Vu la procédure suivante :
Par un jugement n° 1917627 du 11 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, en tant que serait concernée la sûreté de l'Etat, la requête de M. A... D....
Par cette requête et un mémoire, enregistrés le 11 août 2019 et le 15 août 2020 au greffe de ce tribunal, et un mémoire en réplique, enregistré le 21 janvier 2022 au secrétariat du Conseil d'Etat, M. D... demande :
1°) d'annuler les décisions des 11 juin et 3 juillet 2019 par lesquelles le préfet de police de Paris et le ministre de l'intérieur lui ont refusé l'accès aux fichiers du renseignement territorial ;
2°) d'enjoindre au préfet de police et au ministre de l'intérieur de supprimer les données le concernant figurant dans ces fichiers sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978;
- le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une séance à huis-clos, d'une part, M. D... et son représentant, et d'autre part, le ministre de l'intérieur et la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui ont été mis à même de prendre la parole avant les conclusions ;
Et après avoir entendu en séance :
- le rapport de M. Mathieu Herondart, conseiller d'Etat,
- et, hors la présence des parties, les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. En vertu de l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978, les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l'Etat et intéressant la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique sont autorisés par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), publié avec l'arrêté autorisant le traitement. Ceux de ces traitements qui portent sur des données mentionnées au I de l'article 6 de la même loi doivent être autorisés par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé de la Commission, publié avec ce décret. Un décret en Conseil d'Etat peut dispenser de publication l'acte réglementaire autorisant la mise en œuvre de ces traitements. Le sens de l'avis émis par la CNIL est alors publié avec ce décret.
2. L'article L. 841-2 du code de la sécurité intérieure prévoit que le Conseil d'Etat est compétent pour connaître, dans les conditions prévues au chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative, des requêtes concernant la mise en œuvre du droit d'accès aux données à caractère personnel et intéressant la sûreté de l'Etat ou la défense qui sont contenues dans les traitements mis en œuvre pour le compte de l'Etat, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. En vertu de l'article R. 841-2 du même code, figurent notamment au nombre de ces traitements les traitements dénommés " Enquêtes administratives liées à la sécurité publique " et " Prévention des atteintes à la sécurité publique " mentionnés aux articles R. 236-1 et R. 236-11 du code de la sécurité intérieure pour les seules données intéressant la sûreté de l'Etat.
3. L'article L. 773-8 du code de justice administrative dispose que, lorsqu'elle traite des requêtes mentionnées au point 3 : " la formation de jugement se fonde sur les éléments contenus, le cas échéant, dans le traitement sans les révéler ni révéler si le requérant figure ou non dans le traitement. Toutefois, lorsqu'elle constate que le traitement ou la partie de traitement faisant l'objet du litige comporte des données à caractère personnel le concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite, elle en informe le requérant, sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Elle peut ordonner que ces données soient, selon les cas, rectifiées, mises à jour ou effacées. Saisie de conclusions en ce sens, elle peut indemniser le requérant ". L'article R. 773-20 du même code précise que : " Le défendeur indique au Conseil d'Etat, au moment du dépôt de ses mémoires et pièces, les passages de ses productions et, le cas échéant, de celles de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui sont protégés par le secret de la défense nationale. /Les mémoires et les pièces jointes produits par le défendeur et, le cas échéant, par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement sont communiqués au requérant, à l'exception des passages des mémoires et des pièces qui, soit comportent des informations protégées par le secret de la défense nationale, soit confirment ou infirment la mise en œuvre d'une technique de renseignement à l'égard du requérant, soit divulguent des éléments contenus dans le traitement de données, soit révèlent que le requérant figure ou ne figure pas dans le traitement. /Lorsqu'une intervention est formée, le président de la formation spécialisée ordonne, s'il y a lieu, que le mémoire soit communiqué aux parties, et à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que celles mentionnées à l'alinéa précédent ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a saisi la préfecture de police et le ministre de l'intérieur d'une demande d'accès aux informations susceptibles de le concerner détenues dans les fichiers du renseignement territorial. Par deux décisions du 11 juin et du 3 juillet 2019, le préfet de police et le ministre de l'intérieur ont rejeté sa demande. Il ressort également des éléments communiqués par la Commission nationale de l'informatique et des libertés que, postérieurement à ces décisions, M. D... a saisi la Commission nationale de l'informatique et des libertés d'une demande d'accès indirect et a été informé que le ministre de l'intérieur avait rejeté sa demande. Par suite, M. D... doit être regardé comme demandant au Conseil d'Etat d'annuler ce dernier refus de lui communiquer les données contenues dans les fichiers " Enquêtes administratives liées à la sécurité publique " et " Prévention des atteintes à la sécurité publique " susceptibles de le concerner et intéressant la sûreté de l'Etat, d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'effacer ces données et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi.
