Vu la procédure suivante :
Par une demande enregistrée le 7 janvier 2021, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a saisi le tribunal administratif de Toulon, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, sur le fondement de sa décision du 4 janvier 2021 rejetant le compte de campagne de M. C... A... B..., candidat tête de liste aux élections municipales des 15 mars et 28 juin 2020 dans la commune de La Seyne-sur-Mer (Var).
Par un jugement n° 2100051 du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Toulon a déclaré M. A... B... inéligible pour une durée de douze mois.
Par une requête, enregistrée le 30 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement et de rejeter la saisine du tribunal administratif de Toulon par la CNCCFP ;
2°) à titre subsidiaire, de ne pas le déclarer inéligible ou de réduire la durée de la sanction d'inéligibilité prononcée par le tribunal administratif de Toulon ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code électoral ;
- la loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Thomas Janicot, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A... B... a été candidat tête de liste aux élections municipales des 15 mars et 28 juin 2020 dans la commune de La Seyne-sur-Mer (Var). Sa liste a obtenu 2,97 % des suffrages exprimés au premier tour et il n'a pas été élu. Par une décision du 4 janvier 2021, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a rejeté son compte de campagne au motif que ce compte n'était pas présenté par un expert-comptable, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral, et a saisi le tribunal administratif de Toulon de cette décision, en application de l'article L. 52-15 du même code. M. A... B... fait appel du jugement du 30 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulon, statuant sur cette saisine, l'a déclaré inéligible pour une période de douze mois.
Sur le rejet du compte de campagne de M. A... B... :
2. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-12 du code électoral dans sa version en vigueur à la date de l'élection municipale des 15 mars et 28 juin 2020 : " (...) Le compte de campagne est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés ; celui-ci met le compte de campagne en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises. (...) Cette présentation n'est pas nécessaire lorsque aucune dépense ou recette ne figure au compte de campagne. Dans ce cas, le mandataire établit une attestation d'absence de dépense et de recette. Cette présentation n'est pas non plus nécessaire lorsque le candidat ou la liste dont il est tête de liste a obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés et qu'il n'a pas bénéficié de dons de personnes physiques selon les modalités prévues à l'article 200 du code général des impôts. ". Aux termes de l'article L. 52-15 du même code dans sa version en vigueur à la même date : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1. (...) / Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection ".
3. La présentation du compte de campagne d'un candidat par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés en application des dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral citées ci-dessus est au nombre des règles substantielles relatives au financement des campagnes électorales auxquelles il ne peut être dérogé.
4. M. A... B..., qui ne conteste pas avoir méconnu cette obligation, se borne à soutenir, en premier lieu, qu'il pensait ne pas y être astreint au regard des modifications apportées à ces dispositions par la loi n°2019-1269 du 2 décembre 2019 et, en second lieu, que le mandataire qu'il avait désigné pour effectuer les dépenses afférentes à sa campagne électorale travaillait dans un cabinet d'experts-comptables, que les experts-comptables qu'il a sollicités ont refusé de présenter son compte de campagne et que seuls des experts-comptables proposant des conditions tarifaires excédant ses possibilités financières auraient pu accepter de le faire, et que ses dépenses de campagne ne comportaient aucune irrégularité. Toutefois, d'une part, M. A... B... ne saurait utilement se prévaloir des modifications apportées à ces dispositions par la loi du 2 décembre 2019, qui, en vertu de l'article 15 de celle-ci, n'étaient pas applicables aux opérations électorales en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires organisées les 15 mars et 28 juin 2020. D'autre part, les autres circonstances invoquées, à les supposer établies, ne sauraient justifier la méconnaissance de cette obligation. Par suite, M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que la CNCCFP a rejeté son compte de campagne et a saisi le juge électoral.
Sur l'application de l'article L. 118-3 du code électoral :
5. Aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral, dans sa rédaction issue de la loi du 2 décembre 2019 : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible : (...) 3°) le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit ".
6. Le juge de l'élection, qui doit prendre en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce pour apprécier si le manquement justifie que le candidat soit déclaré inéligible, ne déclare inéligible un candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit qu'en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales. Il lui appartient de tenir compte de la nature de la règle méconnue, du caractère délibéré ou non du manquement, de l'existence éventuelle d'autres motifs d'irrégularité du compte et du montant des sommes en cause.
7. En raison des finalités poursuivies par les dispositions précitées de l'article L. 52-12 du code électoral, l'obligation de recourir à un expert-comptable pour présenter le compte de campagne constitue une formalité substantielle dont l'omission est un manquement d'une particulière gravité, hormis le cas où les dépenses et les recettes sont nulles. Il résulte de l'instruction que M. A... B..., dont les dépenses de campagne se sont élevées à 24 831 euros, s'est délibérément soustrait à l'obligation de faire présenter son compte de campagne par un expert-comptable et a refusé toute régularisation au seul motif qu'il estime excessif le coût du recours à un expert-comptable. Dans ces conditions, M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif l'a déclaré inéligible pour une durée de douze mois, la circonstance qu'il ait financé la moitié de ses dépenses de campagne par un apport personnel étant à cet égard sans incidence.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C... A... B..., à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur.