Vu la procédure suivante :
Par un mémoire distinct et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 novembre et 12 décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la société Coopérative des Editeurs Libres et Indépendants et autres demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de leur requête contre la décision n° 2020-0682 du 19 juin 2020 de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse relative à la décision n° 2018-02 du 20 février 2018 du Conseil supérieur des messageries de presse instituant une contribution exceptionnelle des éditeurs pour le financement des mesures de redressement du système collectif de distribution de la presse, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles 16 et 18 de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 modifiée.
Les sociétés requérantes soutiennent qu'en édictant ces dispositions, applicables au litige, en tant qu'elles permettraient à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse de prendre tout type de mesure dans le cadre de sa mission générale, y compris d'imposer une contribution financière à la charge des éditeurs de presse sans garantie suffisante, le législateur a méconnu sa propre compétence en affectant la liberté d'entreprendre, la liberté contractuelle, le principe du consentement à l'impôt, l'égalité devant les charges publiques et le droit de propriété et porté directement atteinte à ces mêmes droits et libertés.
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 modifiée par la loi n° 2018-1063 du 18 octobre 2019 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Clément Tonon, auditeur,
- les conclusions de Mme A... B..., rapporteure publique,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la société Coopérative des éditeurs libres et indépendants et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes de l'article 16 de la loi du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, dans sa rédaction issue de la loi du 18 octobre 2019 relative à la modernisation de la distribution de la presse : " L'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse est chargée de faire respecter les principes énoncés par la présente loi. Elle veille à la continuité territoriale et temporelle, à la neutralité et à l'efficacité économique de la distribution groupée de la presse ainsi qu'à une couverture large et équilibrée du réseau des points de vente. Elle concourt à la modernisation de la distribution de la presse et au respect du pluralisme de la presse. "
3. L'article 18 de la loi du 2 avril 1947, dans sa rédaction résultant de la loi du 18 octobre 2019, dispose : " Pour l'exécution des missions qui lui sont confiées par l'article 16, l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse : 1° Agrée les sociétés assurant la distribution de la presse dans le respect du cahier des charges mentionné à l'article 12 ; / 2° Est informée par chaque société agréée, deux mois avant leur entrée en vigueur, des conditions techniques, tarifaires et contractuelles de ses prestations. Dans un délai de deux mois à compter de cette transmission, elle émet un avis public sur ces conditions ou fait connaître ses observations à la société. Elle peut demander à la société de présenter une nouvelle proposition et, si nécessaire, modifier les conditions tarifaires ou suspendre leur application si elles ne respectent pas les principes de non-discrimination, d'orientation vers les coûts d'un opérateur efficace et de concurrence loyale. Elle peut également décider, pour assurer le respect de ces principes, d'un encadrement pluriannuel des tarifs de ces prestations. Elle rend publics les barèmes établis par les sociétés agréées au bénéfice de l'ensemble des clients ; / 3° Fixe les règles de répartition, entre toutes les entreprises de presse adhérant aux sociétés coopératives de groupage de presse utilisant les services des sociétés agréées de distribution de la presse, des coûts spécifiques et ne pouvant être évités induits par la distribution des quotidiens. Cette répartition s'effectue au prorata du chiffre d'affaires des entreprises de presse adhérant aux sociétés coopératives de groupage de presse ; / 4° Définit, par dérogation à l'article 3, les circonstances dans lesquelles une entreprise de presse peut, dans des zones géographiques déterminées et pour des motifs tirés de l'amélioration des conditions de desserte des points de vente, recourir à une distribution groupée sans adhérer à une société coopérative de groupage de presse ; elle précise dans ce cas les modalités de participation de l'entreprise à la répartition des coûts spécifiques mentionnés au 3° du présent article ; / 5° Est informée par les organisations professionnelles représentatives concernées de l'ouverture de leurs négociations en vue de la conclusion de l'accord interprofessionnel mentionné au 2° de l'article 5 ou d'un avenant à cet accord, reçoit communication de cet accord ou avenant et émet un avis public sur sa conformité aux principes énoncés par la présente loi. En cas de non-conformité de cet accord ou avenant ou de carence des parties dûment constatée au terme de six mois suivant l'ouverture des négociations ou, le cas échéant, suivant l'expiration de l'accord ou de l'avenant, l'autorité définit les règles d'assortiment des titres et de détermination des quantités servies aux points de vente ; / 6° Précise les règles mentionnées à l'article 14 relatives aux conditions d'implantation des points de vente et fixe, après avoir recueilli l'avis de leurs organisations professionnelles représentatives, les conditions de rémunération des diffuseurs de presse qui gèrent ces points de vente ; / 7° Rend public un schéma territorial d'orientation de la distribution de la presse prenant en compte les dépositaires centraux de presse. "
4. A l'appui de leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision n° 2020-0682 du 19 juin 2020 de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) relative à la décision n° 2018-02 du Conseil supérieur des messageries de presse instituant une contribution exceptionnelle des éditeurs pour le financement des mesures de redressement du système collectif de distribution de la presse, la société Coopérative des Editeurs Libres et Indépendants et autres soutiennent que cette décision a été prise sur le fondement des dispositions législatives citées ci-dessus qui méconnaissent directement ou indirectement, faute de précisions suffisantes, la liberté d'entreprendre, la liberté contractuelle, le principe du consentement à l'impôt, l'égalité devant les charges publiques et le droit de propriété.
5. En premier lieu, la décision n° 2020-0682 de l'ARCEP n'a pas été prise sur le fondement de l'article 18 de la loi du 2 avril 1947 modifiée et n'est pas régie par cet article, qui ne peut, par suite, être regardé comme étant applicable au présent litige.
6. En second lieu, les dispositions de l'article 16 de la même loi définissent de façon générale les missions confiées à l'ARCEP en ce qui concerne la distribution de la presse. Elles ne déterminent pas les pouvoirs qui lui ont été conférés par le législateur pour assurer ces missions. Par suite, le moyen tiré de ce que, en édictant les dispositions de l'article 16 de la loi du 2 avril 1947, le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence et affecté les droits et libertés garantis par la Constitution ne peut qu'être écarté.
7. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a, dès lors, pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
D E C I D E :
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Article 1 : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Coopérative des Editeurs Libres et Indépendants et autres.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Coopérative des Editeurs Libres et Indépendants et autres, à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse et à la ministre de la culture.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.