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13/12/2022 | FRANCE | N°454491

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 13 décembre 2022, 454491


Vu la procédure suivante :

Le comité social et économique central de la société Janssen-Cilag France, le comité social et économique de l'établissement de Val-de-Reuil de cette société, la Fédération de la Chimie et de l'Energie CFDT, la fédération CFE-CGC CHIMIE, le Syndicat national CFTC des Salariés des Industries pharmaceutiques et le Syndicat National UNSA CHIMIE PHARMACIE ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 30 juillet 2020 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la cons

ommation, du travail et de l'emploi de Normandie a homologué le document...

Vu la procédure suivante :

Le comité social et économique central de la société Janssen-Cilag France, le comité social et économique de l'établissement de Val-de-Reuil de cette société, la Fédération de la Chimie et de l'Energie CFDT, la fédération CFE-CGC CHIMIE, le Syndicat national CFTC des Salariés des Industries pharmaceutiques et le Syndicat National UNSA CHIMIE PHARMACIE ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 30 juillet 2020 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société Janssen-Cilag France. Par un jugement n° 2003814 du 24 décembre 2020, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 21DA00427 du 12 mai 2021, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par le comité social et économique central de la société Janssen-Cilag France et autres contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 12 juillet et 12 octobre 2021 et 13 juin et 8 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le comité social et économique central de la société Janssen-Cilag France et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leurs conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Janssen-Cilag France la somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Thalia Breton, auditrice,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du comité social et économique central de la société Janssen-Cilag France, du comité social et économique de l'établissement de Val-de-Reuil de cette société, de la Fédération de la Chimie et de l'Energie CFDT, de la Fédération CFE CGC CHIMIE, du Syndicat national CFTC des Salariés des Industries pharmaceutiques et du Syndicat national UNSA CHIMIE PHARMACIE et à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Janssen-Cilag France ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 30 juillet 2020, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Normandie a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société Janssen-Cilag France, filiale du groupe Johnson et Johnson. Par un jugement du 24 décembre 2020, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande du comité social et économique central de la société Janssen-Cilag France, du comité social et économique de l'établissement de Val-de-Reuil de cette société, de la Fédération de la Chimie et de l'Energie CFDT, de la fédération CFE-CGC CHIMIE, du Syndicat national CFTC des Salariés des Industries pharmaceutiques et du Syndicat National UNSA CHIMIE PHARMACIE tendant à l'annulation de cette décision. Le comité social et économique central de la société Janssen-Cilag et autres se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 12 mai 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté leur appel contre ce jugement.

Sur le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie devant la cour administrative d'appel :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes. " Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. "

3. Il ressort des pièces de la procédure suivie devant la cour administrative d'appel de Douai que le mémoire en défense de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion ainsi que le second mémoire en défense de la société Janssen-Cilag France et leurs pièces jointes ont été communiqués aux requérants le 16 avril 2021 et que, en l'absence de réouverture de l'instruction, celle-ci a été close trois jours francs avant l'audience du 22 avril 2021. D'une part, si le comité social et économique central de la société Janssen-Cilag France et autres font valoir que la cour administrative d'appel s'est fondée sur une notice explicative des catégories professionnelles retenues par le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi, produite par la ministre à l'appui de son mémoire en défense, il ressort des termes du jugement du 24 décembre 2020 que le tribunal administratif de Rouen s'est explicitement fondé sur cette notice pour écarter le moyen tiré de la définition irrégulière de ces catégories professionnelles. Dans ces conditions, les requérants, dont il est constant qu'ils ont reçu notification de ce jugement, et auxquels il était loisible de prendre connaissance de cette pièce déjà produite en première instance, ont été mis à même d'en discuter le contenu. D'autre part, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel ne s'est pas fondée sur les nouveaux éléments contenus dans le second mémoire en défense de la société Janssen-Cilag France dont la teneur n'était, au demeurant, pas substantiellement différente de celle du premier mémoire en défense produit par la société. Par suite, le moyen tiré de ce que la cour administrative d'appel aurait statué au terme d'une procédure irrégulière au motif que le comité social et économique central de la société Janssen-Cilag France et autres n'auraient pas disposé d'un délai suffisant pour répliquer au mémoire en défense de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion ainsi qu'au second mémoire en défense de la société et aux pièces qui y étaient annexées doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 412-2 du même code : " Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leur requête, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé. Sauf lorsque leur nombre, leur volume ou leurs caractéristiques y font obstacle, ces pièces sont accompagnées d'une copie. Ces obligations sont prescrites aux parties sous peine de voir leurs pièces écartées des débats après invitation à régulariser non suivie d'effet. "

5. S'il ressort des pièces de la procédure suivie devant la cour administrative d'appel de Douai que l'inventaire des pièces jointes à l'appui du mémoire en défense de la ministre ne mentionnait pas la production de la notice explicative des catégories professionnelles et que la ministre n'a pas été invitée à régulariser cet inventaire, il est constant, ainsi qu'il a été dit au point 3, que les requérants ont été en mesure de prendre utilement connaissance de cette notice déjà produite en première instance. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie devant la cour au regard des dispositions de l'article R. 412-2 du code de justice administrative ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

Sur le moyen tiré de l'incompétence de la DIRECCTE de Normandie pour homologuer le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi :

6. Aux termes de l'article L. 1233-28 du code du travail : " L'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours réunit et consulte le comité social et économique dans les conditions prévues par le présent paragraphe. " Aux termes de l'article L. 1233-36 du code du travail : " Dans les entreprises dotées d'un comité social et économique central, l'employeur consulte le comité central et le ou les comités sociaux et économiques d'établissement intéressés dès lors que les mesures envisagées excèdent le pouvoir du ou des chefs d'établissement concernés ou portent sur plusieurs établissements simultanément. (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-51 du même code : " Lorsque le projet de licenciement donne lieu à consultation du comité social et économique central, l'autorité administrative du siège de l'entreprise est informée de cette consultation et, le cas échéant, de la désignation d'un expert. " Aux termes de son article L. 1233-57-8 : " L'autorité administrative compétente pour prendre la décision d'homologation ou de validation mentionnée à l'article L. 1233-57-1 est celle du lieu où l'entreprise ou l'établissement concerné par le projet de licenciement collectif est établi. Si le projet de licenciement collectif porte sur des établissements relevant de la compétence d'autorités différentes, l'autorité administrative compétente est désignée dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. " Aux termes de son article R*. 1233-3-4, dans sa rédaction applicable au litige : " L'autorité administrative mentionnée aux articles (...) L. 1233-57-8 est le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi dont relève l'établissement en cause ". Enfin, aux termes de son article R. 1233-3-5, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque le projet de licenciement collectif porte sur des établissements relevant de la compétence de plusieurs directeurs régionaux des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, l'employeur informe le directeur régional du siège de l'entreprise de son intention d'ouvrir une négociation en application de l'article L. 1233-24-1. (...) En application de l'article L. 1233-57-8, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétent est celui dans le ressort duquel se situe le siège de l'entreprise. / (...) Le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétent informe l'employeur de sa compétence par tout moyen permettant de conférer une date certaine. / L'employeur en informe, sans délai et par tout moyen, le comité social et économique ainsi que les organisations syndicales représentatives ".

7. Il résulte de ces dispositions d'une part, que, lorsqu'un projet de licenciement collectif pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours concerne plusieurs établissements distincts d'une même entreprise, l'employeur doit consulter le comité social économique central de l'entreprise ainsi que les comités sociaux et économiques des établissements concernés par le projet. Lorsque ces établissements relèvent de la compétence de plusieurs DIRECCTE, la DIRECCTE compétente pour prendre la décision d'homologation du document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi est dans ce cas celle dans le ressort duquel se situe le siège de l'entreprise. D'autre part, dans le cas où le projet de licenciement collectif ne concerne qu'un seul établissement, l'employeur n'est tenu de consulter le comité social économique central de l'entreprise, ce dont la DIRECCTE du siège de l'entreprise doit être informée, que lorsque le projet excède le pouvoir du chef d'établissement. La DIRECCTE compétente pour prendre la décision d'homologation est dans ce cas celle dans le ressort de laquelle se situe l'établissement concerné par le projet de licenciement, la consultation éventuelle du comité social et économique central et l'information de la DIRECTE du siège quant à cette consultation étant à cet égard sans incidence.

