Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Besançon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner au centre hospitalier régional universitaire de Besançon de le rétablir, d'une part, dans ses activités de chirurgien cardiaque, d'autre part, dans ses activités de chirurgien thoracique, dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir et, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, enfin, sans délai dans la totalité de ses accès informatiques. Par une ordonnance n° 1901409 du 3 septembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa requête.
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 et 30 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler l'ordonnance du 3 septembre 2019 ;
2°) d'ordonner au centre hospitalier régional universitaire de Besançon de le rétablir dans ses activités de chirurgien des hôpitaux (chirurgie thoracique et cardio-vasculaire) dans un délai de sept jours à compter de la notification de la présente ordonnance et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Besançon la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que le harcèlement dont il fait l'objet est rendu insupportable par son ancienneté ;
- l'ordonnance contestée est entachée d'une première erreur de fait dès lors que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a considéré qu'il a été écarté de ses fonctions en raison de doutes sur son niveau de compétence ;
- elle est entachée d'une deuxième erreur de fait dès lors qu'aucune insuffisance chirurgicale n'a été relevée à son encontre en 2016, contrairement à ce qu'a pu indiquer le juge des référés du tribunal administratif de Besançon dans ses motifs ;
- elle est entachée d'une troisième erreur de fait dès lors que le juge des référés du tribunal administratif de Besançon n'aurait pas dû retenir qu'il exerçait à d'autres reprises au cours de la semaine en plus de la seule astreinte du jeudi soir ;
- elle est entachée d'une quatrième erreur de fait dès lors que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a estimé que les réunions hebdomadaires de concertation pluridisciplinaire sont librement ouvertes aux praticiens alors qu'elles font l'objet en réalité d'une invitation envoyée préalablement ;
- elle est entachée d'une cinquième erreur de fait dès lors que le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a de manière inexacte qualifié le contexte dans lequel évoluent les praticiens hospitaliers de " peu hiérarchisé " ;
- elle est entachée d'une sixième erreur de fait dès lors que le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a injustement refusé de constater que le comportement de ses supérieurs depuis 2016 trahit une volonté réitérée de l'isoler et de le priver de toute activité professionnelle ;
- elle est entachée d'une septième et dernière erreur de fait dès lors que le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a considéré à tort que ses droits d'accès informatiques n'avaient pas délibérément été limités ou réduits.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2017, le centre hospitalier régional universitaire de Besançon conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale n'est caractérisée.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A... et, d'autre part, le centre hospitalier régional universitaire de Besançon ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 1er octobre 2019 à 9 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Poupet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A... ;
- M. A... ;
- Me Waquet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du centre hospitalier régional universitaire de Besançon ;
et à l'issue de laquelle l'instruction a été prolongée jusqu'au 8 octobre 2019 à 18 heures ;
Par un nouveau mémoire, enregistré le 7 octobre 2019, le centre hospitalier régional universitaire de Besançon, d'une part, fait valoir que le juge des référés n'a pas le pouvoir de lui ordonner de laisser M. A... effectuer des opérations chirurgicales et, d'autre part, maintient ses conclusions et ses moyens.
Par un nouveau mémoire, enregistré le 8 octobre 2019, M. A..., d'une part, maintient ses conclusions et ses moyens et, d'autre part, demande au juge des référés du Conseil d'Etat, à titre principal, d'ordonner au centre hospitalier régional universitaire de Besançon de mettre en oeuvre tous les moyens humains et matériels nécessaires pour qu'il puisse exercer ses fonctions conformément à son statut et ses responsabilités, notamment en mettant fin à son rapport de subordination avec le professeur Bernard dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de le mettre temporairement à disposition d'un hôpital tiers comme premier opérateur pour qu'il soit évalué ou d'ordonner qu'il bénéficie d'une formation appropriée et, à titre infiniment subsidiaire, d'ordonner au centre hospitalier régional universitaire de Besançon de faire évaluer ses compétences au centre hospitalier universitaire de Dijon par une personnalité indépendante dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ".
2. M. A... a été recruté en avril 2009 par le centre hospitalier régional universitaire de Besançon en qualité de praticien hospitalier contractuel. En juin 2012, deux ans après avoir réussi le concours de praticien hospitalier, il a été nommé au sein du service de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire du centre hospitalier régional universitaire de Besançon. A partir de juin 2016, deux conventions ont été signées entre le centre hospitalier régional universitaire de Besançon et le centre hospitalier universitaire de Dijon qui ont eu pour effet de réorganiser le service de M. A... et de modifier la répartition des patients relevant de son champ de compétences. L'intéressé soutient qu'il a ainsi été mis à l'écart de manière délibérée et que cette situation est le résultat direct de relations dégradées avec ses supérieurs. M. A... a demandé au tribunal administratif de Besançon, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner au centre hospitalier régional universitaire de Besançon de le rétablir, d'une part, dans ses activités de chirurgien cardiaque, d'autre part, dans ses activités de chirurgien thoracique, dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, enfin, sans délai dans la totalité de ses accès informatiques. Par une ordonnance n° 1901409 du 3 septembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa requête. M. A... relève appel de cette ordonnance.
3. Depuis 2016, M. A..., qui participait à plus de deux cents opérations en moyenne chaque année, n'en a plus effectué aucune. Le CHU soutient que cette situation résulterait de l'incompétence professionnelle de M. A..., qui, par ailleurs, serait absent de l'hôpital, des réunions de programmations et du service à Dijon avec lequel coopère son service de Besançon. A la date de la présente ordonnance, la convention répartissant les tâches entre Besançon et Dijon dans la spécialité de M. A... ne lui a pas été communiquée et il ignore si son service comprend ou pas, et pour quel motif, une affectation fonctionnelle à Dijon, sa participation à l'activité du département dont il relève dans cette ville ayant précédemment été limitée à observer des opérations sans y participer, à quelques rares exceptions près. Il est tenu à l'écart d'une partie au moins des réunions de programmation, qui, contrairement à ce qu'a relevé le juge des référés du tribunal administratif de Besançon, ne sont pas librement accessibles, mais demandent au moins pour certaines de disposer de codes d'accès qui ne lui sont plus remis. Plus généralement, les accès informatiques nécessaires à l'exercice de sa profession lui avaient été interrompus, et n'ont été rétablis que partiellement et seulement à la veille de l'audience devant le juge des référés du tribunal administratif de Besançon. Aucun relevé de présence, aucune pièce établissant des absences n'est produit. Enfin, l'incompétence alléguée ne peut être établie que sur la base de la seule pièce incontestable versée au dossier par le centre hospitalier régional universitaire de Besançon, le jugement du tribunal administratif de Besançon du 15 janvier 2019, condamnant l'hôpital pour une faute opératoire, dont M. A... serait l'auteur - jugement dont l'hôpital a relevé appel en plaidant une totale absence de faute de sa part et en exonérant de manière détaillée, en se fondant sur l'expertise ordonnée, de toute insuffisance le docteur A..., qui, au demeurant, n'a fait l'objet d'aucune décision qui aurait réduit ou suspendu son exercice, d'aucune poursuite disciplinaire, ni d'aucune remarque écrite. Les attestations produites pour établir son incompétence sont rédigées en termes généraux, et d'autres sont produites en sens contraire. Il en résulte qu'en raison des erreurs de fait qui affectent l'ordonnance qu'il attaque, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que l'ordonnance contestée a rejeté ses conclusions et à en demander l'annulation.
4. Il appartient au juge des référés du Conseil d'Etat d'examiner, au titre de l'effet dévolutif de l'appel, les conclusions présentées par M. A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Besançon.
5. Sans qu'il puisse être certain que la brutale rupture d'activité de M. A... soit due à des agissements constitutifs d'un harcèlement moral, il n'en reste pas moins qu'aucun motif n'est établi qui donnerait une base objective à la situation de mise à l'écart totale du requérant. Au regard du droit de l'intéressé de ne subir aucun harcèlement moral, liberté fondamentale à laquelle sa mise à l'écart sans motif établi porte une atteinte grave, et en prenant en compte l'intérêt général qui s'attache à la qualité du service hospitalier et des soins qu'il délivre, qui exigent de ne pas renoncer aux compétences d'un chirurgien, ni de le laisser exercer si des insuffisances étaient établies, il y a matière pour le juge des référés à prendre les mesures nécessaires à la sauvegarde de la liberté fondamentale en cause en tenant compte des exigences de qualité du service hospitalier.
6. En l'absence de décision écartant l'intéressé de ses fonctions, il ne peut, dès lors qu'elles ne lui ont pas été retirées, être ordonné de l'y rétablir. Il convient en revanche de permettre tant à l'hôpital d'objectiver les éventuels manquements qu'il pourrait reprocher à M. A..., que de donner à celui-ci un cadre lui permettant l'exercice serein de la plénitude de ses fonctions.
7. Il y a donc lieu d'ordonner à l'hôpital d'établir avec l'intéressé un planning détaillé de ses activités, à Besançon, et, si la convention qui lui sera communiquée l'exige, à Dijon, de tenir de manière contradictoire un relevé des présences de l'intéressé, de déterminer en accord avec lui et le cas échéant de tiers impartiaux aptes à apprécier ses capacités, l'éventuelle nécessité de formations, leur organisation, leur date et leur nature, tenant compte de l'inactivité des dernières années et dans le but d'assurer un exercice efficace des compétences de M. A..., et plus généralement, de traduire par écrit, de manière claire et en les motivant, les éventuelles réserves, reproches ou consignes et attentes de la direction et de ses supérieurs hiérarchiques envers M. A... pour qu'il puisse assurer son service.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'ordonner au centre hospitalier régional universitaire de Besançon de verser à M. A... la somme de 3 000 euros qu'il demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions du centre hospitalier régional universitaire de Besançon tendant à ce que M. A..., qui n'est pas la partie perdante, lui verse une somme d'argent sur leur fondement.
O R D O N N E :
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Article 1er : L'ordonnance n° 1901409 du 3 septembre 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Besançon est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au centre hospitalier régional universitaire de Besançon de mettre en oeuvre les mesures décrites au point 7.
Article 3 : Le centre hospitalier régional universitaire de Besançon versera à M. A... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 5 : Les conclusions du centre hospitalier régional universitaire de Besançon présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A... et au centre hospitalier régional universitaire de Besançon.