Vu la procédure suivante :
Par un jugement n° 2001484 du 15 septembre2022, enregistré le 12 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif d'Amiens, avant de statuer sur la demande tendant à la condamnation du groupe hospitalier du sud de l'Oise à réparer ses préjudices liés au suivi, par ce groupe hospitalier, de la grossesse de Mme D... B..., a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :
1°) En cas de cumul de fautes, commises l'une par une personne publique, l'autre par une personne privée dont l'appréciation de la responsabilité relève du juge judiciaire, et qui portaient chacune en elle normalement ce dommage au moment où elles se sont produites, le juge administratif saisi par la victime de conclusions se fondant sur un partage de responsabilité entre co-auteurs, peut-il déterminer la part de responsabilité devant incomber à la personne publique attraite devant lui à l'issue d'un tel partage ou doit-il écarter le partage de responsabilité demandé par la victime et condamner la personne publique, dans la limite de la somme demandée, à réparer intégralement le dommage, à charge pour elle, le cas échéant, d'exercer une action récursoire '
2°) Dans cette seconde hypothèse, doit-il soulever d'office un moyen en ce sens '
Des observations, enregistrées le 10 novembre 2022, ont été présentées par le groupe hospitalier public du Sud de l'Oise.
Des observations, enregistrées le 9 janvier 2022, ont été présentées par M. et Mme B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
- la parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. et Mme B... et à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du Groupe hospitalier public du sud de l'Oise.
REND L'AVIS SUIVANT
1. D'une part, lorsqu'un dommage trouve sa cause dans plusieurs fautes qui, commises par des personnes différentes ayant agi de façon indépendante, portaient chacune en elle normalement ce dommage au moment où elles se sont produites, la victime peut rechercher devant le juge administratif la réparation de son préjudice en demandant la condamnation de l'une de ces personnes à réparer l'intégralité de son préjudice. L'un des coauteurs ne peut alors s'exonérer, même partiellement, de sa responsabilité en invoquant l'existence de fautes commises par l'autre coauteur.
2. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la victime peut demander la condamnation d'une personne publique à réparer l'intégralité de son préjudice lorsque la faute commise portait normalement en elle le dommage, alors même qu'une personne privée, agissant de façon indépendante, aurait commis une autre faute, qui portait aussi normalement en elle le dommage au moment où elle s'est produite. Il n'y a, dans cette hypothèse, pas lieu de tenir compte du partage de responsabilité entre les coauteurs, lequel n'affecte que les rapports réciproques entre ceux-ci, mais non le caractère et l'étendue de leurs obligations à l'égard de la victime du dommage. Il incombe à la personne publique, si elle l'estime utile, de former une action récursoire à l'encontre du coauteur personne privée devant le juge compétent, afin qu'il soit statué sur ce partage de responsabilité.
3. Il appartient en conséquence au juge de déterminer l'indemnité due au requérant, dans la limite des conclusions indemnitaires dont il est saisi, laquelle s'apprécie au regard du montant total de l'indemnisation demandée pour la réparation de l'entier dommage, quelle que soit l'argumentation des parties sur un éventuel partage de responsabilité.
4. Il n'y a pas lieu de répondre au point de la demande d'avis relatif à l'office du juge, lequel ne soulève pas de question nouvelle présentant des difficultés sérieuses.
Le présent avis sera notifié au tribunal administratif d'Amiens et au Groupe hospitalier du sud de l'Oise.
Il sera publié au Journal officiel de la République française.
Délibéré à l'issue de la séance du 11 janvier 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat ; M Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 20 janvier 2023.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La Rapporteure :
Signé : Mme Flavie Le Tallec
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :