M. B... F... et Mme A... F..., ainsi que M. D... C... et Mme E... C..., ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 septembre 2016 par lequel le maire de Colomars a, au nom de l'Etat, accordé à la société La Maison familiale de Provence un permis de construire en vue de l'édification de deux immeubles de quarante logements, dont seize logements locatifs sociaux, et un commerce, après démolition des constructions existantes. Par un jugement n° 1604957 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Nice a fait droit à cette demande.
Par une décision n° 429652 du 18 novembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi de la société La Maison familiale de Provence, a annulé ce jugement et renvoyé l'affaire au tribunal administratif de Nice.
Par un jugement n° 2005089 du 12 avril 2021, le tribunal administratif de Nice, statuant sur ce renvoi, a annulé l'arrêté du 6 septembre 2016 en tant qu'il méconnaît les dispositions de l'article 1.1.2 du plan de prévention des risques naturels d'inondation applicable à la commune de Colomars.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 juin et 10 septembre 2021 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, la société La Maison familiale de Provence demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 12 avril 2021 en tant qu'il fait partiellement droit à la demande de M. et Mme F... et M. et Mme C... ;
2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter la demande de première instance ;
3°) de mettre solidairement à la charge de M. et Mme F... et M. et Mme C... la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société La Maison familiale de Provence et à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. et Mme C... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 6 septembre 2016, le maire de Colomars a, au nom de l'Etat, accordé à la société La Maison familiale de Provence un permis de construire en vue de l'édification de deux immeubles de quarante logements, dont seize logements locatifs sociaux, et un commerce, après démolition des constructions existantes. Par un jugement du 7 février 2019, le tribunal administratif de Nice a fait droit à la demande de M. et Mme F... et M. et Mme C... tendant à l'annulation de cet arrêté pour excès de pouvoir. Par une décision du 18 novembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé ce jugement et renvoyé l'affaire au tribunal. Par un jugement du 12 avril 2021, contre lequel la société La Maison familiale de Provence se pourvoit en cassation en tant qu'il lui fait grief, le même tribunal, statuant sur ce renvoi, a recouru à l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme et, à l'article 1er de son jugement, annulé partiellement le permis attaqué, en tant qu'il méconnaît l'article 1.1.2 du plan de prévention des risques naturels d'inondation applicable à la commune de Colomars.
2. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Le plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation de la basse vallée du Var, qui s'applique notamment la commune de Colomars en vertu de son article 1er, définit la zone bleue comme une " zone de risque d'autorisations sous prescription ", subdivisée en 6 zones (B1 à B6) en fonction de l'intensité de l'aléa. Il définit la zone rouge, subdivisée en 4 zones (R0 à R3), comme une zone de " risque d'interdiction " dans laquelle les occupations et utilisations du sol sont très limitées et soumises au respect de prescriptions particulières. Et aux termes de l'article 1.1.2 du plan, dans sa partie relative aux dispositions particulières et aux règles de construction applicables en zone R3, s'agissant des aires de plein air à vocation sportive, de loisirs ou d'espaces verts, " les projets devront inclure une aire de refuge qui devra s'implanter au-dessus de la cote d'implantation du présent article ".
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le projet litigieux comporte deux bâtiments collectifs d'habitation implantés en zone bleue B5 du plan de prévention des risques naturels d'inondation et qu'une partie minoritaire des jardins d'agrément aménagés en continuité de ces bâtiments est située en zone rouge R3. En jugeant que ce projet méconnaissait l'obligation posée par les dispositions mentionnées au point 2 en raison de l'absence de création d'une aire de refuge dans le cadre de l'aménagement des jardins prévus dans la zone rouge R3, sans rechercher si les parties du projet situées en zone bleue, attenantes aux espaces extérieurs situées en zone rouge, ne présentaient pas des caractéristiques, au regard notamment de leur accessibilité, leur permettant de tenir lieu de l'aire de refuge exigée, le tribunal administratif a commis une erreur de droit.
4. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, la société La Maison familiale de Provence est fondée à demander l'annulation de l'article 1er du jugement qu'elle attaque, prononçant à raison de ce vice l'annulation partielle du permis de construire en litige.
5. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond dans la mesure de la cassation prononcée.
6. Il ressort des pièces du dossier qu'en cas de montée des eaux dans la partie minoritaire des espaces verts située en zone rouge du plan de prévention des risques naturels d'inondation, il est possible de trouver aisément et rapidement refuge dans la partie de ces espaces verts située en zone bleue ou, au besoin, dans l'un des deux immeubles attenants à ces espaces verts, qui sont intégralement situés en zone bleue, et qui sont de nature à tenir lieu de l'aire de refuge exigée par le plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation de la basse vallée du Var. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en accordant le permis litigieux, le maire de Colomars aurait apprécié de façon manifestement erronée les exigences de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et méconnu ce plan de prévention des risques naturels d'inondation doit être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du permis de construire délivré à la société La Maison familiale de Provence le 6 septembre 2016.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme F... et de M. et Mme C... une somme globale de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société La Maison familiale de Provence, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 12 avril 2021 du tribunal administratif de Nice est annulé en tant qu'il annule l'arrêté du 6 septembre 2016 en tant qu'il méconnaît l'article 1.1.2 du plan de prévention des risques naturels d'inondation applicable à la commune de Colomars.
Article 2 : La demande de M. et Mme F... et de M. et Mme C... présentée devant le tribunal administratif de Nice est rejetée dans la mesure de l'annulation prononcée à l'article 1er.
Article 3 : M. et Mme F... et M. et Mme C... verseront à la société La Maison familiale de Provence une somme globale de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties présentées devant le Conseil d'Etat et le tribunal administratif de Nice est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société La Maison familiale de Provence, à M. B... F... et Mme A... F... et à M. D... C... et Mme E... C....
Copie en sera adressée à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré à l'issue de la séance du 1er juin 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; Mme Carine Soulay, Mme Sophie-Justine Lieber, M. Yves Doutriaux, , M. Jean-Luc Nevache et M. Damien Botteghi, conseillers d'Etat ; M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 24 juin 2022.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Pierre Boussaroque
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé HERBER