Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 26 novembre 2013 par laquelle le directeur de l'institut national de l'origine et de la qualité (INAO) lui a infligé une sanction, d'enjoindre à cette même autorité de procéder à la levée des scellés et au déblocage de ses vins et de lui délivrer un agrément lui permettant de vendre sa récolte de l'année 2012 dans un délai de trois jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1304586 du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision de l'INAO du 26 novembre 2013.
Par un arrêt n° 15BX03021 du 29 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de l'INAO, annulé ce jugement et rejeté la demande de M. B....
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 février et 22 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de l'INAO ;
3°) de mettre à la charge de l'INAO la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Thomas Janicot, auditeur,
- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M. A... B... et à la SCP Didier, Pinet, avocat de l'institut national de l'origine et de la qualité ;
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les 23 et 24 avril 2013, l'organisme Quali-Bordeaux a contrôlé, pour le compte de l'INAO, la production du millésime 2012 de M. B..., viticulteur à Cessac, qui produit du vin d'appellation d'origine contrôlée (AOC) " Bordeaux-Bordeaux supérieur ". A l'occasion de ce contrôle, dit " vinificateur ", un défaut organoleptique de faible intensité et un taux d'acide malique de 0,49 g/l supérieur au taux de 0,30 g/l autorisé par le cahier des charges de cette AOC ont été mis en évidence. Par une décision du 14 juin 2013, portée à la connaissance de M. B... le 16 octobre 2013, l'INAO a accepté les mesures correctrices proposées par M. B... à la suite de ce contrôle et a prononcé à son encontre un avertissement, assorti d'une obligation de conservation du lot. A la suite de la vente de ce lot par M. B... au négociant Castel Frères et d'une déclaration de retiraison en vrac en date du 18 septembre 2013, un second contrôle dit " avant expédition en vrac " a été réalisé sur le millésime 2012 le 3 octobre 2013, qui a révélé un vin analytiquement conforme aux prescriptions du cahier des charges de l'AOC mais présentant un défaut organoleptique de niveau de gravité " majeur ". Par une décision du 26 novembre 2013, l'INAO a adressé à M. B... un avertissement assorti de l'obligation de conserver le lot à la propriété sous scellés et de se soumettre à un contrôle supplémentaire. M. B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision. Par un jugement du 7 juillet 2015, le tribunal administratif a fait droit à sa demande. Par un arrêt du 29 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de l'INAO, annulé ce jugement et rejeté la demande de M. B.... Ce dernier se pourvoit en cassation contre cet arrêt.
2. Aux termes de l'article L. 641-5 du code rural et de la pêche maritime : " Peuvent bénéficier d'une appellation d'origine contrôlée les produits agricoles, forestiers ou alimentaires et les produits de la mer, bruts ou transformés, qui remplissent les conditions fixées par les dispositions de l'article L. 115-1 du code de la consommation, possèdent une notoriété dûment établie et dont la production est soumise à des procédures comportant une habilitation des opérateurs, un contrôle des conditions de production et un contrôle des produits ". Aux termes de l'article L. 642-2 du même code : " Au cahier des charges d'une appellation d'origine ou d'une indication géographique concernant un produit vitivinicole, un produit vinicole aromatisé ou une boisson spiritueuse est associé soit un plan de contrôle, soit un plan d'inspection (...). Un plan de contrôle ou d'inspection peut être constitué : de dispositions de contrôle communes à plusieurs cahiers des charges ou à plusieurs organismes de contrôle ; de dispositions de contrôle spécifiques (...) ". Aux termes de l'article L. 642-3 du même code : " Un organisme de contrôle, qui peut être un organisme certificateur ou un organisme d'inspection, effectue sur la base du plan de contrôle ou du plan d'inspection, les opérations de contrôle chez les opérateurs. Ces organismes sont accrédités et agréés dans les conditions fixées par le décret prévu à l'article L. 640-3 (...) ". Selon l'article D. 644-2 du code, dans sa version en vigueur en 2013 : " I. Tout opérateur dont les produits revendiqués en appellation d'origine contrôlée font l'objet d'un prélèvement d'échantillons dans le cadre du contrôle des produits prévus à l'article L. 641-5 est tenu de conserver en l'état les produits auxquels se rapporte ledit prélèvement jusqu'aux résultats de ce contrôle, à l'exception des produits prêts à être mis à la consommation. II. Les dispositions visées au I, éventuellement complétées de dispositions spécifiques, sont mises en application selon les modalités fixées dans le cahier des charges de chaque appellation et dans le plan de contrôle ou le plan d'inspection qui y est associé ".
3. Aux termes de l'article IV.2.1. du plan d'inspection de l'AOC " Bordeaux-Bordeaux supérieur ", intitulé " Contrôle des vinificateurs ", dans sa version approuvée le 14 mai 2013 : " Les opérateurs sont informés par Quali-Bordeaux au plus tard la semaine qui suit la date de dépôt de leur déclaration de revendication de leur obligation se soumettre avant tout conditionnement ou expédition du millésime revendiqué à un contrôle exhaustif des vins d'une couleur détenus en vrac dans leurs installations. L'opérateur convient, avant le 30 juin de l'année qui suit la récolte, d'un rendez-vous avec Quali-Bordeaux afin de procéder au contrôle (...) ". Aux termes de l'article IV.2.1.3 du même plan d'inspection : " Quali-Bordeaux informe l'opérateur du résultat de l'examen. Les décisions du jury sont transmises par Quali-Bordeaux à l'INAO au plus tard 3 jours ouvrés après l'expiration du délai de recours. / Il est rappelé que les vins ainsi contrôlés sont soumis à l'article D.644-2 du code rural et sont tenus de demeurer en l'état jusqu'au résultat du contrôle ". Aux termes de l'article IV.2.2.1 du même plan d'inspection, intitulé " En cas d'expédition en vrac " : " Toute retiraison en vrac est déclarée à Quali-Bordeaux au maximum 15 jours ouvrés et au minimum 5 jours ouvrés avant l'expédition ". Selon l'article IV.2.2.4 du même plan d'inspection : " Le prélèvement est réalisé par un préleveur de Quali-Bordeaux suivant les modalités définies dans son guide de prélèvement. Le prélèvement sera effectué sur une des cuves destinées à la retiraison choisie aléatoirement par Quali-Bordeaux. Les vins doivent être assemblés et logés en cuve ou dans les contenants avant leur retiraison. Les cuves composant le lot seront scellées jusqu'au départ du lot ". Et en vertu de l'article IV.2.3.7 : " Quali-Bordeaux informe l'opérateur du résultat de l'examen. Les décisions du jury sont transmises par Quali-Bordeaux à l'INAO au plus tard trois jours ouvrés après l'expiration du délai de recours. / En cas de non-conformité, l'INAO notifie sans délai à l'opérateur la gravité du manquement et la sanction encourue ". Le chapitre VI du plan d'inspection est consacré au traitement des manquements. Son article VI.1 intitulé " Vocabulaire " définit une mesure correctrice comme une action visant à éliminer rapidement le manquement existant et une mesure corrective comme une action visant à empêcher de nouveaux manquements par l'élimination de leur cause. Aux termes de l'article VI.3.2 du plan d'inspection : " Pour chaque manquement constaté, l'opérateur est en droit de proposer une action correctrice ou corrective. La recevabilité de ces actions et leur délai de mise en oeuvre seront appréciées par le Directeur de l'INAO ". Aux termes de l'article VI.4 du même plan d'inspection, intitulé " INAO " : " L'INAO notifie aux opérateurs concernés les suites des manquements conformément aux prescriptions règlementaires en vigueur (...). L'INAO après avoir examiné la recevabilité des actions correctrices ou correctives proposées par l'opérateur lui notifie dans les meilleurs délais la sanction encourue en se basant sur la grille de traitement des manquements en vigueur. Le constat de la réalisation des mesures correctrices peut permettre au directeur de l'INAO de ne pas prononcer de sanction. / Dans le cadre de mesures correctrices, le directeur de l'INAO conserve toutefois la possibilité de prononcer une sanction au vue de la gravité du manquement ou de son caractère récurrent et de la classification du point à contrôler du cahier des charges, même s'il accepte la mesure correctrice proposée par l'opérateur. / L'acceptation de mesures correctives est nécessairement accompagnée de sanction. Les propositions de mesures correctives ainsi que leurs délais de réalisation sont soumis à l'approbation de du directeur de l'INAO qui informe l'opérateur de sa décision ainsi que l'ODG. La notification précise les délais de mise en conformité. Pour la finalisation des mesures correctives accompagnant une sanction, le directeur de l'INAO peut diligenter une visite sur place de ses services en particulier si la complexité des mesures correctives proposées le justifie ".
4. Il résulte de ces dispositions, que, lorsqu'un opérateur fait l'objet d'un contrôle dit " vinificateur " en application de l'article IV.2.1. du plan d'inspection de l'AOC " Bordeaux-Bordeaux supérieur ", il est tenu de conserver ses vins en l'état jusqu'aux résultats du contrôle, c'est-à-dire jusqu'à la date à laquelle l'organisme de contrôle lui communique les résultats des examens analytiques et organoleptiques menés par prélèvements sur échantillons et non jusqu'à la date à laquelle le directeur de l'INAO lui notifie, le cas échéant, la sanction prise à la suite de ce contrôle.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a pris connaissance le 30 avril 2013 des résultats du contrôle " vinificateur " mené sur le fondement de l'article IV.2.1.1 du plan d'inspection de l'AOC " Bordeaux-Bordeaux supérieur " par Quali-Bordeaux sur la production de son millésime 2012. Ainsi, comme l'a relevé la cour, M. B... était, dès le 30 avril 2013, libéré de l'obligation de conserver ses vins en l'état. Par suite, en jugeant que l'absence de notification à M. B... de la sanction de l'INAO du 14 juin 2013 était sans incidence sur la régularité de la procédure de contrôle ayant abouti à la décision du 26 novembre 2013 au motif que les résultats du premier contrôle lui ayant été antérieurement communiqués, il avait connaissance de ce qu'il était libéré de l'obligation prévue à l'article D.644-2 du code rural et de la pêche maritime de maintenir les vins en l'état jusqu'aux résultats du contrôle, de sorte qu'il était en mesure de procéder à l'assemblage des vins avant le second contrôle, la cour n'a, en tout état de cause, pas commis d'erreur de droit.
6. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5 et il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le contrôle avant expédition en vrac du 3 octobre 2013 n'a pas été organisé au regard des résultats du contrôle vinificateur mené par Quali-Bordeaux les 23 et 24 avril 2013 mais a été déclenché par M. B... lui-même à la suite de la vente de son millésime 2012 à un négociant, qui a adressé une déclaration de retiraison en vrac à cet organisme le 18 septembre 2013. Par suite, la cour n'était pas tenue de répondre au moyen, inopérant, tiré de ce que le contrôle du 3 octobre 2013 a été pris au vu des résultats du contrôle des 23 et 24 avril 2013.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, dans sa version applicable au litige : " les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : (...) 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ". Aux termes de l'article L. 642-33 du code rural et de la pêche maritime : " Au vu du rapport établi par l'organisme d'inspection, le directeur de l'Institut national de l'origine et de la qualité, après avoir mis les opérateurs en mesure de produire des observations, décide des mesures sanctionnant les manquements. Il peut assortir leur prononcé d'une mise en demeure de se conformer au cahier des charges selon un calendrier déterminé ".
8. Si l'article L. 642-33 du code rural et de la pêche maritime prévoit que le directeur de l'INAO décide des mesures sanctionnant un manquement " après avoir mis les opérateurs en mesure de produire des observations ", cette disposition se borne à rappeler le principe du respect des droits de la défense sans pour autant instaurer une procédure contradictoire particulière au sens du 3° du deuxième alinéa de l'article 24 précité de la loi du 12 avril 2000. Dès lors, et contrairement à ce que soutient l'INAO dans le dernier état de ses écritures, la mesure de sanction prise à l'encontre de M. B... entre dans le champ d'application de ce dernier article. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a été informé de la décision de sanction prise à son encontre et de la possibilité de présenter des observations écrites dans un délai de quinze jours par une lettre du directeur de l'INAO en date du 29 octobre 2013. S'il a présenté des observations écrites par un courrier du 15 novembre 2013, il ne ressort pas des pièces du dossier qui était soumis à la cour que le requérant ait demandé à l'INAO de présenter des observations orales. Par suite, la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit, écarter le moyen tiré de ce que M. B... n'avait pas été mis à même de présenter des observations orales par l'INAO en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000.
9. En quatrième lieu, il résulte des articles IV.2.2.1 et IV.2.2.4 du plan d'inspection précités que le contrôle réalisé par Quali-Bordeaux avant la retiraison dans le cadre d'une vente en vrac est déclenché par la déclaration de retiraison adressée par le commanditaire du lot à cet organisme, de sorte qu'il porte nécessairement sur des vins considérés comme préalablement assemblés et comportant des qualités homogènes. Par suite, en jugeant que les vins contrôlés en application de l'article IV.2.2.4 sont considérés comme préalablement assemblés par le producteur et ayant des qualités homogènes, de sorte que M. B... ne pouvait soutenir que lors du contrôle du 3 octobre 2013 l'échantillon avait été prélevé sur une cuve de vin non assemblé, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
10. En dernier lieu, s'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le courrier du 26 septembre 2013 de Quali-Bordeaux indiquait à M. B... que seule la cuve prélevée lors du contrôle du 3 octobre 2013 serait mise sous scellés, alors que cinq cuves ont finalement été scellées à l'issue de ce contrôle, cette circonstance était, ainsi que l'a relevé la cour, sans effet sur la préparation de ce contrôle par le requérant et sur sa régularité. Par suite, le moyen tiré de ce que la cour a commis une erreur de droit en ne recherchant pas si le contrôle du 3 octobre 2013 n'était pas irrégulier du fait du courrier du 26 septembre 2013 de Quali-Bordeaux qui lui avait indiqué que seule la cuve prélevée serait mise sous scellés est inopérant.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros à verser à l'INAO au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'INAO qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.
Article 2 : M. B... versera à l'INAO une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à l'Institut national de l'origine et de la qualité.
Copie en sera adressée à Quali-Bordeaux.