Vu la procédure suivante :
Le conseil départemental du Rhône de l'ordre des chirurgiens-dentistes a porté plainte contre M. A... B... devant la chambre disciplinaire de première instance de Rhône-Alpes de l'ordre des chirurgiens-dentistes. Par une décision du 9 avril 2018, la chambre disciplinaire de première instance a infligé à M. B... la sanction de l'interdiction d'exercer la profession de chirurgien-dentiste pendant une durée de quinze jours, assortie du sursis.
Par une décision du 28 novembre 2019, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes a, sur appel de M. B..., réformé cette décision, maintenu la sanction prononcée en première instance et rejeté le surplus des conclusions de sa requête d'appel.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 28 janvier et 15 mai 2020 et les 23 novembre et 27 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;
3°) de mettre à la charge du conseil départemental du Rhône de l'ordre des chirurgiens-dentistes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Françoise Tomé, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de M. B... et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes du Rhône ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le conseil départemental du Rhône de l'ordre des chirurgiens-dentistes a porté plainte contre M. B... devant la chambre disciplinaire de première instance de la région Rhône-Alpes de l'ordre des chirurgiens-dentistes. Par une décision du 9 avril 2018, la chambre disciplinaire de première instance a retenu que M. B... n'avait pas présenté de demande d'ouverture d'un lieu d'exercice distinct de son cabinet principal avant le 17 juillet 2017, avait méconnu l'interdiction temporaire de donner des soins aux assurés sociaux prononcée à son encontre par une décision du 15 décembre 2016 de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes ainsi que l'interdiction de tout procédé de publicité commerciale résultant de l'article R. 4127-215 du code de la santé publique, avait manqué à ses obligations de discrétion professionnelle et lui a infligé la sanction de l'interdiction d'exercer la profession de chirurgien-dentiste pendant une durée de quinze jours, assortie du sursis. Par une décision du 28 novembre 2019, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes a, sur appel de M. B..., réformé la décision de la chambre disciplinaire de première instance en ce qu'elle avait retenu un manquement aux dispositions de l'article R. 4127-215 du code de la santé publique, maintenu la sanction prononcée en première instance et rejeté le surplus des conclusions de la requête d'appel de M. B.... Celui-ci se pourvoit en cassation contre cette décision.
Sur la décision attaquée, en tant qu'elle retient un grief de méconnaissance de la sanction d'interdiction de donner des soins aux assurés sociaux :
2. Aux termes de l'article L. 145-2 du code de la sécurité sociale : " Les sanctions susceptibles d'être prononcées par la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de première instance ou par la section spéciale des assurances sociales du Conseil national de l'ordre des médecins ou des chirurgiens-dentistes ou des sages-femmes sont : (...) / 3° L'interdiction temporaire ou permanente, avec ou sans sursis, du droit de donner des soins aux assurés sociaux (...) ". La sanction prononcée sur le fondement de ces dispositions fait obligation au praticien concerné de s'abstenir de donner des soins aux assurés sociaux, même à titre gratuit et alors même qu'il n'aurait délivré aucune feuille de soins.
3. En premier lieu, il ressort des énonciations de la décision attaquée que la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes a relevé qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que M. B... proposait des rendez-vous pour des consultations avec lui sur la plateforme " Doctolib " et sur le site de son cabinet secondaire " CLEAGE " et qu'il avait reçu en consultation, le 10 mai 2017, un patient pour lequel il avait établi un devis en vue de la poste de facettes. En retenant ce dernier élément qui, s'il avait été obtenu à l'insu de M. B... par un délégué du conseil départemental du Rhône de l'ordre des chirurgiens-dentistes ayant donné un nom d'emprunt, avait seulement permis de constater la poursuite de l'activité professionnelle du praticien en dépit de la sanction de suspension d'exercice qui lui avait été infligée, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit et a porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine, exempte de dénaturation.
4. En deuxième lieu, en déduisant de ces circonstances que M. B... avait manqué à ses obligations déontologiques en exerçant sa profession pendant la période durant laquelle il faisait l'objet d'une sanction d'interdiction temporaire de donner des soins aux assurés sociaux prononcée à son encontre par la décision du 15 décembre 2016 de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes, qui courait du 1er mars au 15 mai 2017, en particulier le 10 mai 2017 où il avait établi un devis pour des facettes, en jugeant que l'établissement de ce devis, qui supposait nécessairement un diagnostic, constituait un acte relevant de la pratique de l'art dentaire au sens des dispositions de l'article L. 4141-1 du code de la santé publique, en vertu desquelles " La pratique de l'art dentaire comporte la prévention, le diagnostic et le traitement des maladies congénitales ou acquises, réelles ou supposées, de la bouche, des dents, des maxillaires et des tissus attenants, dans le respect des modalités fixées par le code de déontologie de la profession mentionné à l'article L. 4127-1 ", et en retenant que ces acte avait été accompli en méconnaissance de l'interdiction de donner des soins aux assurés sociaux, la chambre disciplinaire nationale n'a ni commis d'erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. Il résulte, en outre, de ce qui est dit au point 2 qu'en jugeant que l'ensemble de ces faits constituaient une faute déontologique de nature à justifier une sanction disciplinaire, elle n'a pas davantage entaché sa décision d'erreur de droit ou d'inexacte qualification juridique des faits.
Sur la sanction infligée par la décision attaquée :
5. En premier lieu, en maintenant la sanction infligée en première instance à M. B... bien qu'elle ait jugé que l'un des manquements déontologiques initialement retenus à l'encontre de celui-ci n'était pas fondé, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes ne peut être regardée comme ayant aggravé la sanction infligée par la chambre disciplinaire de Rhône-Alpes. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le principe général du droit disciplinaire selon lequel une sanction infligée en première instance par une juridiction disciplinaire ne peut être aggravée par le juge d'appel, lorsqu'il n'est régulièrement saisi que du seul recours de la personne frappée par la sanction, aurait été méconnu.
6. En second lieu, outre le manquement mentionné au point 4, la chambre disciplinaire nationale a retenu que M. B... avait également commis deux autres fautes, en faisant état d'une spécialité non reconnue par le conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes et en transmettant avec retard au conseil départemental du Rhône de ce même ordre les conventions relatives à l'exercice de son activité dans le centre " CLEAGE ". En infligeant à l'intéressé au vu de l'ensemble de son comportement la sanction de l'interdiction d'exercer la profession de chirurgien-dentiste pendant une durée de quinze jours, assortie du sursis, la chambre disciplinaire nationale n'a pas prononcé une sanction hors de proportion avec les fautes commises.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée, qui est suffisamment motivée. Par suite, son pourvoi doit être rejeté, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme que demande le conseil départemental du Rhône de l'ordre des chirurgiens-dentistes au même titre.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par le conseil départemental du Rhône de l'ordre des chirurgiens-dentistes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au conseil départemental du Rhône de l'ordre des chirurgiens-dentistes.
Copie en sera adressée au Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes.
Délibéré à l'issue de la séance du 15 juin 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; Mme Carine Soulay, Mme Sophie-Justine Lieber, M. Laurent Cabrera, M. Damien Botteghi et Mme Carine Chevrier, conseillers d'Etat ; Mme Françoise Tomé, conseillère d'Etat-rapporteure
Rendu le 27 juillet 2022.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Françoise Tomé
La secrétaire :
Signé : Mme Sylvie Alleil