Vu la procédure suivante :
Mme B... A... a demandé à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de lui reconnaître la qualité de réfugiée ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire.
Par une décision du 30 avril 2018, le directeur général de l'OFPRA a rejeté sa demande.
Par une décision n° 18037701 du 3 janvier 2019, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté le recours de Mme A... contre cette décision.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés le 21 octobre 2019, les 22 janvier et 27 avril 2020 et le 5 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) en tant que de besoin surseoir à statuer et renvoyer à la cour de justice de l'Union européenne sur le fondement de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les questions préjudicielles suivantes :
a) " La directive 2013/32UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, notamment en son article 31, qui prévoit la possibilité pour les autorités nationales compétentes d'examiner une demande d'asile dans le cadre d'une procédure accélérée dès lors que les motifs qui ont conduit cette autorité à examiner le bien-fondé de ladite demande dans le cadre d'une telle procédure peuvent être effectivement soumis à un contrôle juridictionnel dans le cadre du recours dont la décision finale de rejet est susceptible de faire l'objet et dans le respect du droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 46 de la directive, et l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils excluent que le juge, opérant ce contrôle sur les motifs de placement en procédure accélérée, a toute latitude pour appliquer ou non cette procédure, que les motifs ayant conduit à l'appliquer soient ou non justifiés' ".
b) " L'article 31 de la directive 2013/32 UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit-il être interprété en ce sens que le point de départ des " délais les plus brefs " dans lesquels le demandeur d'asile doit former sa demande d'asile, sous peine de se voir appliquer la procédure accélérée, soit fixé différemment, suivant que l'entrée du demandeur d'asile sur le territoire d'un Etat membre a été régulière ou irrégulière ' " ;
3°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son recours ;
4°) de mettre à la charge de l'OFPRA la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Zribi et Texier, son avocat, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ;
- la directive n° 2013/32UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 ;
- la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- Le rapport de M. Bertrand Mathieu, conseiller d'Etat en service extraordinaire,
- Les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteure publique,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi, Texier, avocat de Mme A... et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'OFPRA ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme A..., de nationalité camerounaise, a demandé à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que lui soit reconnue la qualité de réfugiée ou, à défaut, accordé le bénéfice de la protection subsidiaire. Par une décision du 30 avril 2018, le directeur général de l'office a rejeté sa demande. Par une décision du 3 janvier 2019, contre laquelle Mme A... se pourvoit en cassation, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté son recours tendant à l'annulation de décision.
2. D'une part, l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige, définit les cas dans lesquels l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) statue ou peut statuer en procédure accélérée sur une demande d'asile. Le V de cet article précise que, sauf si la présence en France du demandeur constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat, l'OFPRA peut décider de ne pas statuer en procédure accélérée lorsque cela lui paraît nécessaire pour assurer un examen approprié de la demande, en particulier si le demandeur provenant d'un pays d'origine sûr inscrit sur la liste mentionnée au cinquième alinéa de l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile invoque des raisons sérieuses de penser que son pays d'origine ne peut pas être considéré comme sûr en raison de sa situation personnelle et au regard des motifs de sa demande. L'article L. 723-3 du même code, devenu L. 531 10, prévoit que : " Pendant toute la durée de la procédure d'examen de la demande, l'office peut définir les modalités particulières d'examen qu'il estime nécessaires pour l'exercice des droits d'un demandeur en raison de sa situation particulière ou de sa vulnérabilité. / Pour l'application du premier alinéa du présent article, l'office tient compte des informations sur la vulnérabilité qui lui sont transmises en application de l'article L. 744-6 et des éléments de vulnérabilité dont il peut seul avoir connaissance au vu de la demande ou des déclarations de l'intéressé " et précise que : " Lorsque l'office considère que le demandeur d'asile, en raison notamment des violences graves dont il a été victime ou de sa minorité, nécessite des garanties procédurales particulières qui ne sont pas compatibles avec l'examen de sa demande en procédure accélérée en application de l'article L. 723-2, il peut décider de ne pas statuer ainsi ". Le VI de l'article L. 723-2, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que la décision de l'Office de statuer en procédure accélérée comme le refus de ne pas statuer en procédure accélérée ne peuvent être contestés que dans le cadre du recours formé, en application de l'article L. 731-2, devant la Cour nationale du droit d'asile à l'encontre de la décision de l'Office.
3. D'autre part, l'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenus les articles L. 532-1, L. 532-6 et L. 532-7 après avoir disposé que : " La Cour nationale du droit d'asile statue en formation collégiale ", prévoit que " sans préjudice de l'application de l'article L. 733-2, lorsque la décision de l'office a été prise en application des articles L. 723-2 ou L. 723-11, le président de la Cour nationale du droit d'asile ou le président de formation de jugement qu'il désigne à cette fin statue dans un délai de cinq semaines à compter de sa saisine ". Le même article précise que : " De sa propre initiative ou à la demande du requérant, le président de la cour ou le président de formation de jugement désigné à cette fin peut, à tout moment de la procédure, renvoyer à la formation collégiale la demande s'il estime que celle-ci ne relève pas de l'un des cas prévus aux articles L. 723-2 et L. 723 11 ou qu'elle soulève une difficulté sérieuse ". Aux termes de l'article L. 733-2 du même code, devenu L. 532-8 : " Le président et les présidents de section, de chambre ou de formation de jugement peuvent, par ordonnance, régler les affaires dont la nature ne justifie pas l'intervention de l'une des formations prévues à l'article L. 731 2. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. Il précise les conditions dans lesquelles le président et les présidents de section, de chambre ou de formation de jugement peuvent, après instruction, statuer par ordonnance sur les demandes qui ne présentent aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause la décision d'irrecevabilité ou de rejet du directeur général de l'office ". L'article R. 733-4 du même code, devenu les articles R. 532-3 et R. 532-4 précise que : " Le président de la cour et les présidents qu'il désigne à cet effet peuvent, par ordonnance motivée : [...] 5° Rejeter les recours qui ne présentent aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause la décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides ; dans ce cas, l'ordonnance ne peut être prise qu'après que le requérant a été mis en mesure de prendre connaissance des pièces du dossier et après examen de l'affaire par un rapporteur ".
4. Il résulte des dispositions citées au point précédent qu'il appartient au magistrat désigné pour statuer seul sur une demande d'asile, tant, lorsque l'OFPRA a statué en procédure accélérée sur le fondement de l'article L. 731-2 précité, que lorsqu'une affaire ne justifie pas, devant la Cour nationale du droit d'asile, l'intervention d'une formation collégiale conformément à l'article L. 733-2 précité, de renvoyer l'affaire à une formation collégiale notamment lorsqu'il estime que la demande d'asile ne relève pas de la procédure accélérée, en particulier en raison de la vulnérabilité du demandeur, ou soulève une difficulté sérieuse. Il appartient au Conseil d'Etat, statuant en cassation, de censurer la décision ou l'ordonnance qui lui est déférée dans le cas où il juge, au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, qu'il a été fait un usage abusif de la faculté ouverte par l'article L. 731-2 ou l'article L. 733-2 du code de l'entrée et séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En premier lieu, le 8. de l'article 31 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale, prévoit la possibilité pour les Etats membres " dans le respect des principes de base et des garanties fondamentales visés au chapitre II, d'accélérer une procédure d'examen " lorsque " h) le demandeur est entré ou a prolongé son séjour illégalement sur le territoire de l'État membre et, sans motif valable, ne s'est pas présenté aux autorités ou n'a pas présenté une demande de protection internationale dans les délais les plus brefs compte tenu des circonstances de son entrée ". Pour la transposition de ces dispositions, le 3° du III de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au litige, devenu l'article L. 531-27 prévoit que l'OFPRA statue ou peut statuer en procédure accélérée lorsque " sans motif légitime, le demandeur qui est entré irrégulièrement en France ou s'y est maintenu irrégulièrement n'a pas présenté sa demande d'asile dans le délai de cent vingt jours à compter de son entrée en France ". Il résulte du texte même de ces dispositions qu'ainsi que le permet la directive précitée, l'OFPRA peut statuer en procédure accélérée sur une demande d'asile présentée par une personne qui n'a pas présenté celle-ci dans le délai de cent vingt jours à compter de son entrée en France, dès lors qu'elle est entrée irrégulièrement en France ou s'y est maintenue irrégulièrement, alors même qu'elle ne s'est pas trouvée en situation irrégulière pendant la totalité du délai de cent vingt jours.
6. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme A..., entrée en France sous couvert d'un visa en juillet 2015, a bénéficié d'un titre de séjour dont la validité a expiré le 22 juillet 2017 et a présenté sa demande le 20 septembre 2017, soit plus de cent vingt jours après son entrée en France. Par suite, en ne renvoyant pas l'affaire en formation collégiale, le magistrat désigné pour statuer seul sur le recours de Mme A... contre la décision de l'OFPRA ayant statué en procédure accélérée, auquel il appartenait en tout état de cause de se prononcer sur ce renvoi mais qui n'était tenu ni de viser les conclusions à fin de renvoi, ni de motiver son refus, et alors que l'intéressée ne faisait pas état d'une vulnérabilité particulière, n'a ni entaché sa décision d'irrégularité, ni commis d'erreur de droit.
7. En second lieu, c'est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que, pour refuser de lui accorder le statut de réfugié, la Cour nationale du droit d'asile a estimé que les pièces du dossier et les déclarations de l'intéressée ne permettaient de tenir pour établis ni son orientation sexuelle, ni les faits allégués et les craintes évoquées.
8. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de Mme A... doit être rejeté y compris ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme A... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.