Vu la procédure suivante :
Mme C... B..., M. J... B... et M. I... B... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) les sommes de 471 338,95 euros, 30 000 euros et 30 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis à la suite de la contamination de Mme B... par le virus de l'hépatite C. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Bas-Rhin a présenté des conclusions tendant au remboursement de ses débours. Par un jugement n° 1205271 du 30 juin 2017, le tribunal administratif a mis à la charge de l'ONIAM le versement des sommes de 164 619 euros à Mme B..., de 6 000 euros chacun à MM. Gillaume et Thibault B... et de 123 517,23 euros à la CPAM du Bas-Rhin.
Par un arrêt n° 17NC01987 du 27 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur appel de l'ONIAM et appel incident de la CPAM du Bas-Rhin, ramené à 118 124,24 euros la somme que l'ONIAM est condamné à verser à la CPAM du Bas-Rhin.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 février et 23 juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ONIAM demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de la CPAM du Bas-Rhin la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ;
- la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Joachim Bendavid, auditeur,
- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteure publique.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un jugement du 30 juin 2017, le tribunal administratif de Strasbourg, saisi d'une demande de Mme B... tendant à ce que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) l'indemnise des préjudices consécutifs à sa contamination par le virus de l'hépatite C lors d'une transfusion de produits sanguins, après avoir mis à la charge de l'ONIAM le versement de certaines sommes à Mme B... ainsi qu'à d'autres requérants et avoir appelé en cause la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Bas-Rhin, a mis à la charge de l'ONIAM le versement à cette dernière d'une somme de 123 517,23 euros en remboursement de ses débours. L'ONIAM se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 27 décembre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a, sur son appel et sur l'appel incident de la CPAM du Bas-Rhin, ramené à 118 124,24 euros la somme à verser à la CPAM du Bas-Rhin.
2. L'article L. 1221-14 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 et de l'article 72 de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, dispose que, pour les actions juridictionnelles en responsabilité engagées à compter du 1er juin 2010 en raison d'une contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou par une injection de médicaments dérivés du sang, l'ONIAM, qui assure, au titre de la solidarité nationale, l'indemnisation des préjudices subis par les victimes, peut, ainsi que, le cas échéant, les tiers payeurs, exercer une action subrogatoire contre l'Etablissement français du sang venu aux droits et obligations des établissements de transfusion sanguine, à la double condition que l'établissement de transfusion sanguine en cause ait été assuré et que sa couverture d'assurance ne soit pas épuisée ou venue à expiration.
3. Pour les actions juridictionnelles mentionnées au point précédent qui étaient en cours au 1er juin 2010 contre l'Etablissement français du sang, le premier alinéa du IV du même article 67 de la loi du 17 décembre 2008 dispose qu'à compter du 1er juin 2010, date de son entrée en vigueur, " l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales se substitue à l'Etablissement français du sang dans les contentieux en cours au titre des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable ". Il en résulte que, sous réserve qu'une action juridictionnelle en responsabilité dirigée contre l'Etablissement français du sang en sa qualité de fournisseur de produits sanguins auxquels est imputée la contamination d'une victime de l'hépatite C ait été en cours au 1er juin 2010, l'ONIAM, substitué à l'Etablissement français du sang, répond à l'égard du tiers payeur ayant indemnisé la victime de l'ensemble des obligations qui incombaient initialement à l'Etablissement français du sang. Par suite, un tiers payeur n'est pas recevable à exercer une action subrogatoire à l'encontre de l'ONIAM, substitué à l'Etablissement français du sang, si aucune action juridictionnelle n'était en cours au 1er juin 2010.
4. Il résulte des termes de l'arrêt attaqué que, pour juger que la CPAM du Bas-Rhin, subrogée dans les droits de Mme B... en qualité de tiers payeur, était recevable à exercer, sur le fondement qui vient d'être rappelé, un recours à l'encontre de l'ONIAM en tant qu'établissement substitué à l'Etablissement français du sang, la cour administrative d'appel de Nancy a jugé qu'un contentieux était en cours à la date du 1er juin 2010, dès lors que Mme B... avait saisi dès le 9 novembre 2006 le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg d'une demande de désignation d'un expert aux fins de déterminer si elle avait été contaminée par le virus de l'hépatite C, l'origine de cette contamination et l'étendue des préjudices subis. En statuant ainsi, alors qu'une demande d'expertise n'est pas au nombre des contentieux dans lesquels les tiers payeurs doivent être appelés en cause et qu'il ressortait de ses propres constatations que Mme B... n'avait saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une requête indemnitaire tendant à la réparation de préjudices subis du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C que le 16 novembre 2012, la cour a commis une erreur de droit.
5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, l'ONIAM est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande, à ce titre, la CPAM du Bas-Rhin. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CPAM du Bas-Rhin le versement à l'ONIAM d'une somme de 3 000 euros au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 27 décembre 2019 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 3 : La CPAM du Bas-Rhin versera à l'ONIAM la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la CPAM du Bas-Rhin présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 janvier 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. A... H..., M. Fabien Raynaud, présidents de chambre ; M. N... D..., Mme G... M..., M. F... L..., M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat ; Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire et M. Joachim Bendavid, auditeur-rapporteur.
Rendu le 1er février 2022.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Joachim Bendavid
Le secrétaire :
Signé : M. E... K...