Vu les procédures suivantes :
1° Mme N... P... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision de la caisse d'allocations familiales de l'Aude du 16 octobre 2018 en tant qu'elle a mis à sa charge un indu de revenu de solidarité active " activité ", de la décharger de cet indu et d'ordonner à la caisse d'allocations familiales de l'Aude de lui restituer l'ensemble des sommes déjà récupérées à ce titre. Par un jugement n° 1901229 du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.
Sous le n° 449400, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 février et 27 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme P... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge du département de l'Aude, de la caisse d'allocations familiales de l'Aude et de l'Etat la somme de 3 000 euros, à verser à la SCP Delamarre, Jéhannin, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sous le n° 449401, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 février et 27 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme P... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge du département de l'Aude, de la caisse d'allocations familiales de l'Aude et de l'Etat la somme de 3 000 euros, à verser à la SCP Delamarre, Jéhannin, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de Mme P..., à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de la caisse d'allocations familiales de l'Aude et à la SCP Gaschignard, avocat du département de l'Aude ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un contrôle de la situation de Mme P... ayant révélé qu'elle avait omis de déclarer certaines de ses ressources, la caisse d'allocations familiales de l'Aude lui a réclamé le remboursement d'un indu de revenu de solidarité active " socle " et d'un indu de revenu de solidarité active " activité " au titre de la période de mars 2012 à janvier 2014. Le tribunal administratif de Montpellier, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, ayant, par un jugement du 17 juillet 2018, annulé les décisions de récupération des indus et prononcé la décharge de ces dettes, au motif que les ressources tirées de capitaux placés avaient été calculées de façon erronée, la caisse d'allocations familiales de l'Aude a, le 16 octobre 2018, de nouveau réclamé à Mme P... un indu de revenu de solidarité active " socle " et un indu de revenu de solidarité active " activité " pour la même période, après en avoir recalculé le montant, s'élevant, pour le premier, à 2 029,74 euros et, pour le second, à 1 426,92 euros avec un solde restant à récupérer de 260,04 euros. Par deux pourvois qu'il y a lieu de joindre, Mme P... demande l'annulation des deux jugements du 1er octobre 2020 par lesquels le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes contestant ces indus, en sollicitant la décharge et concluant à ce que les sommes déjà récupérées lui soient restituées.
2. En vertu de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un montant forfaitaire, a droit au revenu de solidarité active dans les conditions définies au présent chapitre (...) ". Aux termes de l'article L. 262-3 du même code : " (...) L'ensemble des ressources du foyer, y compris celles qui sont mentionnées à l'article L. 132-1, est pris en compte pour le calcul du revenu de solidarité active, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine notamment : / (...) 2° Les modalités d'évaluation des ressources (...) ". L'article L. 132-1 de ce code dispose que : " Il est tenu compte, pour l'appréciation des ressources des postulants à l'aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire (...) ". L'article L. 262-21 de ce code prévoit qu'il est procédé au réexamen périodique du montant de l'allocation, cette périodicité étant trimestrielle selon les dispositions règlementaires. L'article R. 262-6 du même code dispose que : " Les ressources prises en compte pour la détermination du montant du revenu de solidarité active comprennent, sous les réserves et selon les modalités figurant au présent chapitre, l'ensemble des ressources, de quelque nature qu'elles soient, de toutes les personnes composant le foyer, et notamment les avantages en nature ainsi que les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux. " Aux termes du II de l'article R. 262-7 de ce code : " Pour le calcul de l'allocation, les ressources du trimestre de référence prises en compte sont les suivantes :/ 1° La moyenne mensuelle des ressources perçues au cours des trois mois précédant la demande ou la révision ; / 2° Le montant mensuel des prestations versées par l'organisme chargé du service du revenu de solidarité active, sous réserve des dispositions des articles R. 262-10 et R. 262-11. Ces prestations sont intégralement affectées au mois de perception ; / 3° Le montant des ressources ayant le caractère de revenus professionnels ou en tenant lieu mentionnées à l'article R. 262-12 présentant un caractère exceptionnel. Celles-ci sont intégralement affectées au mois de perception (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que les intérêts produits par un placement financier doivent être intégralement pris en compte au titre des ressources du mois au cours duquel ils sont perçus, sans qu'il y ait lieu, pour les autres mois, de traiter le capital placé comme un bien non productif de revenus.
4. Par suite, en jugeant que la circonstance que les intérêts des placements financiers aient été versés en une seule fois à la fin de l'année au titre de laquelle ils ont été produits ne faisait pas obstacle à ce que ces intérêts soient pris en compte, pour le calcul des droits au revenu de solidarité active de Mme P..., comme des ressources à répartir sur les quatre trimestres suivant leur perception, le tribunal administratif de Montpellier a commis une erreur de droit. Il en résulte, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi n° 449401, que Mme P... est fondée à demande l'annulation des jugements qu'elle attaque.
5. Mme P... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de Mme P..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat et du département de l'Aude une somme de 1 500 euros à verser chacun à cette société. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme P..., qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances.
D E C I D E :
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Article 1er : Les jugements du 1er octobre 2020 du tribunal administratif de Montpellier sont annulés.
Article 2 : Les affaires sont renvoyées au tribunal administratif de Montpellier.
Article 3 : L'Etat et le département de l'Aude verseront, chacun, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de Mme P..., une somme de 1 500 euros au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Les conclusions présentées par le département de l'Aude au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme N... P..., au ministre des solidarités et de la santé et au département de l'Aude.
Délibéré à l'issue de la séance du 28 janvier 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme A... O..., Mme E... M..., présidentes de chambre ; Mme C... G..., Mme J... L..., M. K... H..., M. D... I..., Mme Carine Chevrier, conseillers d'Etat et M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 11 février 2022.
Le président:
Signé : M. R... B...
Le rapporteur
Signé : M. Pierre Boussaroque
La secrétaire:
Signé : Mme Q... F...
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :