Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser une somme de 9 587,79 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison, d'une part, de renseignements erronés sur la date à laquelle il aurait droit à une pension à taux plein et, d'autre part, du refus du recteur de l'académie de Montpellier de reporter la date d'effet de son admission à faire valoir ses droits à la retraite.
Par un jugement n° 1702128 du 11 avril 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 juin et 22 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 2003-775 du 31 août 2003 ;
- le décret n° 2010-1734 du 30 décembre 2010 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Yves Ollier, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A..., professeur agrégé, né en 1954, a reçu un document établi le 27 septembre 2011 par le service des retraites de l'Etat, intitulé " estimation indicative globale ", l'informant de ce qu'il bénéficierait d'une retraite à taux plein au 1er avril 2016. L'intéressé a sollicité, le 26 mai 2015, son admission à la retraite à compter de la date ainsi indiquée. Par un arrêté du recteur de l'académie de Montpellier, il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à cette date et s'est vu concéder, par une décision du 7 mars 2016, une pension qui ne prenait en compte que 164 trimestres et 81 jours, alors que la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une pension de retraite à taux plein était de 165 trimestres. Il a alors demandé au recteur de l'académie de Montpellier, le 7 mars 2016, de reporter son départ à la retraite de quelques jours afin de bénéficier d'une retraite à taux plein, ce que le recteur a refusé le 30 mars suivant. Il se pourvoit en cassation contre le jugement du 11 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 9 587,79 euros en réparation des préjudices occasionnés selon lui par les renseignements erronés fournis par le service des retraites de l'Etat et par le refus fautif du recteur de faire droit à sa demande de report.
Sur le pourvoi en tant qu'il concerne la faute qu'aurait commise le recteur de l'académie de Montpellier :
2. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le recteur de l'académie de Montpellier a présenté un unique mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2019, qui n'a pas été communiqué au requérant, dans lequel il répondait aux moyens relatifs au caractère fautif de son refus de reporter la date d'admission de M. A... à faire valoir ses droits à la retraite. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal administratif s'est fondé sur des éléments mentionnés dans ce mémoire, concernant l'intérêt du service, qui n'apparaissaient pas dans les autres pièces du dossier, notamment le mémoire en défense présenté par le ministre de l'action et des comptes publics, qui avait été communiqué au requérant. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que ce jugement a été rendu au terme d'une procédure irrégulière.
4. En second lieu, en vertu des règles générales applicables au retrait des actes administratifs, l'auteur d'une décision individuelle expresse créatrice de droits ne peut légalement la rapporter, à la condition que cette décision soit elle-même illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la date à laquelle elle a été prise. En dehors de cette hypothèse, l'auteur de la décision peut procéder à son retrait, pour lui substituer une décision plus favorable, lorsque le retrait est sollicité par le bénéficiaire de cette décision et qu'il n'est pas susceptible de porter atteinte aux droits des tiers. Lorsque ces conditions sont réunies, l'auteur de la décision, saisi d'une demande de retrait par le bénéficiaire, apprécie, sous le contrôle du juge, s'il peut procéder ou non à son retrait, compte tenu de l'intérêt tant de celui qui l'a saisi que de celui du service.
5. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que, pour estimer que la décision du recteur de l'académie de Montpellier refusant de retirer son arrêté admettant M. A... à faire valoir ses droits à la retraite pour lui substituer un autre arrêté comportant une date d'effet plus favorable à l'intéressé, le tribunal administratif n'a pris en compte que l'intérêt du service. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 qu'en omettant de prendre également en compte l'intérêt de M. A..., il a commis une erreur de droit.
Sur le pourvoi en tant qu'il concerne la faute qu'aurait commise le service des retraites de l'Etat :
6. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que, pour estimer que le service des retraites de l'Etat n'avait pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité, le tribunal administratif a relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, d'une part, que le relevé de situation individuelle adressé en 2011 à M. A... précisait qu'il présentait un caractère indicatif et provisoire et, d'autre part, que le relevé envoyé en 2014 à l'intéressé, avant qu'il ne sollicite son admission à la retraite, comportait des informations exactes sur le nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Il ressort en outre des pièces du dossier soumis au juge du fond que ce second document précisait également le nombre de trimestres au titre duquel le requérant avait cotisé , ce dont il pouvait aisément déduire le nombre de trimestres restant à cotiser pour bénéficier d'un taux plein. Dans ces conditions, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits en estimant que le service des retraites de l'Etat n'avait pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de celui-ci en indiquant une date erronée de pension à taux plein dans le premier relevé qu'il a adressé au requérant en 2011.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque qu'en tant qu'il a statué sur ses conclusions indemnitaires fondées sur la faute qu'aurait commise le recteur de l'académie de Montpellier.
8. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 11 avril 2019 du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions indemnitaires de M. A... fondées sur la faute qu'aurait commise le recteur de l'académie de Montpellier.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, devant le tribunal administratif de Montpellier.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. A... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.