Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par une ordonnance n° 1811864 du 28 février 2019, le premier vice-président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Par une ordonnance n° 19VE01934 du 2 septembre 2019, le président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par M. B... contre cette ordonnance.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 13 décembre 2019 et 11 mars et 27 juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros à la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Yves Ollier, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un arrêté du 16 juillet 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par une ordonnance du 28 février 2019, le premier vice-président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté comme manifestement irrecevable la demande de M. B... dirigée contre cet arrêté au motif qu'une partie des pièces jointes à la requête transmise par l'application Télérecours n'avaient pas été répertoriées par des signets distincts. M. B... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 2 septembre 2019 par laquelle le président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel.
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque (...) elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) / Les présidents des formations de jugement des cours peuvent (...), par ordonnance, rejeter (...) les requêtes dirigées contre des ordonnances prises en application des 1° à 5° du présent article (...) ". Aux termes de l'article R. 612-1 du même code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / (...) La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti (...) ".
3. Aux termes de l'article R. 412-2 du code de justice administrative : " Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé. (...) ". L'article R. 414-1 du même code dispose que : " Lorsqu'elle est présentée par un avocat, un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, une personne morale de droit public autre qu'une commune de moins de 3 500 habitants ou un organisme de droit privé chargé de la gestion permanente d'un service public, la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être adressée à la juridiction par voie électronique au moyen d'une application informatique dédiée accessible par le réseau internet. (...) ". Aux termes de l'article R. 414-3 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, relatif aux requêtes transmises par l'application Télérecours : " (...) Les pièces jointes sont présentées conformément à l'inventaire qui en est dressé. / Lorsque le requérant transmet, à l'appui de sa requête, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d'entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l'inventaire mentionné ci-dessus. S'il transmet un fichier par pièce, l'intitulé de chacun d'entre eux doit être conforme à cet inventaire. Le respect de ces obligations est prescrit à peine d'irrecevabilité de la requête (...) ".
4. Les dispositions citées au point 3 relatives à la transmission de la requête et des pièces qui y sont jointes par voie électronique définissent un instrument et les conditions de son utilisation qui concourent à la qualité du service public de la justice rendu par les juridictions administratives et à la bonne administration de la justice. Elles ont pour finalité de permettre un accès uniformisé et rationalisé à chacun des éléments du dossier de la procédure, selon des modalités communes aux parties, aux auxiliaires de justice et aux juridictions. A cette fin, elles organisent la transmission par voie électronique des pièces jointes à la requête à partir de leur inventaire détaillé et font obligation à son auteur de les transmettre soit en un fichier unique, chacune d'entre elles devant alors être répertoriée par un signet la désignant, soit en les distinguant chacune par un fichier désigné, l'intitulé des signets ou des fichiers devant être conforme à l'inventaire qui accompagne la requête. Ces dispositions ne font pas obstacle, lorsque l'auteur de la requête entend transmettre un nombre important de pièces jointes constituant une série homogène eu égard à l'objet du litige, telles que des documents visant à établir la résidence en France d'un étranger au cours d'une année donnée, à ce qu'il les fasse parvenir à la juridiction en les regroupant dans un ou plusieurs fichiers sans répertorier individuellement chacune d'elles par un signet, à la condition que le référencement de ces fichiers ainsi que l'ordre de présentation, au sein de chacun d'eux, des pièces qu'ils regroupent soient conformes à l'énumération, figurant à l'inventaire, de toutes les pièces jointes à la requête.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond, d'une part, que la demande de M. B... devant le tribunal administratif de Montreuil comportait quatorze fichiers contenant, chacun pour une année donnée, de nombreux documents visant à établir sa résidence en France de 2005 à 2018 et, d'autre part, que le référencement de ces fichiers ainsi que l'ordre de présentation, au sein de chacun d'eux, des pièces qu'ils regroupaient étaient conformes à l'énumération, figurant à l'inventaire, de toutes les pièces jointes à cette demande. En jugeant que ces fichiers ne regroupaient pas des pièces constituant une série homogène dispensant M. B... de répertorier individuellement tous les documents y figurant par un signet, le président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a entaché son ordonnance de dénaturation. Il suit de là que M. B... est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de son pourvoi, à en demander l'annulation.
6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. B..., renonce à percevoir la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à verser à la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles du 2 septembre 2019 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : L'Etat versera à la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. B..., une somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.