Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 18 décembre 2019 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile et de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire.
Par une décision n° 20007786 du 11 septembre 2020, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 février et 4 mai 2021 et le 21 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) de mettre à la charge de l'OFPRA la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 relatifs aux réfugiés ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Clément Tonon, auditeur,
- les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi, Texier, avocat de M. B..., et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que, par une décision du 18 décembre 2019, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a refusé de faire droit à la demande de M. B..., de nationalité syrienne, tendant à ce que lui soit reconnu le statut de réfugié ou, à défaut, accordé le bénéfice de la protection subsidiaire. M. B... se pourvoit en cassation contre la décision du 11 septembre 2020 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la reconnaissance de la qualité de réfugié :
2. Aux termes du 2° du paragraphe A de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951, la qualité de réfugié est reconnue à " toute personne qui (...), craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ".
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que pour solliciter son admission au bénéfice de l'asile, M. B... soutient qu'il craint d'être persécuté en cas de retour dans son pays d'origine en raison de l'aide qu'il a apportée à des familles d'opposants syriens à Damas en les approvisionnant en gaz et qu'arrêté lors d'une livraison, il aurait été placé en détention et aurait subi des mauvais traitements. Il ressort des énonciations de la décision attaquée que, pour refuser de lui accorder le statut de réfugié, la Cour nationale du droit d'asile a estimé ses déclarations insuffisamment consistantes pour établir tant sa provenance de Damas que les faits à l'origine de son départ. Elle a par ailleurs relevé que les documents médicaux produits se bornaient à rendre compte de l'opération de chirurgie orthopédique qu'il avait subie sans se prononcer sur son lien avec les faits allégués. Ce faisant, elle n'a ni insuffisamment motivé sa décision, ni commis d'erreur de droit et a porté sur les faits qui lui étaient soumis des appréciations souveraines exemptes de dénaturation.
Sur le bénéfice de la protection subsidiaire :
4. Aux termes de l'article 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 512-1 : " Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié et pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'elle courrait dans son pays un risque réel de subir l'une des atteintes graves suivantes : / (...) / c) S'agissant d'un civil, une menace grave, directe, et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d'une situation de conflit armé interne ou international ".
5. Il résulte de ces dispositions que l'existence d'une menace grave, directe et individuelle contre la vie ou la personne d'un demandeur de la protection subsidiaire n'est pas subordonnée à la condition qu'il rapporte la preuve qu'il est visé spécifiquement en raison d'éléments propres à sa situation personnelle dès lors que le degré de violence généralisée caractérisant le conflit armé atteint un niveau si élevé qu'il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'un civil renvoyé dans le pays ou la région concernés courrait, du seul fait de sa présence sur le territoire, un risque réel de subir ces menaces. Le bénéfice de la protection subsidiaire peut aussi résulter, dans le cas où la région que l'intéressé a vocation à rejoindre ne connaît pas une telle violence, de la circonstance qu'il ne peut s'y rendre sans nécessairement traverser une zone au sein de laquelle le degré de violence résultant de la situation de conflit armé est tel qu'il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé se trouverait exposé, du seul fait de son passage, même temporaire, dans la zone en cause, à une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne.
6. Il ressort des pièces de la procédure que M. B... faisait valoir, en invoquant des rapports d'organisations non gouvernementales et des décisions de la Cour, qu'il existait, en Syrie, une situation de violence généralisée d'intensité exceptionnelle impliquant que lui soit accordé le bénéfice de la protection subsidiaire. En se bornant à relever, par une formule stéréotypée, que ni les pièces du dossier, ni les déclarations faites à l'audience ne permettaient de tenir pour établis les faits allégués et de fonder les craintes énoncées au regard de l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans remettre en cause sa nationalité syrienne, ni se prononcer sur le degré de violence en Syrie, la Cour nationale du droit d'asile a insuffisamment motivé sa décision.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque en tant qu'elle statue sur le bénéfice de la protection subsidiaire. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'OFPRA le versement à M. B... de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la Cour nationale du droit d'asile du 11 septembre 2020 est annulée en tant qu'elle statue sur le bénéfice de la protection subsidiaire.
Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure devant la Cour nationale du droit d'asile.
Article 3 : L'OFPRA versera à M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.