissance de la prescription P95 du schéma de cohérence territoriale de la grande agglomération toulousaine limitant le développement des grandes surfaces commerciales et font valoir que de telles circonstances sont étrangères à la caractérisation d'une raison impérative d'intérêt public majeur au sens de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment des écritures d'appel des sociétés requérantes, que ces dernières avaient, pour contester l'appréciation du tribunal administratif sur ce point, principalement mis en avant que le projet faisait partie intégrante de la politique locale d'aménagement, en s'appuyant notamment sur des éléments du schéma de cohérence territoriale ainsi que sur le soutien de certains acteurs institutionnels locaux. Dans ces conditions, en relevant que le schéma de cohérence territoriale et notamment son document d'aménagement commercial ne permettaient pas de caractériser une intention des auteurs de ce document de faire du site prévu pour l'implantation du projet un pôle majeur métropolitain et en se fondant sur la contradiction existant entre ce projet et la prescription P95 du schéma de cohérence territoriale prévoyant un développement des grandes surfaces dans la limite d'une offre totale de surface commerciale de 75 000 m² maximum lorsque le secteur en cause n'est pas desservi en transport en commun en site propre, la cour administrative d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à l'ensemble des arguments soulevés devant elle, s'est bornée, sans dénaturer les faits de l'espèce ou les écritures des parties, à se prononcer sur les moyens soulevés en appel devant elle. En statuant ainsi, elle n'a pas commis d'erreur de droit.
6. En deuxième lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour retenir que le projet n'était pas soutenu par l'ensemble des acteurs institutionnels locaux, la cour a notamment relevé que le conseil départemental avait estimé que le projet se fondait sur des études obsolètes et ne répondait plus aux besoins des consommateurs et que le comité syndical du syndicat mixte d'études de l'agglomération toulousaine avait émis un avis défavorable au projet. Si, comme le soutiennent les sociétés requérantes, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'avis imputé au conseil départemental correspond en fait à une prise de position publique du groupe majoritaire siégeant au sein de ce conseil et que l'avis du syndicat mixte est seulement évoqué par cette prise de position sans avoir été produit à l'instance, ces circonstances ne sont pas de nature à établir que la cour, en retenant que le projet n'étais pas soutenu par l'ensemble des acteurs locaux, aurait dénaturé les faits de l'espèce et les pièces du dossier.
6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si le projet de centre commercial " Val Tolosa " a vocation à favoriser l'animation urbaine dans la zone dite des " Portes de Gascogne " à travers des équipements commerciaux et des activités de services et de loisirs, à animer la concurrence et contribuer à la satisfaction des besoins des consommateurs à la périphérie ouest de l'agglomération toulousaine, à limiter les déplacements de la clientèle vers d'autres pôles commerciaux et à répondre à l'évolution démographique de l'agglomération, le territoire de l'ouest toulousain est déjà desservi par plusieurs pôles commerciaux, avec un pôle majeur existant sur la commune de Colomiers, située au nord de la commune de Plaisance-du-Touch, ainsi que des pôles secondaires répartis de manière équilibrée dans le secteur concerné, et n'est pas confronté, en la matière, à des difficultés ou des déséquilibres particuliers. Il ressort, en outre, des énonciations de l'arrêt attaqué que le schéma de cohérence territoriale de la grande agglomération toulousaine relève que l'offre en grands centres commerciaux apparaît suffisamment structurée pour répondre à la demande des prochaines années, que son document d'aménagement commercial préconise, s'agissant plus particulièrement de la commune de Plaisance-du-Touch qui ne constitue qu'un " pôle secondaire " et n'est pas desservi par les modes de transport collectif, d'y limiter le développement des pôles commerciaux existants ou futurs et que le projet n'est pas soutenu par l'ensemble des acteurs institutionnels locaux. Dans ces conditions, en jugeant que, en dépit de la circonstance qu'il pourrait permettre la création de plus de 1 500 emplois, le projet pour lequel la décision attaquée a permis de déroger aux interdictions résultant de l'article L. 411-1 du code de l'environnement ne répond pas à une raison impérative d'intérêt public majeur, au sens du c) du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, la cour administrative d'appel, qui ne s'est pas méprise sur la portée des écritures d'appel des sociétés requérantes, n'a pas donné aux faits qui lui étaient soumis une qualification juridique erronée.
7. En raison du caractère cumulatif des conditions posées à la légalité des dérogations permises par l'article L. 411-2 du code de l'environnement, les motifs par lesquels la cour administrative d'appel a ainsi jugé que l'autorisation attaquée ne répondait pas à une raison impérative d'intérêt public majeur justifient nécessairement, à eux seuls, le dispositif de rejet de l'appel contre le jugement du tribunal administratif qui avait prononcé, pour cette même raison, l'annulation de la décision attaquée. Si la cour a également fondé sa décision sur des motifs tirés de ce la dérogation accordée ne permettait pas le maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et ne répondait pas non plus à l'exigence de l'absence de solution alternative satisfaisante, il résulte de ce qui vient d'être dit que de tels motifs ne peuvent qu'être regardés comme surabondants. Par suite, les moyens dirigés contre ces motifs ne sauraient, quel qu'en soit le bien-fondé, entraîner l'annulation de l'arrêt attaqué.
8. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux qu'elles attaquent. Par suite, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à leur charge solidaire une somme globale de 2 500 euros à verser aux associations Présence les Terrasses de la Garonne, France nature environnement Midi-Pyrénées et Nature Midi-Pyrénées au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la SAS PCE et autre est rejeté.
Article 2 : La SAS PCE et autre verseront une somme globale de 2 500 aux associations Présence les Terrasses de la Garonne, France nature environnement Midi-Pyrénées et Nature Midi-Pyrénées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SAS PCE, première requérante, aux associations Présence les terrasses de la Garonne, France nature environnement Midi-Pyrénées et Nature Midi-Pyrénées, au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et à la commune de Plaisance-du-Touch.