8. Il ressort des termes mêmes de l'arrêt attaqué que, pour estimer que la DIRECCTE de Normandie était compétente pour prendre la décision d'homologation contestée, la cour administrative d'appel de Douai a tout d'abord constaté que le site de Val-de-Reuil avait été reconnu comme un établissement distinct par un accord d'entreprise, tout en relevant, par un motif surabondant que les requérants ne sauraient utilement critiquer, que cet établissement disposait d'une autonomie de gestion suffisante. La cour a ensuite estimé, sans dénaturer les pièces du dossier qui lui était soumis, que le projet de licenciement ne concernait que cet établissement. Par suite, eu égard à ce qui a été dit au point 7, en en déduisant que, en application des dispositions des articles L. 1233-57-8 et R*. 1233-3-4 du code du travail citées au point 6, la DIRECCTE compétente pour homologuer le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi était celle dans le ressort de laquelle se situait l'établissement de Val-de-Reuil, et ce malgré la consultation du comité social et économique central et l'information en conséquence de la DIRECCTE d'Ile de France en application des articles L. 1233-36 et L. 1233-51 du même code, elle n'a, contrairement à ce que soutiennent les requérants, entaché son arrêt ni d'insuffisance de motivation ni d'erreur de droit.

Sur les autres moyens du pourvoi :

9. En premier lieu, d'une part, eu égard à ce qui a été dit au point précédent, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêt qu'ils attaquent serait entaché d'erreur de droit en ce qu'il juge que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions l'article R. 1233-3-5 du code du travail, applicables aux projets de licenciement collectif portant sur des établissements relevant de la compétence de plusieurs autorités administratives, était inopérant.

10. D'autre part, les requérants ne peuvent utilement soutenir pour la première fois en cassation que la procédure d'information et de consultation du comité social et économique aurait été irrégulière au motif que l'employeur leur aurait dissimulé la compétence de la DIRECCTE de Normandie ce qui, au surplus, ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond.

11. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement sur le territoire national des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile. " Aux termes de l'article L. 1233-62 du même code : " Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que : / 1° Des actions en vue du reclassement interne sur le territoire national, des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ; / 1° bis Des actions favorisant la reprise de tout ou partie des activités en vue d'éviter la fermeture d'un ou de plusieurs établissements ; / 2° Des créations d'activités nouvelles par l'entreprise ; / 3° Des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ; / 4° Des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ; / 5° Des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ; (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-24-4 du même code : " A défaut d'accord (...), un document élaboré par l'employeur après la dernière réunion du comité social et économique fixe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur. ". Aux termes de l'article L. 1233-57-3 du même code : " (...) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique, le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1 ".

12. Il résulte de l'ensemble des dispositions citées ci-dessus que, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l'emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables, en s'assurant notamment du respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des dispositions des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du même code. A ce titre, elle doit, au regard de l'importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu, d'une part, des efforts de formation et d'adaptation déjà réalisés par l'employeur et, d'autre part, des moyens dont disposent l'entreprise et, le cas échéant, l'unité économique et sociale et le groupe.

13. A ce titre, il revient notamment à l'autorité administrative de s'assurer que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité. L'employeur doit, à cette fin, avoir identifié dans le plan l'ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l'entreprise. En outre, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur, seul débiteur de l'obligation de reclassement, doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement sur le territoire national dans les autres entreprises du groupe, quelle que soit la durée des contrats susceptibles d'être proposés pour pourvoir à ces postes. Pour l'ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés l'employeur doit avoir indiqué dans le plan leur nombre, leur nature et leur localisation.