5. En premier lieu, M. D... ne saurait utilement se prévaloir, dans le présent litige qui concerne l'accès aux éventuelles données intéressant la sûreté de l'Etat, de l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'annulation par le tribunal administratif de Paris, dans un jugement du 23 avril 2021, des décisions refusant à M. D... l'accès aux données autres que celles intéressant la sûreté de l'Etat.
6. En deuxième lieu, le ministre de l'intérieur et la Commission nationale de l'informatique et des libertés ont communiqué au Conseil d'Etat, dans les conditions prévues à l'article R. 773-20 du code de justice administrative, les éléments susceptibles d'être relatifs à la situation de l'intéressé.
7. Il appartient à la formation spécialisée, créée par l'article L. 773-2 du code de justice administrative précité, saisie de conclusions dirigées contre le refus de communiquer les données relatives à une personne qui allègue être mentionnée dans un fichier figurant à l'article R. 841-2 du code de la sécurité intérieure, de vérifier, au vu des éléments qui lui ont été communiqués hors la procédure contradictoire, si le requérant figure ou non dans le fichier litigieux. Dans l'affirmative, il lui appartient d'apprécier si les données y figurant sont pertinentes au regard des finalités poursuivies par ce fichier, adéquates et proportionnées. Pour ce faire, elle peut relever d'office tout moyen ainsi que le prévoit l'article L. 773-5 du code de justice administrative. Lorsqu'il apparaît soit que le requérant n'est pas mentionné dans le fichier litigieux soit que les données à caractère personnel le concernant qui y figurent ne sont entachées d'aucune illégalité, la formation de jugement rejette les conclusions du requérant sans autre précision. Dans le cas où des informations relatives au requérant figurent dans le fichier litigieux et apparaissent entachées d'illégalité soit que les données à caractère personnel le concernant sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées soit que leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur consultation est interdite, elle en informe le requérant sans faire état d'aucun élément protégé par le secret de la défense nationale. Cette circonstance, le cas échéant relevée d'office par le juge dans les conditions prévues à l'article R. 773-21 du code de justice administrative, implique nécessairement que l'autorité gestionnaire du fichier rétablisse la légalité en effaçant ou en rectifiant, dans la mesure du nécessaire, les données illégales. Dans pareil cas, doit être annulée la décision implicite refusant de procéder à un tel effacement ou à une telle rectification.
8. La formation spécialisée a procédé à l'examen des éléments fournis par le ministre. Il résulte de cet examen, qui s'est déroulé selon les modalités décrites au point précédent et qui n'a révélé aucune illégalité, que les conclusions de M. D..., qui ne peut utilement se prévaloir ni de l'éventuelle incompétence des auteurs des décisions prises antérieurement à l'exercice du droit d'accès indirect, ni de l'absence de motivation des décisions qu'il conteste, ni de l'absence de procédure contradictoire, doivent être rejetées, y compris ses conclusions à fin d'injonction, ses conclusions à fin d'indemnisation et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré à l'issue de la séance du 24 janvier 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président de la formation spécialisée, présidant ; Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat et M. Mathieu Herondart, conseiller d'Etat-rapporteur.
Le président:
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur
Signé : M. Mathieu Herondart
La secrétaire:
Signé : Mme C... B...