Vu la procédure suivante :
1° Sous le numéro 435869, par une requête, enregistrée le 8 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le protocole d'accord du 9 avril 2015 signé entre l'Etat et les sociétés concessionnaires d'autoroutes APR, AREA, ASF, Cofiroute, ESCOTA, SANEF et SAPN ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le numéro 435870, par une requête, enregistrée le 8 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir les clauses réglementaires du protocole d'accord du 9 avril 2015, à savoir les 3ème et 4ème alinéas de l'article C1 et l'annexe 2 fixant les tarifs, l'article D (D1, D2, D3) et l'annexe 5, dont les régimes fiscaux, de taxes et de redevances, et les tarifs, l'article F et l'annexe 6 relatifs aux tarifs, l'article G sur la stabilité des prélèvements obligatoires, le dernier alinéa de l'article G relatif à la défense en pleine et entière concertation en cas de recours des tiers, l'annexe 6 et le premier alinéa de l'article C3 relatifs à la " prolongation des concessions par le plan relance " et à la durée des contrats de concession ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de la voirie routière ;
- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;
- le décret n° 2010-406 du 26 avril 2010 ;
- les décrets n°s 2015-1044, 2015-1045 et 2015-1046 du 21 août 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat des sociétés des autoroutes Paris-Rhin-Rhône, des autoroutes région Auvergne Rhône-Alpes, autoroutes du sud de la France, Cofiroute, des autoroutes Esterel Côte-d'Azur, des autoroutes du nord et de l'est de la France et des autoroutes Paris-Normandie ;
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes de M. B... sont dirigées contre le protocole d'accord entre l'Etat et les sociétés concessionnaires d'autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APR), des autoroutes région Auvergne Rhône-Alpes (AREA), des autoroutes du sud de la France (ASF), des autoroutes Esterel Côte-d'Azur (ESCOTA), des autoroutes du nord et de l'est de la France (SANEF), des autoroutes Paris-Normandie (SAPN) ainsi que de la société Cofiroute, signé le 9 avril 2015, qui a eu pour objet de régler par voie transactionnelle le litige opposant les parties. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Un protocole transactionnel conclu par l'administration afin de prévenir ou d'éteindre un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative constitue un contrat administratif.
Sur le recours en annulation du protocole :
3. Aux termes de l'article R. 351-4 du code de justice administrative : " Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi un tribunal administratif, une cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat relève de la compétence d'une de ces juridictions administratives, le tribunal administratif, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat, selon le cas, est compétent, nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, pour rejeter les conclusions entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance, pour constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur tout ou partie des conclusions ou pour rejeter la requête en se fondant sur l'irrecevabilité manifeste de la demande de première instance ".
4. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles.
5. M. B... se prévaut de sa qualité de contribuable local de la communauté de communes Grenoble Alpes Métropole et d'usager d'une des autoroutes concédées pour contester le protocole d'accord conclu le 9 août 2015 entre l'Etat et sept sociétés concessionnaires d'autoroutes. Toutefois il est manifeste que l'intéressé ne peut à ce titre être regardé comme un tiers susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par les clauses de ce protocole. Dès lors, sa requête en annulation du protocole est entachée d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance et doit par suite être rejetée, alors même que le tribunal administratif est en principe compétent pour juger en premier ressort de ce recours.
Sur le recours pour excès de pouvoir contre des clauses réglementaires du protocole :
6. M. B... demande l'annulation d'un certain nombre de clauses du protocole, dont il soutient qu'elles revêtent un caractère réglementaire et sont illégales.
7. Revêtent un caractère réglementaire les clauses d'un contrat qui ont, par elles-mêmes, pour objet l'organisation ou le fonctionnement d'un service public. S'agissant d'une convention de concession autoroutière, relèvent notamment de cette catégorie les clauses qui définissent l'objet de la concession et les règles de desserte, ainsi que celles qui définissent les conditions d'utilisation des ouvrages et fixent les tarifs des péages applicables sur le réseau concédé. En revanche, les stipulations relatives notamment au régime financier de la concession ou à la réalisation des ouvrages, qu'il s'agisse de leurs caractéristiques, de leur tracé, ou des modalités de cette réalisation, sont dépourvues de caractère réglementaire et revêtent un caractère purement contractuel.
8. D'une part, il résulte de ce qui précède que les clauses du protocole relatives à la transparence, à la mise en place de mesures favorables au covoiturage, à la contribution des sociétés concessionnaires d'autoroutes au budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, à la stabilité financière des concessions ou à la mise en oeuvre du protocole dont M. B... demande l'annulation sont dépourvues de caractère réglementaire.
9. D'autre part, selon les stipulations de l'article C.1. du protocole : " l'Etat et les SCA conviennent (...) de modifier les hausses de tarifs additionnelles qui s'appliqueront le 1er février 2018 (...) et arrêtent en conséquence les profils de compensation figurant en annexe 2 ". L'article F stipule que : " les parties sont convenues que la compensation intégrale de l'absence de hausse tarifaire prévue au 1er février 2015 prendra la forme, pour chaque société, de hausses de tarifs additionnelles les 1er février de chaque année de 2019 à 2023 (inclus), en sus des hausses prévues par l'application des contrats de concession, et en sus des hausses prévues au point C.1 (...). Les parties arrêtent en conséquence les profils de hausses tarifaires présentés en annexe 2 ". L'article G prévoit que " si, pour quelque cause que ce soit, pour chaque société, l'intégralité du ou des avenants aux contrats de concession concernant le présent protocole n'ont pas été publiés au Journal Officiel avant le 30 septembre 2015, alors les SCA seraient relevées de leurs obligations au titre du présent protocole ". Par suite, le protocole doit sur ce point être regardé comme un acte préparatoire à des avenants tarifaires, avenants qui au demeurant sont intervenus le 31 juillet 2015 et ont été approuvés par des décrets n°s 2015-1044, 2015-1045 et 2015-1046 du 21 août 2015, publiés au Journal Officiel le 23 août 2015 et qui comportent les clauses tarifaires prévues par le protocole. Les clauses du protocole relatives aux tarifs sont dès lors, en tout état de cause, dépourvues de caractère réglementaire.
10. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. B... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir d'un certain nombre de clauses, considérées comme réglementaires, du protocole n'est pas non plus recevable.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B..., au même titre, les sommes demandées à ce titre, d'une part, par la société AREA, d'autre part, par les sociétés APR, ASF, Cofiroute, ESCOTA, SANEF et SAPN.
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de M. B... sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à la ministre de la transition écologique, aux sociétés des autoroutes Paris-Rhin-Rhône, des autoroutes région auvergne Rhône-Alpes, des autoroutes du sud de la France, des autoroutes Esterel Côte-d'Azur, des autoroutes du nord et de l'est de la France, des autoroutes Paris Normandie et de la société Cofiroute.
Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la relance.