Vu la procédure suivante :
La société Alcatel Lucent Submarine Networks a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 9 septembre 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé de lui accorder l'autorisation de licencier M. A... B..., ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté son recours contre cette décision. Par un jugement n° 1502563 du 12 juillet 2017, le tribunal administratif a annulé ces décisions.
Par un arrêt n° 17DA01794 du 29 mai 2019, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 juillet et 29 octobre 2019 et le 9 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la société Alcatel Lucent Submarine Networks la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Grosset, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Didier-Pinet, avocat de M. B... et à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de la société Alcatel Lucent Submarine Networks ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a été recruté en octobre 1999 par la société Alcatel Lucent Submarine Networks (ALSN) en qualité d'opérateur de fabrication au sein de l'établissement situé à Calais. Par une décision du 9 septembre 2014, confirmée sur recours hiérarchique par le ministre chargé du travail, l'inspecteur du travail de l'unité territoriale du Pas-de-Calais a refusé d'autoriser la société ALSN à licencier M. B..., salarié protégé, estimant que les agissements fautifs commis par l'intéressé à l'occasion d'une grève ayant affecté l'établissement de Calais au mois de juin 2014 n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement. Toutefois, par un jugement du 12 juillet 2017, le tribunal administratif de Lille, à la demande de la société ALSN, a annulé pour excès de pouvoir les décisions de l'inspecteur du travail et du ministre chargé du travail. M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 mai 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son appel.
2. Les salariés légalement investis de fonctions représentatives qui bénéficient, dans l'intérêt des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail, notamment, dans le cas de faits survenus à l'occasion d'une grève, des dispositions de l'article L. 2511-1 du code du travail aux termes duquel " l'exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié" et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
3. La cour administrative d'appel de Douai a relevé, par des constatations souveraines non arguées de dénaturation, qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui étaient soumis, " que M. B... a, à plusieurs reprises entre le 16 et le 19 juin 2014, bloqué physiquement l'accès à une cabine de commande de délovage de câble, empêchant ainsi non seulement des salariés de la société ALSN, mais aussi des salariés de la société MetL, partenaire de la société ALSN, de travailler. Le 19 juin 2014, il a aussi bloqué, à partir de 14 heures, l'accès à un navire, en occupant l'échelle de coupée, empêchant ainsi les salariés de la société MetL de travailler ". Elle a également souverainement relevé qu'il ressortait des pièces du dossier " que le blocage illicite de l'établissement de Calais résulte principalement du fait de M. B..., présent, de manière récurrente, lors de chaque constatation d'huissier, et qui a porté des atteintes à la liberté du travail, commettant à cette occasion plusieurs voies de fait à l'encontre de membres du personnel de la société ALSN qui tentaient de s'acquitter de leurs missions" et a souligné le rôle prépondérant, constant et particulièrement actif de M. B... dans ces actions dont a résulté une entrave à la liberté du travail d'autres salariés. En jugeant que ces faits, qui ne sont pas en eux-mêmes contestés en cassation, étaient d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de M. B... et ne pouvaient être regardés comme se rattachant à l'exécution normale de ses mandats représentatifs, alors même que le blocage n'avait pas affecté le site de production des câbles lui-même, la cour administrative d'appel, qui n'avait pas à rechercher si ces blocages avaient porté une atteinte grave aux intérêts de la société, n'a pas commis d'erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits de l'espèce.
4. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de M. B... doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la société Alcatel Submarine Networks.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Alcatel Submarine Networks au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée M. A... B... et à la société Alcatel Submarine Networks.
Copie en sera adressée à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.