14. Il résulte des termes mêmes de l'arrêt attaqué que, pour écarter le moyen tiré de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Janssen-Cilag France, la cour administrative d'appel de Douai a relevé, d'une part, que le document unilatéral homologué comportait en annexe une liste de postes de reclassement indiquant leur nombre, leur nature et leur localisation, d'autre part, que les mesures prévues en cas de reclassement interne prévoyaient notamment une formation d'adaptation, des aides à la mobilité géographique et au reclassement du conjoint et une compensation financière temporaire en cas de reclassement à un salaire inférieur, enfin, que celles prévues afin de favoriser un reclassement externe prévoyaient notamment un congé de reclassement avec maintien de la rémunération, de 18 mois pour les salariés de moins de cinquante ans et de 24 mois pour les salariés de cinquante ans et plus, l'intervention d'un cabinet de reclassement et des aides à la création d'entreprise et à la formation. En estimant que ces mesures étaient prises dans leur ensemble, compte tenu des moyens du groupe auquel appartient la société et sans pour autant qu'elles doivent y être proportionnées, propres à satisfaire aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, nonobstant la circonstance que le document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail n'a pas repris l'intégralité des mesures proposées par l'employeur dans le cadre de la négociation d'un accord collectif, ce que, au demeurant, aucune disposition ni aucun principe n'impose à l'employeur en cas d'échec d'une telle négociation, la cour administrative d'appel n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

15. D'autre part, alors que la cour n'a pas prononcé l'annulation de la décision administrative attaquée, les requérants ne peuvent utilement soutenir qu'elle aurait entaché son arrêt d'erreur de droit faute d'avoir examiné prioritairement le moyen tiré de l'insuffisance du plan au regard des mesures prévues pour le reclassement des salariés âgés.

16. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi du comité social et économique central de la société Janssen-Cilag France et autres doit être rejeté. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme mise, à ce titre, à la charge de la société Janssen-Cilag France qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du comité social et économique central de la société Janssen-Cilag France et autres une somme à verser à la société Janssen-Cilag France au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du comité social et économique central de la société Janssen-Cilag France et autres est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Janssen-Cilag France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au comité social et économique central de la société Janssen-Cilag France et autres, premier dénommé, pour l'ensemble des requérants, à la société Janssen-Cilag France et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 454491
Date de la décision : 13/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 TRAVAIL ET EMPLOI. - LICENCIEMENTS. - VALIDATION OU HOMOLOGATION ADMINISTRATIVE DES PSE – HOMOLOGATION D’UN DOCUMENT UNILATÉRAL – AUTORITÉ COMPÉTENTE – 1) PSE CONCERNANT PLUSIEURS ÉTABLISSEMENTS D’UNE MÊME ENTREPRISE – DIRECCTE DANS LE RESSORT DE LAQUELLE SE SITUE LE SIÈGE DE L’ENTREPRISE – 2) PSE CONCERNANT UN SEUL ÉTABLISSEMENT – DIRECCTE DANS LE RESSORT DE LAQUELLE IL SE SITUE.

66-07 Il résulte des articles L. 1233-28, L. 1233-36, L. 1233-51, L. 1233-57-8, R*. 1233-3-4, R. 1233-3-5, d’une part, que, lorsqu’un projet de licenciement collectif pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours concerne plusieurs établissements distincts d’une même entreprise, l’employeur doit consulter le comité social économique central (CSEC) de l’entreprise ainsi que les comités sociaux et économiques (CSE) des établissements concernés par le projet. ...1) Lorsque ces établissements relèvent de la compétence de plusieurs directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), la DIRECCTE compétente pour prendre la décision d’homologation du document unilatéral portant plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) est dans ce cas celle dans le ressort de laquelle se situe le siège de l’entreprise. ...2) D’autre part, dans le cas où le projet de licenciement collectif ne concerne qu’un seul établissement, l’employeur n’est tenu de consulter le CSEC de l’entreprise, ce dont la DIRECCTE du siège de l’entreprise doit être informée, que lorsque le projet excède le pouvoir du chef d’établissement. La DIRECCTE compétente pour prendre la décision d’homologation est dans ce cas celle dans le ressort de laquelle se situe l’établissement concerné par le projet de licenciement, la consultation éventuelle du CSEC et l’information de la DIRECTE du siège quant à cette consultation étant à cet égard sans incidence.


Publications
Proposition de citation : CE, 13 déc. 2022, n° 454491
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Thalia Breton
Rapporteur public ?: M. Jean-François de Montgolfier
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:454491.20221213
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