Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiée (SAS) Lapeyre a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires de taxe sur les surfaces commerciales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 à raison de ses établissements situés à Illzach (Haut-Rhin), Colmar (Haut-Rhin), Geispolsheim (Bas-Rhin), Morsbach (Moselle), Hauconcourt (Moselle) et Souffelweyersheim (Bas-Rhin) et, d'autre part, d'ordonner à l'Etat le paiement des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales. Par un jugement nos 1905304, 1906338, 1906340, 1906342, 1906343, 1906346 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 février et 5 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SAS Lapeyre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 modifiée ;
- le décret n° 95-85 du 26 janvier 1995 modifié ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. A... B... de Bergues, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la SAS Lapeyre ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que la SAS Lapeyre exerce une activité de vente de biens et de réalisation de prestations concernant l'aménagement de la maison. Elle a fait l'objet de deux vérifications de comptabilité qui ont porté sur la taxe sur les surfaces commerciales dues au titre des années 2011 et 2012 à raison des établissements qu'elle exploite à Illzach, Colmar, Geispolsheim, Morsbach, Hauconcourt et Souffelweyersheim. A l'issue de ces opérations de contrôle, l'administration a remis en cause l'application du taux réduit de taxe sur les surfaces commerciales et elle a, en conséquence, assujetti la société Lapeyre à des cotisations supplémentaires de taxe sur les surfaces commerciales à raison des établissements situés dans ces communes. La SAS Lapeyre se pourvoit en cassation contre le jugement du 15 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces cotisations.
2. Aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Il est institué une taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, dès lors qu'elle dépasse quatre cents mètres carrés des établissements ouverts à partir du 1er janvier 1960 quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite. (...) / Un décret prévoira, par rapport au taux ci-dessus, des réductions pour les professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées (...) ". Aux termes de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995 relatif à la taxe sur les surfaces commerciales : " A. La réduction de taux prévue au troisième alinéa de l'article 3 (2°) de la loi du 13 juillet 1972 susvisée en faveur des professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées est fixée à 30 p. 100 en ce qui concerne la vente exclusive des marchandises énumérées ci-après : / - meubles meublants ; / (...) - matériaux de construction (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le législateur a institué une réduction de taux en faveur des professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées et a confié au pouvoir réglementaire le soin de déterminer le champ d'application et le montant de cette réduction, d'autre part que le pouvoir réglementaire a prévu que les établissements redevables de la taxe sur les surfaces commerciales bénéficieraient de la réduction de taux prévue par la loi à raison des surfaces qu'ils affectent à titre exclusif à une activité consistant à vendre des marchandises mentionnées dans une liste qu'il a définie.
4. Il résulte des énonciations du jugement attaqué que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions de la SAS Lapeyre tendant au bénéfice de la réduction de 30 % prévue par le décret du 26 janvier 1995 au motif qu'une fraction des surfaces des établissements en litige n'était pas affectée à la vente exclusive de matériaux de construction ou de meubles meublants. En statuant ainsi, sans rechercher si la société, comme elle le soutenait, exploitait des surfaces affectées à titre exclusif à une activité consistant à vendre des meubles meublants ou des matériaux de construction, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. La SAS Lapeyre est dès lors fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 décembre 2020 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Strasbourg.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la SAS Lapeyre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Lapeyre et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 30 juin 2022 où siégeaient : M. Guillaume Goulard, président de chambre, présidant ; M. Christian Fournier, conseiller d'Etat et M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 20 juillet 2022.
Le président :
Signé : M. Guillaume Goulard
Le rapporteur :
Signé : M. Géraud Sajust de Bergues
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova