Vu la procédure suivante :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier universitaire de Poitiers, d'une part, à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité des décisions des 9 novembre 2015, 12 juillet et 26 août 2016 par lesquelles cet établissement lui a refusé le bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi et, d'autre part, à lui verser une somme d'un montant équivalent à l'allocation d'aide au retour à l'emploi à compter du 3 janvier 2016 dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1700416 du 6 mars 2019, le tribunal administratif de Poitiers a condamné le centre hospitalier universitaire de Poitiers à verser à Mme A... la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral ainsi que le montant, à déterminer par cet établissement, de l'aide au retour à l'emploi qu'elle aurait dû percevoir à compter du 3 janvier 2016.
Par une ordonnance n° 19BX01824 du 27 mai 2021, enregistrée le 31 mai suivant au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi et le mémoire, enregistrés les 6 mai 2019 et 24 février 2021 au greffe de cette cour, présentés par le centre hospitalier universitaire de Poitiers.
Par ce pourvoi et ce mémoire et par un nouveau mémoire, enregistré le 23 novembre 2021, le centre hospitalier universitaire de Poitiers demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de première instance de Mme A... ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le décret n° 2020-741 du 16 juin 2020 ;
- l'arrêté du 25 juin 2014 portant agrément de la convention du 14 mai 2014 relative à l'indemnisation du chômage et les textes qui lui sont associés ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sébastien Jeannard, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP L. Poulet, Odent, avocat du centre hospitalier régional universitaire de Poitiers ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A... a été employée par le centre hospitalier universitaire de Poitiers en qualité d'agent des services hospitaliers par contrats à durée déterminée successifs pour la période du 17 mars 2015 au 11 octobre 2015, Mme A... ayant indiqué le 7 octobre 2015 ne pas souhaiter le renouvellement de son contrat au-delà de cette date, puis, Mme A... ayant de nouveau présenté sa candidature à un tel contrat, du 7 décembre 2015 au 3 janvier 2016. Par une décision du 9 novembre 2015, le directeur des ressources humaines de cet établissement lui a refusé le bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi au motif qu'elle avait refusé la proposition de renouvellement de son contrat à durée déterminée au-delà du 11 octobre 2015. Il lui a de nouveau refusé le bénéfice de cette allocation par une décision du 12 juillet 2016, confirmée le 26 août 2016, au motif que les conditions de délai ou de durée d'activité requises par la convention d'assurance chômage n'étaient, depuis sa dernière perte volontaire d'emploi, pas remplies. Le centre hospitalier universitaire de Poitiers se pourvoit en cassation contre le jugement du 6 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers l'a condamné à verser à Mme A... une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral du fait de ces refus et à une somme correspondant au montant de l'aide au retour à l'emploi qu'elle aurait dû percevoir à compter du 3 janvier 2016.
2. Pour juger illégal le refus de verser à Mme A... les allocations de retour à l'emploi par la décision du 12 juillet 2016, confirmée le 26 août 2016, et faire droit aux conclusions indemnitaires présentées par Mme A... au titre des préjudices subis à raison de ces décisions, le tribunal administratif a jugé que le refus de Mme A... de renouveler son contrat à durée déterminée était fondé sur un motif légitime, de sorte que l'intéressée devait être regardée comme ayant été involontairement privée d'emploi.
3. Aux termes de l'article L. 5421-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " En complément des mesures tendant à faciliter leur reclassement ou leur conversion, les travailleurs involontairement privés d'emploi ou dont le contrat de travail a été rompu conventionnellement selon les modalités prévues aux articles L. 1237-11 et suivants du présent code ou à l'article L. 421-12-2 du code de la construction et de l'habitation, aptes au travail et recherchant un emploi, ont droit à un revenu de remplacement dans les conditions fixées au présent titre ". Aux termes de l'article L. 5424-1 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " Ont droit à une allocation d'assurance dans les conditions prévues aux articles L. 5422-2 et L. 5422-3 : / (...) 2° Les agents non titulaires des collectivités territoriales et les agents non statutaires des établissements publics administratifs autres que ceux de l'Etat et ceux mentionnés au 4° ainsi que les agents non statutaires des groupements d'intérêt public (...) ".
4. Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative de déterminer si les circonstances dans lesquelles un contrat de travail à durée déterminée n'a pas été renouvelé permettent de l'assimiler à une perte involontaire d'emploi. A ce titre, et ainsi que le prévoit désormais le décret du 16 juin 2020 relatif au régime particulier d'assurance chômage applicable à certains agents publics et salariés du secteur public, l'agent qui refuse le renouvellement de son contrat de travail ne peut être regardé comme involontairement privé d'emploi, à moins que ce refus soit fondé sur un motif légitime Un tel motif peut être lié notamment à des considérations d'ordre personnel ou au fait que le contrat a été modifié de façon substantielle par l'employeur sans justification.
5. En jugeant que les considérations personnelles invoquées par Mme A..., qui avait indiqué lors de son refus de renouvellement de contrat le 7 octobre 2015 vouloir s'investir dans un projet associatif, avant de faire valoir le 14 novembre 2015, lors de la présentation de sa candidature spontanée, avoir des difficultés psychologiques à poursuivre une activité dans son service d'affectation en raison de sa situation familiale, constituaient un motif permettant d'assimiler ce refus de renouvellement à une perte involontaire d'emploi, le tribunal a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
6. Par suite, le centre hospitalier de Poitiers est fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-1 du code de justice administrative.
8. Aux termes de l'article 4 du règlement général annexé à la convention du 14 mai 2014 relative à l'indemnisation du chômage, agréée par arrêté du 25 juin 2014, prévoit que : " Les salariés privés d'emploi justifiant d'une période d'affiliation comme prévu aux articles 3 et 28 doivent: / (...) e) N'avoir pas quitté volontairement, sauf cas prévus par un accord d'application, leur dernière activité professionnelle salariée, ou une activité professionnelle salariée autre que la dernière dès lors que, depuis le départ volontaire, il ne peut être justifié d'une période d'affiliation d'au moins 91 jours ou d'une période de travail d'au moins 455 heures (...) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'un agent a, après avoir quitté volontairement un emploi, retrouvé un autre emploi dont il a été involontairement privé, il a droit à une indemnisation au titre de l'assurance chômage dès lors qu'il a travaillé au moins quatre-vingt-onze jours ou quatre cent cinquante-cinq heures dans ce dernier emploi.
9. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le refus de Mme A... de renouveler au-delà du 11 octobre 2015 son contrat à durée déterminée conclu en qualité d'agent des services hospitaliers ne peut être assimilé, eu égard au motif de ce refus, comme une perte involontaire d'emploi. Il n'est pas contesté qu'à la date à laquelle le directeur des ressources humaines du centre hospitalier de Poitiers a pris les décisions litigieuses refusant à Mme A... le bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi, l'intéressée ne remplissait pas les conditions de délai ou de durée d'activité requises par la convention d'assurance chômage, depuis ce départ volontaire. Le centre hospitalier de Poitiers ne pouvant, dès lors, être regardé comme ayant commis une faute en refusant pour ce motif à Mme A... le bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi, Mme A... n'est pas fondée à solliciter la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de ce refus.
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 6 mars 2019 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Poitiers est rejetée.
Article 3 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier universitaire de Poitiers.
Copie en sera adressée à Mme B... A....
Délibéré à l'issue de la séance du 20 octobre 2022 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et M. Sébastien Jeannard, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 9 novembre 2022.
La présidente :
Signé : Mme Gaëlle Dumortier
Le rapporteur :
Signé : M. Sébastien Jeannard
La secrétaire :
Signé : Mme Anne Lagorce
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :