Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions du 3 mars 2015 par lesquelles le directeur général des finances publiques a rejeté ses demandes de remise gracieuse des débets prononcés à son encontre par la Cour des comptes le 21 juin 2004 pour la somme de 35 825,52 euros, le 26 mai 2011 pour la somme de 253 224,98 euros et le 4 octobre 2011 pour la somme de 218 911,98 euros. Par un jugement nos 1508622/5-2, 1508624/5-2, 1508632/5-2 du 27 octobre 2016, le tribunal administratif a rejeté ses demandes.
Par un arrêt n° 16PA03904 du 13 mars 2018, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de M. A..., d'une part, annulé ce jugement et, d'autre part, rejeté ses demandes de première instance.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mai et 14 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des juridictions financières ;
- la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;
- la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;
- le décret n° 2008-228 du 5 mars 2008 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Calothy, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de M. A... et à Me Brouchot, avocat du Conservatoire national des arts et métiers ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par trois arrêts du 21 juin 2004, du 26 mai 2011 et du 4 octobre 2011, la Cour des comptes a déclaré M. A..., agent comptable, débiteur des sommes de 35 825, 52 euros, 253 224,98 euros, et 218 911,98 euros envers l'université Paris VIII-Vincennes-Saint-Denis et le Conservatoire national des arts et métiers en raison du non recouvrement de créances et du versement de dépenses non justifiées. M. A... a demandé au ministre chargé du budget la remise gracieuse des débets prononcés par la Cour des comptes. Au vu des avis défavorables rendus par le conseil d'administration de l'université Paris VIII les 23 octobre 2009 et 25 novembre 2011, puis par le président de cette université les 16 juin 2010 et 25 novembre 2011, et par le conseil d'administration et l'administrateur général du Conservatoire national des arts et métiers les 21 et 22 mars 2012, le ministre chargé du budget a, par trois décisions du 3 mars 2015, rejeté les demandes de remise gracieuse des sommes mises à la charge de M. A.... Par un jugement du 27 octobre 2016, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions. Par un arrêt du 13 mars 2018, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de M. A..., après avoir annulé ce jugement comme irrégulier et évoqué l'affaire, rejeté ses demandes de première instance.
2. Aux termes du VI de l'article 60 de la loi du 23 février 1963, dans sa rédaction applicable : " Le comptable public dont la responsabilité pécuniaire est mise en jeu par le ministre dont il relève, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels une somme égale, soit au montant de la perte de recette subie, de la dépense irrégulièrement payée, de l'indemnité versée, de son fait, à un autre organisme public ou à un tiers, de la rétribution d'un commis d'office par l'organisme public intéressé, soit, dans le cas où il en tient la comptabilité matière, à la valeur du bien manquant. (...) " Aux termes du IX du même article, dans sa rédaction applicable : " Dans les conditions fixées par l'un des décrets prévus au XII, les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu peuvent obtenir la remise gracieuse des sommes laissées à leur charge. / En cas de remise gracieuse, les débets des comptables publics sont supportés par le budget de l'organisme intéressé. Toutefois, ils font l'objet d'une prise en charge par le budget de l'Etat dans les cas et conditions fixés par l'un des décrets prévus au XII. L'Etat est subrogé dans tous les droits des organismes publics à concurrence des sommes qu'il a prises en charge. " Aux termes de l'article 8 du décret du 5 mars 2008 relatif à la constatation et à l'apurement des débets des comptables publics et assimilés, pris pour l'application de ces dispositions : " Le comptable public peut demander au ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à sa charge, intérêts compris. " Aux termes de l'article 9 de ce même décret : " I. - Le ministre chargé du budget statue sur la demande en remise gracieuse, après avis du supérieur hiérarchique et, le cas échéant, de l'organisme public et du ministre intéressé. / II. - Dans le cas où la somme allouée en remise est supportée par un organisme public autre que l'Etat, dans les conditions prévues à l'article 11, le ministre, après avis de l'organisme intéressé, ne peut accorder une remise supérieure à celle acceptée par celui-ci. ".
3. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que si le ministre chargé du budget n'est pas tenu d'accepter la demande de remise gracieuse dans la mesure acceptée par l'organisme créancier du débet, il est en revanche tenu de la refuser au-delà de la somme acceptée par ce même organisme. Il en résulte, d'autre part, que si le juge des comptes, à qui il appartient de se fonder sur les seuls éléments matériels des comptes soumis à son contrôle, à l'exclusion notamment de toute appréciation du comportement personnel du comptable, prononce à l'égard de ce dernier, en l'état des textes applicables avant l'intervention de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, un débet d'un montant égal à celui des recettes irrégulièrement non recouvrées ou des dépenses irrégulièrement payées, le ministre, lorsqu'il statue sur une demande de remise gracieuse et, le cas échéant, les organismes publics rendant l'avis prévu par le II de l'article 9 du décret du 5 mars 2008 précité, peuvent, dans le cadre de leur large pouvoir d'appréciation, fonder cette appréciation sur des critères tels que le préjudice financier causé par les manquements, les conditions d'exercice des fonctions de comptable, la survenance d'un enrichissement personnel du comptable ainsi que la situation financière personnelle du comptable.
4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont seraient entachées les avis défavorables rendus par l'université Paris VIII-Vincennes-Saint-Denis et le Conservatoire national des arts et métiers sur la demande de remise gracieuse des débets mis à la charge de M. A... et, par suite, les refus du ministre en date du 3 mars 2015 pris au vu de ces avis, la cour a relevé, d'une part, que M. A... n'établissait pas s'être livré aux contrôles qu'il lui incombait d'assurer sur les dépenses de ces établissements ni avoir exercé dans des délais appropriés toutes les diligences requises pour le recouvrement de leurs créances, et d'autre part, que les avis défavorables n'apparaissaient pas entachés d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard au montant de ses revenus déclarés, à l'importance des dépenses irrégulièrement payées et au nombre ainsi qu'à l'importance des sommes non recouvrées par ces établissements. Il ressort cependant des pièces du dossier que M. A... avait soulevé devant elle, comme elle l'a d'ailleurs relevé, que les manquements en cause n'ont pas créé de préjudice financier pour l'université Paris VIII-Vincennes-Saint-Denis et le Conservatoire national des arts et métiers, faisant notamment état de ce que le débet était notamment justifié par des dépenses irrégulièrement payées, faute d'avoir été en possession des pièces justificatives requises pour la paiement, mais correspondant à des sommes dues par les deux établissements. En statuant ainsi qu'elle l'a fait, sans se prononcer sur l'absence de préjudice financier, pour une partie au moins des irrégularités justifiant le débet, la cour a entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée, à ce titre, par le Conservatoire national des arts et métiers.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 13 mars 2018 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par le Conservatoire national des arts et métiers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., au ministre de l'action et des comptes publics, à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et au Conservatoire national des arts et métiers.
Copie en sera adressée à l'Université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis.