Vu les procédures suivantes :
Procédures contentieuses antérieures :
Mme AX... BG..., Mme BD... BH..., M. S... Q..., M. E... Z..., Mme AP... G..., M. U... B..., Mme X... BJ..., Mme AN... H..., Mme AF... AA..., M. V... AB..., M. E... AQ..., Mme A... BB..., Mme AR... BM..., M. AL... AS..., Mme AJ... T..., M. I... François, Mme AO... Gaillard-AT..., M. Jean-BQ... C..., Mme F... BE..., M. W... J..., Mme AH... J..., M. BA... AE..., M. E... K..., Mme AZ... BL..., Mme BO... Morel-Burtin, M. Jean-Pierre M..., M. AU... AG..., M. Jean-Philippe AI..., M. BF...-BR... N..., M. AM... AK..., M. AD... O..., M. AY... O..., M. R... P..., M. E... AC..., M. U... AV..., M. D... AW... et M. BI... Y..., d'une part, le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, d'autre part, ont porté plainte contre M. BC... L... devant la chambre disciplinaire de première instance d'Île-de-France de l'ordre des chirurgiens-dentistes. Le conseil départemental du Val-d'Oise de l'ordre des chirurgiens-dentistes s'est associé à la plainte de Mme BG... et autres. Par une décision n°s 2268/2269 du 17 octobre 2013, la chambre disciplinaire de première instance a infligé à M. L... la sanction de l'interdiction d'exercice de sa profession pour une durée de quinze jours, assortie du sursis.
Le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes a porté plainte contre la société Cabinet du docteur Sébastien L... devant la chambre disciplinaire de première instance d'Île-de-France de l'ordre des chirurgiens-dentistes. Par une décision n° 2269 bis du 17 octobre 2013, la chambre disciplinaire de première instance a prononcé à l'encontre de la société Cabinet du docteur Sébastien L... la sanction de l'interdiction d'exercice de la profession pour une durée de quinze jours, assortie du sursis.
Par une décision n°s 2231/2233-2232/2234 du 2 octobre 2014, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes, sur les appels de M. L... et du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes contre la décision n° 2268/2269 et sur les appels de la société Cabinet du docteur Sébastien Molko et du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes contre la décision n° 2269 bis, a, d'une part, annulé la décision n°s 2268/2269 et infligé à M. Molko la sanction d'interdiction d'exercer sa profession pendant un mois et demi et, d'autre part, réformé la décision n° 2269 bis en infligeant à la société Cabinet du docteur Sébastien Molko la sanction de l'interdiction d'exercice de la profession pendant un mois et demi.
Par une décision n° 385419 du 10 juillet 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé la décision du 2 octobre 2014 de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes en tant qu'elle inflige une sanction, d'une part, à M. Molko et, d'autre part, à la société Cabinet du docteur Sébastien L... et a renvoyé l'affaire dans cette mesure devant la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes.
Par une décision n°s 2231/2233-2232/2234 du 26 février 2018, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes a annulé de nouveau la décision n°s 2268/2269 du 17 octobre 2013 de la chambre disciplinaire de première instance d'Île-de-France de l'ordre des médecins, déclaré irrecevable la plainte du conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes du Val d'Oise à l'encontre de M. Molko et, à l'article 3 de sa décision, infligé à M. Molko et à la société Cabinet du docteur Sébastien L... la sanction de l'interdiction d'exercer la profession pendant un mois et dix jours.
Procédure devant le Conseil d'Etat :
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 26 avril et 26 juillet 2018 et les 28 janvier, 25 juillet et 3 décembre 2019 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, M. Molko et la société Cabinet du docteur Sébastien Molko demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision en tant qu'elle leur inflige une sanction disciplinaire ;
2°) subsidiairement, d'adresser à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle relative à la compatibilité de l'article R. 4127-215 du code de la santé publique au droit de l'Union européenne ;
3°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à l'intégralité de leurs conclusions d'appel ;
4°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, du conseil départemental du Val d'Oise de l'ordre des chirurgiens-dentistes et de Mme BG... et autres la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (" directive sur le commerce électronique ") ; - l'arrêt n° C-339/15 du 4 mai 2017 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- l'arrêt n° C-339/15 du 4 mai 2017 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- l'ordonnance n° C-296/18 du 23 octobre 2018 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2020-1658 du 22 décembre 2020 ;
- la décision du Conseil d'Etat n° 420178 du 22 octobre 2018 décidant de ne pas renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Molko et la société Cabinet du docteur Sébastien Molko ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme AR... Pradines, maître des requêtes,
- les conclusions de M. AU... Dieu, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de M. Molko et de la société Cabinet du docteur Sébastien Molko et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, sur les plaintes de Mme BG... et de plusieurs praticiens, du conseil départemental du Val-d'Oise de l'ordre des chirurgiens-dentistes et du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, la chambre disciplinaire de première instance d'Île-de-France a, par une première décision du 17 septembre 2013, infligé à M. Molko, chirurgien-dentiste, la sanction de l'interdiction d'exercer sa profession pendant quinze jours. Sur la plainte du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, elle a, par une seconde décision du même jour, infligé la même sanction à la société Cabinet du docteur Sébastien Molko. Après avoir joint les requêtes d'appel de M. Molko, de la société Cabinet du docteur Sébastien Molko et du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, dirigées contre l'une et l'autre de ces décisions, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes a infligé à M. Molko et à la société Cabinet du docteur Sébastien Molko les sanctions de l'interdiction d'exercer la profession pendant un mois et demi. Après que, par une décision du 10 juillet 2017, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cette décision de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes et a renvoyé l'affaire devant elle, celle-ci a infligé à M. Molko et à la société Cabinet du docteur Sébastien Molko la sanction de l'interdiction d'exercer la profession pendant un mois et dix jours. M. Molko et la société Cabinet du docteur Sébastien Molko se pourvoient en cassation contre cette décision en tant qu'elle leur inflige cette sanction.
2. Aux termes de l'article R. 4127-215 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date des faits en cause : " La profession dentaire ne doit pas être pratiquée comme un commerce. / Sont notamment interdits : / (...) 3° Tous procédés directs ou indirects de publicité ; (...) ".
3. Il résulte des stipulations de l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt rendu le 4 mai 2017 dans l'affaire C-339/15, ainsi que des dispositions de l'article 8 paragraphe 1 de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (" directive sur le commerce électronique "), telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne dans son ordonnance rendue le 23 octobre 2018 dans l'affaire C-296/18, qu'elles s'opposent à des dispositions réglementaires qui interdisent de manière générale et absolue toute publicité et toute communication commerciale par voie électronique, telles que celles qui figurent au 3° de l'article R. 4127-215 du code de la santé publique. Par suite, en jugeant que les dispositions du 3° de l'article R. 4127-215 du code de la santé publique n'étaient pas incompatibles avec le droit de l'Union européenne et en retenant que M. Molko et la société Cabinet du docteur Sébastien Molko avaient commis un manquement en les méconnaissant, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes a entaché sa décision d'erreur de droit.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, ni de renvoyer de question préjudicielle, la décision de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes du 26 février 2018 doit être annulée en tant que, par son article 3, elle inflige une sanction aux requérants.
5. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond dans la limite de la cassation prononcée.
6. En premier lieu, s'il est reproché à M. Molko et à la société Cabinet du docteur Sébastien Molko d'avoir méconnu les dispositions du 3° de l'article R. 4127-215 du code de la santé publique, en raison des mentions figurant sur le site internet " webimplant.fr ", d'un reportage diffusé sur la chaîne radio RTL le 31 janvier 2013 à propos des " cliniques dentaires low-cost ", du contenu d'un article du magazine Capital publié au mois de février 2013 et intitulé " Des francs-tireurs sont en train de casser le marché ", d'une vidéo, intitulée " La guerre des dentistes aura bien lieu ", publiée sur le site internet " lepoint.fr " le 14 février 2013, et d'un courrier adressé en 2013 aux adhérents de la Mutuelle du personnel Dassault Aviation faisant la promotion du " centre d'implantologie dentaire " de M. Molko, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que ces dispositions étant incompatibles avec le droit de l'Union, il ne peut en être fait application pour retenir un manquement des intéressés. En outre et en tout état de cause, les dispositions, nouvelles, introduites postérieurement par le décret du 22 décembre 2020 portant modification du code de déontologie des chirurgiens-dentistes et relatif à leur communication en matière de publicité, ne sauraient être opposées à M. Molko et à la société Cabinet du docteur Sébastien Molko.
7. En deuxième lieu, eu égard au contenu de l'article du magazine Capital et de la vidéo publiée sur le site internet " lepoint.fr " le 14 février 2013, mentionnés au point précédent, lesquels, à la différence du reportage de RTL dans lequel M. Molko n'apparaît pas, font apparaître M. Molko et sa société comme se prévalant, notamment, de pratiquer des prix très significativement inférieurs à ceux des autres chirurgiens-dentistes, il y a lieu de retenir que M. Molko et la société ont de ce fait méconnu, d'une part, l'obligation de ne pas pratiquer la profession dentaire " comme un commerce ", mentionnée au premier alinéa de l'article R. 4127-215 du code de la santé publique, d'autre part, le devoir de confraternité énoncé à l'article R. 4127-259 du même code. En revanche, il n'y a pas lieu, à raison de ces mêmes faits, de retenir le grief de déconsidération de la profession, en violation de l'article R. 4127-203 du code de la santé publique, de détournement de la patientèle, en méconnaissance de l'article R. 4127-262, ou encore de méconnaissance de l'obligation d'assurer aux patients des soins éclairés et conformes aux données acquises de la science rappelée à l'article R. 4127-233, les faits en cause ne permettant pas, à eux seuls, de caractériser de tels manquements.
8. En troisième lieu, M. Molko ne conteste pas que les diplômes et fonctions dont il s'est prévalu sur son site internet ne sont pas reconnus par le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes et qu'il y a en outre fait état de " spécialités " en implantologie et parodontie qui n'existaient pas, ainsi que d'une spécialité en " chirurgie buccale " dont il est n'est pas titulaire. Il a donc méconnu les dispositions des articles R. 4127-216 et R. 4127-220 du code de la santé publique qui interdisent aux chirurgiens-dentistes de faire usage de diplômes, titres et fonctions qui ne sont pas reconnus par le Conseil national de l'ordre. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que le site internet présentant l'activité de M. Molko appartenait à la société Cabinet du docteur Sébastien Molko. Par suite, il ne peut, en tout état de cause, être fait grief à ce site de ne pas avoir comporté les mentions que les actes et documents émanant des sociétés d'exercice libéral doivent indiquer en application de l'article R. 4113-1 du code de la santé publique.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. Molko et la société Cabinet du docteur Sébastien Molko ont méconnu plusieurs obligations déontologiques. De tels manquements justifient, en l'espèce, qu'une sanction d'interdiction d'exercer la profession de chirurgien-dentiste pendant un mois leur soit infligée. Les sanctions d'interdiction d'exercer la profession de chirurgien-dentiste prononcées par la décision de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes du 2 octobre 2014 ayant été exécutées, il n'y a pas lieu de fixer la date d'exécution des sanctions prononcées par la présente décision et, s'agissant de la société Cabinet du docteur Sébastien Molko, de désigner un administrateur en application des dispositions de l'article R. 4113-18 du code de la santé publique.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes et de Mme BG... et autres, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. Molko et à la société Cabinet du docteur Sébastien Molko le versement au Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes de la somme de 3 000 euros au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 3 de la décision de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes du 26 février 2018 est annulé.
Article 2 : Il est infligé à M. Molko et à la société Cabinet du docteur Sébastien Molko la sanction d'interdiction d'exercer la profession de chirurgien-dentiste pendant un mois.
Article 3 : La décision n° 2269 bis de la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des chirurgiens-dentistes d'Île-de-France du 17 octobre 2013, relative à la société Cabinet du docteur Sébastien Molko, est réformée en ce qu'elle est contraire à la présente décision.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. Molko et la société Cabinet du docteur Sébastien Molko, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 5 : M. Molko et la société Cabinet du docteur Sébastien Molko verseront la somme de 3 000 euros au Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. BC... Molko, à la société Cabinet du Docteur Sébastien Molko, au Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes et Mme AX... BG..., à Mme BD... BH..., à M. S... Q..., à M. E... Z..., à Mme AP... G..., à M. U... B..., à Mme X... BJ..., à Mme AN... H..., à Mme AF... AA..., à M. V... AB..., à M. E... AQ..., à Mme A... BB..., à Mme AR... BM..., à M. AL... AS..., à Mme AJ... T..., à M. I... François, à Mme AO... Gaillard-François, à M. BK..., à Mme F... BE..., à M. W... J..., à Mme AH... J..., à M. BA... AE..., à M. E... K..., à Mme AZ... BL..., à Mme BO... Morel-Burtin, à M. Jean-Pierre Morel, à M. AU... AG..., à M. Jean-Philippe AI..., à M. Jean-Pierre N..., à M. AM... AK..., à M. AD... O..., à M. Philippe O..., à M. R... P..., à M. E... AC..., à M. U... AV..., à M. D... AW... et à M. Jean-François Y....
Copie en sera communiquée au conseil départemental du Val d'Oise de l'ordre des chirurgiens-dentistes.