Vu la procédure suivante :
L'association de protection de l'environnement de Thorame-Haute a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir la délibération en date du 24 février 2015 par laquelle le conseil municipal de la commune de Thorame-Haute (Alpes-de-Haute-Provence) a approuvé la révision allégée n° 1 du plan local d'urbanisme de la commune.
Par un jugement n° 1502964 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette délibération.
Par un arrêt n° 18MA01019 du 20 juin 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a, aux articles 1er et 2, confirmé l'annulation de cette délibération en tant qu'elle autorise les " activités connexes " à l'exploitation de carrière dans le secteur Nc et réformé dans cette mesure le jugement du tribunal administratif de Marseille et, à l'article 3, rejeté le surplus des conclusions aux fins d'annulation présentées devant le tribunal administratif par l'association de protection de l'environnement de Thorame-Haute.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 août et 31 octobre 2019 et le 15 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Thorame-Haute demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 de cet arrêt ;
2°) de rejeter le pourvoi incident présenté par l'association de protection de l'environnement de Thorame-Haute ;
3°) de mettre à la charge de l'association de protection de l'environnement de Thorame-Haute la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Fabio Gennari, auditeur,
- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteure publique,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la commune de Thorame-Haute, et à la SCP Melka-Prigent, avocat de l'association de protection de l'environnement de Thorame-Haute ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par délibération du 24 février 2015, le conseil municipal de Thorame-Haute a approuvé la révision allégée n° 1 du plan local d'urbanisme de la commune, résultant d'une délibération du 1er août 2013, relative à une zone Nc dédiée à l'exploitation de carrières. Par un jugement du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a, sur la demande de l'association de protection de l'environnement de Thorame-Haute, annulé cette délibération. La commune de Thorame-Haute se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 juin 2019 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'il a confirmé cette annulation en ce que la délibération du 24 février 2015 autorise les " activités connexes " à l'exploitation de carrière dans le secteur Nc. Par la voie du pourvoi incident, l'association de protection de l'environnement de Thorame-Haute demande l'annulation de cet arrêt en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions aux fins d'annulation de cette même délibération.
2. Pour juger illégale la délibération attaquée en tant qu'elle autorise les " activités connexes " à l'exploitation de carrière dans le secteur Nc, la cour administrative d'appel s'est fondée sur deux motifs d'illégalité tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 123-11 du code de l'urbanisme et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 145-3 du même code.
3. S'agissant, en premier lieu, de l'article R. 123-11 du code de l'urbanisme, cet article, relatif à la délimitation des zones U, AU, A et N sur les documents graphiques, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que ces documents font apparaître s'il y a lieu, " les secteurs protégés en raison de la richesse du sol ou du sous-sol, dans lesquels les constructions et installations nécessaires à la mise en valeur de ces ressources naturelles sont autorisées ".
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la délibération litigieuse autorise, dans le secteur Nc, les équipements, installations et constructions nécessaires à l'exploitation de carrières y compris les " activités connexes (concassage, criblage, production de première transformation [centrale à béton, centrale d'enrobage, etc.]) ". Pour juger que la délibération litigieuse ne pouvait légalement ouvrir la possibilité, dans ce secteur protégé en raison de la richesse de son sol et sous-sol, de réaliser des installations comme les centrales d'enrobage à chaud et les centrales à béton, la cour administrative d'appel de Marseille a relevé que ces installations présentaient un caractère connexe à l'exploitation de la carrière. En excluant par principe de telles installations de première transformation, alors que les dispositions précitées de l'article R. 123-11 du code de l'urbanisme autorisent les installations " nécessaires à la mise en valeur " des " ressources naturelles " et que la mise en oeuvre de la délibération litigieuse suppose d'apprécier pour chaque projet, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, l'existence d'un rapport étroit entre les activités concernées, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) / III. - Sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants (...) ".
6. D'une part, il ressort des pièces soumis aux juges du fond que si la délibération contestée a pour objet d'autoriser les équipements, installations et constructions nécessaires à l'exploitation de carrières ainsi que les activités connexes à cette exploitation, elle a entendu prendre en considération les activités existantes à la date de son adoption et encadrer les autorisations susceptibles d'être délivrées en prescrivant que " la surface de plancher des bâtiments de la zone n'excède pas celle existante à la date d'approbation de la révision du plan local d'urbanisme et que les bâtiments reconstruits soient situés sensiblement au même endroit que les bâtiments qu'ils remplacent ou qu'ils soient accolés aux bâtiments existants ". Par suite, en jugeant que, pour ce qui concerne les activités connexes, elle méconnaissait les dispositions précitées de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme, sans tenir compte de ces éléments et alors que sa mise en oeuvre suppose d'apprécier pour chaque projet, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, s'il consiste en l'adaptation, le changement de destination, la réfection ou l'extension limitée des constructions existantes, la cour a commis une erreur de droit.
7. D'autre part, contrairement à ce que soutient l'association de protection de l'environnement de Thorame-Haute par la voie du pourvoi incident et sous réserve de ce qui précède, la cour a pu, sans erreur de droit, juger que la délibération contestée, s'agissant des installations et des bâtiments industriels destinés à l'exploitation de la carrière, ne méconnaissait pas les mêmes dispositions de l'article L. 145-3 pour ce qui les concerne et n'annuler, en conséquence, la délibération qu'en tant qu'elle autorisait les activités connexes.
8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Thorame-Haute est fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille qu'elle attaque en tant qu'il a annulé la délibération de son conseil municipal du 24 février 2015 en ce qu'elle autorise les " activités connexes " à l'exploitation de carrière dans le secteur Nc. Le pourvoi incident présenté par l'association de protection de l'environnement de Thorame-Haute doit, en revanche, être rejeté.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association de protection de l'environnement de Thorame-Haute le versement à la commune de Thorame-Haute d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par l'association à ce titre.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les articles 1er et 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du
20 juin 2020 sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : L'association de protection de l'environnement de Thorame-Haute versera à la commune de Thorame-Haute la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le pourvoi incident de l'association de protection de l'environnement de
Thorame-Haute et ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Thorame-Haute et à l'association de protection de l'environnement de Thorame-Haute.