La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/10/2019 | FRANCE | N°432723

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 02 octobre 2019, 432723


Vu la procédure suivante :

Mme B... D..., en défense à la procédure disciplinaire ouverte à son encontre à la suite de la plainte déposée par Mme A... C... pour délivrance de fausses attestations, a produit un mémoire, enregistré le 2 avril 2019 à la chambre régionale de discipline près le conseil régional de l'ordre des experts-comptables de Paris Ile-de-France, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une décision n° D 1321 du 12 juillet 2019, e

nregistrée le 17 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, ...

Vu la procédure suivante :

Mme B... D..., en défense à la procédure disciplinaire ouverte à son encontre à la suite de la plainte déposée par Mme A... C... pour délivrance de fausses attestations, a produit un mémoire, enregistré le 2 avril 2019 à la chambre régionale de discipline près le conseil régional de l'ordre des experts-comptables de Paris Ile-de-France, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une décision n° D 1321 du 12 juillet 2019, enregistrée le 17 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la chambre régionale de discipline près le conseil régional de l'ordre des experts-comptables de Paris Ile-de-France, avant qu'il soit statué sur la plainte déposée par Mme C... à l'encontre de Mme D..., a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'alinéa 5 de l'article 53 de l'ordonnance du 19 mars 1945.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945, notamment son article 53 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fanélie Ducloz, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme D... et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat du Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes de l'article 53 de l'ordonnance du 19 septembre 1945, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 22 décembre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles de professions réglementées ratifiée par l'article 206-VIII de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises : " En dehors de l'avertissement dans le cabinet du président de la chambre régionale de discipline ou de la commission prévue à l'article 49 bis pour les faits qui ne paraissent pas justifier d'autre sanction, les peines disciplinaires sont : / 1° La réprimande ; / 2° Le blâme avec inscription au dossier ; / 3° La suspension pour une durée déterminée avec sursis ; / 4° La suspension pour une durée déterminée ; / 5° La radiation du tableau comportant interdiction définitive d'exercer la profession. (...) Le sursis décidé en application du 3° ne s'étend pas aux mesures accessoires prises en application des septième, huitième et neuvième alinéas ci-dessus. Si, dans le délai de cinq ans à compter du prononcé de la peine, le membre de l'ordre, la succursale, l'association de gestion et de comptabilité ou le professionnel ayant été autorisé à exercer partiellement l'activité d'expertise comptable a commis une infraction ou une faute ayant conduit au prononcé d'une nouvelle peine disciplinaire, celle-ci entraîne l'exécution de la première peine sans confusion avec la seconde. / (...) ".

3. Les dispositions de l'article 53 de l'ordonnance du 19 septembre 1945, qui n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel, sont applicables au litige au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958. Le moyen tiré de ce que ces dispositions, en tant qu'elles prévoient que le prononcé d'une nouvelle sanction disciplinaire pour une infraction ou une faute commise au cours du délai d'épreuve emporte révocation automatique du sursis à l'exécution de la première sanction sans que le juge disciplinaire ne puisse, par une décision motivée, dire que la sanction qu'il prononce n'entraîne pas la révocation du sursis antérieurement accordé ou n'entraîne qu'une révocation partielle, porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment au principe d'individualisation des peines, soulève une question présentant un caractère sérieux. Par suite, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l'article 53 de l'ordonnance du 19 septembre 1945, en tant qu'il prévoit que le prononcé d'une nouvelle sanction disciplinaire pour une infraction ou une faute commise au cours du délai d'épreuve emporte révocation automatique du sursis à l'exécution de la première sanction disciplinaire, est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B... D..., à la chambre régionale de discipline près le conseil régional de l'ordre des experts-comptables de Paris Ile-de-France, et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au Premier ministre, à la garde des sceaux, ministre de la justice, et au Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables.


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 432723
Date de la décision : 02/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 02 oct. 2019, n° 432723
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Fanélie Ducloz
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:432723.20191002
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award