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30/12/2021 | FRANCE | N°453397

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 30 décembre 2021, 453397


Vu la procédure suivante :

Par leurs protestations et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 juin et 24 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme O... G..., tête de la liste " Ecouter et agir, unis pour les Français de Tunisie-Libye " et M. C... B..., tête de la liste " Liste citoyenne associative ", demandent au Conseil d'Etat d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 30 mai 2021 en vue de l'élection des conseillers des Français de l'étranger et d'un délégué consulaire dans la circonscription de Tunisie-Libye, de décla

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Vu la procédure suivante :

Par leurs protestations et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 juin et 24 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme O... G..., tête de la liste " Ecouter et agir, unis pour les Français de Tunisie-Libye " et M. C... B..., tête de la liste " Liste citoyenne associative ", demandent au Conseil d'Etat d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 30 mai 2021 en vue de l'élection des conseillers des Français de l'étranger et d'un délégué consulaire dans la circonscription de Tunisie-Libye, de déclarer inéligible M. K... Q... et de mettre à la charge de celui-ci, en qualité de tête de la liste " Tous ensemble pour les Français de Tunisie et de Libye ", la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 ;

- la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 ;

- le décret n° 2014-290 du 4 mars 2014 ;

- le décret n° 2021-231 du 26 février 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thomas Janicot, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une protestation commune Mme O... G... et M. C... B... demandent l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 30 mai 2021 en vue de l'élection des conseillers des Français de l'étranger et d'un délégué consulaire dans la circonscription de Tunisie-Libye.

2. A l'issue de ces opérations électorales et sur 2 822 suffrages exprimés parmi les 17 283 électeurs inscrits à la clôture du scrutin, la liste " Tous ensemble pour les Français de Tunisie et de Libye ", conduite par M. K... Q..., a recueilli 1 160 voix et obtenu deux sièges de conseiller des Français de l'étranger et le siège de délégué consulaire. La liste " Servir les Français de Tunisie et de Libye ", conduite par Mme P... D..., a recueilli 780 voix et obtenu deux sièges de conseiller des Français de l'étranger. La liste " Français du monde, engagés ensemble, citoyens, solidaires, écologistes ", conduite par Mme L... N..., a recueilli 566 voix et obtenu un siège de conseiller des Français de l'étranger. La liste " Ecouter et agir, unis pour les Français de Tunisie-Libye ", conduite par Mme O... G... ainsi que la liste " Liste citoyenne-associative ", conduite par M. C... B..., ont recueilli respectivement 222 et 94 voix et n'ont obtenu aucun siège de conseiller des Français de l'étranger ou de délégué consulaire.

Sur l'utilisation de fichiers mis à la disposition des chefs d'îlots :

3. Il résulte de l'instruction que, dans les jours ayant précédé les opérations électorales qui se sont tenues le 30 mai 2021 dans la circonscription de Tunisie-Libye et au moins entre le 21 et le 27 mai 2021, des électrices et électeurs inscrits sur la liste électorale de cette circonscription ont reçu sur leurs terminaux téléphoniques mobiles des messages de type " Short Message Service " (SMS) les invitant à voter pour la liste " Tous ensemble pour les Français de Tunisie et de Libye ", conduite par M. K... Q.... Les destinataires de ces messages avaient communiqué leur numéro d'appel aux services du consulat général de France à Tunis lors de leur inscription sur la liste des habitants de l'un des quarante-trois îlots maillant le territoire de la circonscription consulaire au titre du plan de sécurité. Ce plan repose, en particulier, sur l'organisation de chaque îlot sous la responsabilité d'un chef d'îlot chargé, notamment, de relayer en urgence les consignes du consulat général en cas de crise de toute nature et disposant, à cet effet, en vue d'une communication fiable et rapide, de la liste des numéros d'appel des seuls ressortissants français inscrits dans son îlot. Ces données à caractère personnelles sont intégrées dans des traitements, établis et tenus à jour par les autorités consulaires pour les seuls besoins de l'exécution de la mission de service public du concours apporté par les autorités françaises à la sécurité des ressortissants français résidant à l'étranger et n'ont, en aucun cas, pour finalité d'être utilisées à des fins de propagande électorale.

4. Toutefois, il résulte également de l'instruction que Mme G... et M. B... ne produisent, à l'appui du grief tiré de ce que la liste " Tous ensemble pour les Français de Tunisie et de Libye " aurait fait un usage irrégulier de données communiquées aux chefs d'îlot, que treize témoignages d'électrices et d'électeurs enregistrés dans un nombre limité d'îlots inclus dans les seuls territoires des agglomérations voisines de Sousse et de Monastir. D'une part, ces éléments ne permettent pas d'établir l'existence d'une utilisation systématique et massive à des fins de propagande électorale de données issues des listes nominatives des ressortissants français mis à la disposition de chaque chef d'îlot. D'autre part, à supposer même que cette utilisation soit regardée comme établie s'agissant des coordonnées des treize électeurs en cause, cette circonstance n'a pas été, compte tenu des écarts de voix constatés, de nature à modifier la répartition des sièges entre l'ensemble des listes. Dans ces conditions, l'irrégularité invoquée à raison de l'utilisation de ces données ne peut être regardée comme ayant rompu l'égalité entre les listes concurrentes dans l'accès aux moyens de propagande ou ayant constitué une manœuvre susceptible d'avoir altéré la sincérité du scrutin.

Sur la propagande de la liste " Tous ensemble pour les Français de Tunisie et de Libye " :

5. Aux termes de l'article L. 97 du code électoral, rendu applicable à l'élection des conseillers des Français de l'étranger par le I de l'article 15 de la loi du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France et le I de l'article 111 de la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique : " Ceux qui, à l'aide de fausses nouvelles, bruits calomnieux ou autres manœuvres frauduleuses, auront surpris ou détourné des suffrages, déterminé un ou plusieurs électeurs à s'abstenir de voter, seront punis d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 15 000 euros ". Ces dispositions qui prévoient les peines et amendes dont sont passibles les auteurs de certaines infractions, ne peuvent être utilement invoquées au soutien de conclusions tendant à l'annulation d'opérations électorales. Cependant, il revient au juge de l'élection de rechercher si des manœuvres, telles que définies par ces dispositions, ont été exercées sur les électeurs et ont été de nature à altérer la sincérité du scrutin.

6. En premier lieu, les protestataires soutiennent que la liste " Tous ensemble pour les Français de Tunisie et de Libye " s'est revendiquée de la majorité présidentielle alors qu'elle n'a pas obtenu d'investiture à cette effet. Toutefois, ce grief n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Au surplus et en tout état de cause, il résulte de l'instruction que tant cette liste que M. Q... qui la dirigeait ont axé leur propagande électorale sur le soutien qu'ils apportaient à cette majorité, sans faire état du soutien ou de l'investiture qu'ils auraient reçu de sa part.

7. En deuxième lieu, les protestataires soutiennent que trois des membres de la liste " Tous ensemble pour les Français de Tunisie et de Libye ", M. I... H..., M. M... F... et Mme A... J..., auraient été présentés faussement, dans le matériel de propagande électorale de cette liste, comme occupant certaines fonctions institutionnelles. Toutefois, il résulte de l'instruction, d'une part, que les deux premiers exerçaient effectivement des fonctions de dirigeants au sein d'une association de droit tunisien rattachée à une organisation française de représentation des Français de l'étranger, sans qu'ait d'incidence à cet égard le seul fait que l'acte juridique de droit tunisien du 20 avril 2021 constatant ces qualités dans l'ordre juridique local a été postérieur à l'annonce publique, lors du lancement de la propagande de la liste, le 1er avril 2021, de l'exercice de ses fonctions dans le cours de la constitution juridique de l'association et, d'autre part, qu'il n'est pas contesté que Mme J... exerçait effectivement les fonctions institutionnelles présentée sur son affiche électorale, notamment auprès du lycée Gustave Flaubert de La Marsa.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 48-2 du code électoral, rendu applicable à l'élection des conseillers des Français de l'étranger par le II de l'article 15 de la loi du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France et le I de l'article 111 de la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique : " Il est interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n'aient pas la possibilité d'y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale ".

9. Les protestataires soutiennent que le rattachement, par M. Q..., de la nuance politique de la liste " Écouter et agir, unis pour les Français de Tunisie-Libye " conduite par Mme G... au bloc de clivage de l'extrême droite a eu un effet particulièrement négatif et dissuasif dans une circonscription consulaire située au Maghreb, comptant un nombre important d'électrices et d'électeurs binationaux. Toutefois, il résulte de l'instruction que ce rattachement allégué a été fait par une communication de M. Q... qui, bien que diffusée non sur son espace privé d'un réseau social à l'accès restreint mais sur son espace institutionnel du même réseau social à l'accès libre et suivi par plusieurs milliers de lecteurs, n'a pas, par son contenu, excédé les limites de la polémique électorale et, compte tenu de sa diffusion à partir du 1er juillet 2020, n'a pas exclu une défense utile de la part de la liste intéressée avant les opérations électorales du 30 mai 2021.

10. Il résulte de ce qui précède et, de surcroît, de l'importance des écarts de voix constatés à l'issue du scrutin, qu'aucun des éléments dénoncés par les protestations n'a présenté le caractère d'une manœuvre susceptible d'avoir altéré la sincérité des opérations électorales. Par suite, les conclusions de Mme G... et de M. B... tendant à ce que le Conseil d'Etat prononce l'annulation des opérations électorales qui se sont tenues le 30 mai 2021 en vue de l'élection des conseillers des Français de l'étranger et du délégué consulaire pour la circonscription de Tunisie-Libye, doivent être rejetées.

Sur les conclusions de Mme G... et de M. B... tendant à ce que M. R... soit déclaré inéligible :

11. Aux termes de l'article L. 118-4 du code électoral, rendu applicable à l'élection des conseillers des Français de l'étranger par le I de l'article 15 de la loi du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France et le I de l'article 111 de la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique : " Saisi d'une contestation formée contre l'élection, le juge de l'élection peut déclarer inéligible, pour une durée maximale de trois ans, le candidat qui a accompli des manœuvres frauduleuses ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin. / L'inéligibilité déclarée sur le fondement du premier alinéa s'applique à toutes les élections. Toutefois, elle n'a pas d'effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision. / Si le juge de l'élection a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection. En cas de scrutin binominal, il annule l'élection du binôme auquel ce candidat appartient ".

12. En l'absence d'irrégularité imputable à M. Q... de nature à porter atteinte à la sincérité du scrutin, les conclusions présentées par Mme G... et par M. B... au titre de ces dispositions ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. Q... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les protestations de Mme G... et de M. B... sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme O... G..., à M. C... B..., à M. M... E..., à Mme P... D..., à M. K... Q..., à M. I... H..., à Mme A... J..., à Mme L... N... et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 453397
Date de la décision : 30/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2021, n° 453397
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thomas Janicot
Rapporteur public ?: M. Laurent Cytermann

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:453397.20211230
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