Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier de Chambéry à lui verser une somme de 2 751 921 euros en réparation du préjudice que lui a causé l'intervention du 16 juin 2010 et les suites de celle-ci. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Savoie a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier à lui rembourser prestations pour un montant de 768 064 euros et, à titre subsidiaire, de mettre cette somme à la charge de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM). Par un jugement n° 1302713 du 29 septembre 2015, rectifié par une ordonnance du 28 octobre 2015, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier de Chambéry à verser à M. A... la somme de 781 218 euros et à la CPAM de la Savoie la somme de 229 893 euros. Le tribunal administratif de Grenoble a également mis à la charge de l'ONIAM le versement à M. A... d'une somme de 450 985 euros.
Par un arrêt n° 15LY03732 du 14 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce jugement et condamné le centre hospitalier de Chambéry à verser à M. A... une somme de 917 110,22 euros ainsi qu'une rente annuelle de 23 072 euros au titre de l'assistance par une tierce personne et à la CPAM de la Savoie une somme de 374 707,73 euros ainsi que le montant de ses débours de soins et de santé futurs, dans la limite de 14 982 euros par an, et des arrérages de pension d'invalidité, dans la limite de 6 810,38 euros par an.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 14 février, 14 mai 2019 et 18 août 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le centre hospitalier Métropole Savoie, venant aux droits du centre hospitalier de Chambéry, demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Florian Roussel, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat du Centre Hospitalier Métropole Savoie, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. A..., à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 16 juin 2010, M. A..., victime d'une fracture d'une vertèbre, a subi au centre hospitalier de Chambéry, une intervention chirurgicale à la suite de laquelle il est resté paraplégique. Par un jugement du 29 septembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'établissement hospitalier à lui verser la somme de 781 218 euros en réparation des préjudices subis et à verser une somme de 229 893 euros à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Savoie au titre de ses débours. Le tribunal administratif a également mis à la charge de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) le versement à M. A... d'une somme de 450 985 euros. Par un arrêt du 14 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce jugement et condamné le centre hospitalier de Chambéry à verser à M. A... une somme de 917 110,22 euros, dont 902 110,22 euros au titre des séquelles de l'intervention et 15 000 euros au titre du préjudice moral lié à l'impossibilité pour l'intéressé de s'y préparer psychologiquement, ainsi qu'une rente annuelle de 23 072 euros au titre de l'assistance par une tierce personne et à la CPAM de la Savoie une somme de 374 707,73 euros ainsi que le montant de ses débours de soins et de santé futurs, dans la limite de 14 982 euros par an, et des arrérages de pension d'invalidité, dans la limite de 6 810,38 euros par an. Le centre hospitalier Métropole Savoie, venant aux droits du centre hospitalier de Chambéry, se pourvoit en cassation contre cet arrêt.
2. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté mais la perte de chance d'éviter la survenue de ce dommage. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.
3. Après avoir retenu l'existence d'un manquement du centre hospitalier de Chambéry à son obligation d'information, à l'origine pour M A... d'une perte de chance de 50 % de se soustraire au risque lié à l'intervention chirurgicale du 16 juin 2010, et avoir relevé que des manquements fautifs étaient imputables à l'établissement dans la réalisation de cette intervention et dans la prise en charge post-opératoire et qu'ils avaient également entraîné pour l'intéressé une perte de chance de 50 % d'éviter la survenue du dommage, la cour en a déduit que le centre hospitalier devait être condamné à réparer l'intégralité des préjudices subis par M. A... et par la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie à raison des séquelles de cette intervention.
4. Or il incombait à la cour, pour fixer le taux de la perte de chance subie par M. A..., d'additionner, d'une part, le taux de sa perte de chance de se soustraire à l'opération, c'est-à-dire la probabilité qu'il ait refusé l'opération s'il avait été informé du risque qu'elle comportait et, d'autre part, le taux de sa perte de chance résultant des fautes médicales commises lors de l'intervention et dans la prise en charge post-opératoire, ce taux étant multiplié par la probabilité qu'il ait accepté l'opération s'il avait été informé du risque qu'elle comportait. Compte tenu des taux de perte de chance, rappelés ci-dessus, que la cour avait souverainement appréciés, il devait en résulter un taux global de 50 % + (50 % x 50 %) = 75 %. Par suite, en statuant ainsi qu'il a été dit au point précédent, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit. Le centre hospitalier Métropole Savoie est dès lors fondé à en demander l'annulation sur ce point.
5. Par suite, l'arrêt attaqué doit être annulé en tant qu'il statue, après annulation du jugement du tribunal administratif et mise hors de cause de l'ONIAM, sur la demande de M. A... tendant à la réparation par le centre hospitalier Métropole Savoie des séquelles de l'intervention du 16 juin 2010, sauf en ce qui concerne la réparation du préjudice spécifique d'impréparation uniquement fondée sur le défaut d'information du patient, ainsi que sur les débours de la CPAM de la Savoie et sur les autres conclusions des parties.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier Métropole Savoie une somme à verser à M. A... et à la CPAM du Puy-de-Dôme à ce titre.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 14 décembre 2018 est, à l'exception des articles 1er et 5, annulé en tant qu'il condamne le centre hospitalier Métropole Savoie à réparer les séquelles de l'intervention du 16 juin 2010 subies par M. A..., à l'exception du montant réparant le préjudice spécifique d'impréparation, ainsi qu'en tant qu'il statue sur les débours et les frais de gestion de la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie et sur les autres conclusions des parties.
Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Lyon.
rticle 3 : Le surplus des conclusions du centre hospitalier Métropole Savoie est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. A... et la CPAM du Puy-de-Dôme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier Métropole Savoie, à M. B... A..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Savoie, à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
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