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27/01/2023 | FRANCE | N°451308

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 27 janvier 2023, 451308


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er avril et 15 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Crédit mutuel Arkéa demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision de caractère général n° 1-2021 relative au renforcement de la cohésion du Groupe Crédit mutuel adoptée le 2 février 2021 par le conseil d'administration de la Confédération nationale du Crédit mutuel (CNCM) ;

2°) de mettre à la charge de la Confédération nationale du Crédit mutuel la somme de 3 000

euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièce...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er avril et 15 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Crédit mutuel Arkéa demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision de caractère général n° 1-2021 relative au renforcement de la cohésion du Groupe Crédit mutuel adoptée le 2 février 2021 par le conseil d'administration de la Confédération nationale du Crédit mutuel (CNCM) ;

2°) de mettre à la charge de la Confédération nationale du Crédit mutuel la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n ° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code monétaire et financier ;

- l'arrêté du 3 novembre 2014 relatif au contrôle interne des entreprises du secteur de la banque, des services de paiement et des services d'investissement soumises au contrôle de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ;

- l'arrêté du 4 août 2016 pris pour l'application de l'article L. 511-12-2 du code monétaire et financier relatif aux conditions dans lesquelles les établissements de crédit peuvent acquérir tout ou partie d'une branche d'activité significative ;

- l'arrêté du 4 août 2016 pris pour l'application de l'article L. 511-2 du code monétaire et financier relatif aux prises de participation des établissements de crédit dans des filiales à caractère financier ou des filiales d'assurance ou de réassurance ou dans des entités comparables ayant leur siège social en dehors de l'Espace économique européen ;

- l'arrêté du 4 août 2016 pris pour l'application de l'article L. 511-12-2 du code monétaire et financier, relatif à l'ouverture par les établissements de crédit de succursales dans un Etat qui n'est pas partie à l'accord sur l'Espace économique européen ;

- l'arrêté du 4 décembre 2017 relatif à l'agrément, aux modifications de situation et au retrait de l'agrément des établissements de crédit ;

- la décision n° 451308 du 20 juillet 2021 par laquelle le Conseil d'Etat a jugé qu'il n'y avait pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Crédit mutuel Arkéa à l'encontre des deux premières phrases du deuxième alinéa de l'article L. 511-31 et du dernier alinéa de l'article L. 512-56 du code monétaire et financier ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Pau, auditeur,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Crédit mutuel Arkéa demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de caractère général n° 1-2021 relative au renforcement de la cohésion du Groupe Crédit mutuel adoptée le 2 février 2021 par le conseil d'administration de la Confédération nationale du crédit mutuel (CNCM), organe central du Crédit mutuel.

2. Aux termes du II de l'article L. 511-20 du code monétaire et financier : " (...) Les établissements et sociétés de financement affiliés à un réseau et l'organe central au sens de l'article L. 511-31 sont considérés comme faisant partie d'un même groupe pour l'application du présent code ", y compris ses dispositions relatives aux procédures d'agrément, à la mise en œuvre des mesures de prévention et de gestion des crises bancaires ou aux obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Aux termes de l'article L. 511-30 du même code : " Pour l'application des dispositions du présent code relatives aux établissements de crédit et aux sociétés de financement, sont considérées comme organes centraux : / (...) la Confédération nationale du crédit mutuel ". Aux termes de l'article L. 511-31 de ce code : " Les organes centraux représentent les établissements de crédit et les sociétés de financement qui leur sont affiliés auprès de la Banque de France et de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. / Ils sont chargés de veiller à la cohésion de leur réseau et de s'assurer du bon fonctionnement des établissements et sociétés qui leur sont affiliés. A cette fin, ils prennent toutes mesures nécessaires, notamment pour garantir la liquidité et la solvabilité de chacun de ces établissements et sociétés comme de l'ensemble du réseau. Ils peuvent également décider d'interdire ou de limiter la distribution d'un dividende aux actionnaires ou d'une rémunération des parts sociales aux sociétaires des établissements de crédit, des sociétés de financement ou des entreprises d'investissement qui leur sont affiliés. / (...) Ils veillent à l'application des dispositions législatives et réglementaires propres à ces établissements et sociétés et exercent un contrôle administratif, technique et financier sur leur organisation et leur gestion. Les contrôles sur place des organes centraux peuvent être étendus à leurs filiales directes ou indirectes, ainsi qu'à celles des établissements et sociétés qui leur sont affiliés. / Dans le cadre de ces compétences, ils peuvent prendre les sanctions prévues par les textes législatifs et réglementaires qui leur sont propres. / La perte de la qualité d'établissement ou de société affilié doit être notifiée par l'organe central à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, qui se prononce sur l'agrément de l'établissement ou de la société en cause. / (...) / Après en avoir informé l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, les organes centraux peuvent, lorsque la situation financière des établissements et des sociétés concernés le justifie, et nonobstant toutes dispositions ou stipulations contraires, décider la fusion de deux ou plusieurs personnes morales qui leur sont affiliées, la cession totale ou partielle de leur fonds de commerce ainsi que leur dissolution. Les organes dirigeants des personnes morales concernées doivent au préalable avoir été consultés par les organes centraux. Ces derniers sont chargés de la liquidation des établissements de crédit et des sociétés de financement qui leur sont affiliés ou de la cession totale ou partielle de leur fonds de commerce. / Les organes centraux notifient toute décision d'affiliation ou de retrait d'affiliation à l'établissement ou la société concerné et à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ". L'article L. 511-32 du même code dispose que : " Sans préjudice des pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place conférés à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution sur les établissements et sociétés qui leur sont affiliés, les organes centraux concourent, chacun pour ce qui le concerne, à l'application des dispositions européennes directement applicables, législatives et réglementaires régissant les établissements de crédit et les sociétés de financement. / A ce titre, ils saisissent l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution des infractions à ces dispositions ". Enfin, selon l'article L. 512-56 du même code : " Chaque caisse de crédit mutuel doit adhérer à une fédération régionale et chaque fédération régionale doit adhérer à la confédération nationale du crédit mutuel dont les statuts sont approuvés par le ministre chargé de l'économie. / La confédération nationale du crédit mutuel est chargée : / 1. De représenter collectivement les caisses de crédit mutuel pour faire valoir leurs droits et intérêts communs ; / 2. D'exercer un contrôle administratif, technique et financier sur l'organisation et la gestion de chaque caisse de crédit mutuel ; / 3. De prendre toutes mesures nécessaires au bon fonctionnement du crédit mutuel, notamment en favorisant la création de nouvelles caisses ou en provoquant la suppression de caisses existantes, soit par voie de fusion avec une ou plusieurs caisses, soit par voie de liquidation amiable ".

3. En adoptant les dispositions du code monétaire et financier citées au point 2 ci-dessus, le législateur a confié à la CNCM non seulement la représentation des caisses de crédit mutuel affiliées au réseau du Crédit mutuel auprès de la Banque centrale européenne et de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, mais aussi les missions de veiller à la cohésion de ce réseau et à l'application des dispositions législatives et réglementaires propres aux établissements de crédit, d'exercer un contrôle administratif, technique et financier sur l'organisation et la gestion de chaque caisse et de prendre toutes les mesures nécessaires au bon fonctionnement du réseau, afin de garantir la stabilité financière de celui-ci et la protection des déposants et sociétaires.

Sur le préambule de la décision attaquée :

4. S'il éclaire la portée des articles de la décision attaquée, ce préambule n'est pas susceptible, à lui seul, d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation des entités du groupe Crédit mutuel. Les moyens tirés de l'illégalité des motifs de droit et de fait mentionnés dans le préambule ne peuvent par suite qu'être écartés.

Sur le titre 1er relatif à la dénomination des entités du groupe Crédit mutuel :

5. Le titre 1er de la décision contestée prévoit que les dénominations sociale et commerciale des caisses de Crédit mutuel et de Crédit mutuel agricole et rural, des affiliés non-mutualistes, des fédérations (article 2) ainsi que les dénominations des groupes régionaux tels que définis par les statuts confédéraux (article 3) doivent comprendre les mots " Crédit mutuel ". Les articles 2 et 3 prévoient que ces mêmes entités sont également tenues de faire référence à leur appartenance au Crédit mutuel dans leurs activités commerciales et non commerciales, leur publicité, leurs activités de parrainage et leur communication. Enfin, l'article 4 soumet à l'autorisation préalable de la CNCM les décisions relatives aux dénominations des entités du groupe.

6. En premier lieu, si les dispositions citées au point 2 confient à la CNCM la mission de veiller à la cohésion du réseau et lui permettent de prendre toutes les mesures nécessaires au bon fonctionnement de celui-ci, les pouvoirs qui lui sont ainsi dévolus ne le sont qu'à la seule fin de garantir la stabilité financière du réseau et la protection des déposants et sociétaires, et doivent être conciliés avec l'autonomie des caisses. Or, d'une part, l'harmonisation des dénominations des caisses, des affiliés non-mutualistes, des fédérations et des groupes régionaux n'apparait pas nécessaire pour garantir la stabilité financière du réseau Crédit mutuel et la protection des déposants et sociétaires, et, d'autre part, l'information de ces derniers quant à l'appartenance de ces entités au groupe Crédit mutuel peut être réalisée par d'autres moyens plus adéquats et proportionnés, notamment lors de la souscription des parts dans le capital des caisses ou lors de l'achat des produits et services distribués. En conséquence, la règle générale et contraignante, édictée aux articles 2 et 3 de la décision attaquée, qui n'est ni prévue ni impliquée par aucune des dispositions législatives précitées, selon laquelle les entités du groupe Crédit mutuel qui y sont mentionnées sont tenues de faire référence à leur appartenance au groupe dans leurs dénominations sociale et commerciale ainsi que dans toutes leurs activités commerciales et non commerciales, est entachée d'illégalité.

7. En second lieu, contrairement à ce qui est soutenu, l'article 4 de la décision attaquée, qui, d'une part, soumet à l'autorisation préalable de la CNCM les décisions relatives aux dénominations sociale et commerciale des caisses, des affiliés non-mutualistes ou des fédérations, aux dénominations des groupes régionaux et aux dénominations sociale et commerciale de toute structure créée directement ou indirectement par les caisses ou les fédérations et qui, d'autre part, dresse la liste des éléments que doit comporter la demande d'autorisation, ne méconnaît pas les objectifs de clarté et d'intelligibilité de la norme. Toutefois, et comme le soutient la requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier d'une part, que l'autorisation préalable de la CNCM à laquelle sont soumises les décisions relatives aux dénominations sociale et commerciale de toute structure créée directement ou indirectement par les caisses ou les fédérations et qui ne font pas partie du réseau du Crédit mutuel, et d'autre part, que l'obligation de fournir, à l'appui de la demande d'autorisation, la représentation graphique de la dénomination envisagée par la caisse, l'affilié non-mutualiste, la fédération et le groupe régional, seraient nécessaires pour garantir la stabilité financière du réseau et la protection des déposants et sociétaires. Par suite, l'article 4 de la décision attaquée est entaché d'illégalité en tant qu'il soumet à autorisation préalable les décisions relatives aux dénominations sociale et commerciale de toute structure créée directement ou indirectement par les caisses ou les fédérations et en tant que la demande d'autorisation doit comporter la représentation graphique de la dénomination envisagée.

Sur le titre 2 relatif aux produits et services bancaires ou financiers :

8. Le titre 2 de la décision attaquée encadre, par son article 5, la mise sur le marché de nouveaux produits et services bancaires ou financiers par les caisses ou affiliés non-mutualistes, d'une part, en imposant que ces produits et services fassent référence à l'appartenance du distributeur au groupe Crédit mutuel, dans leur dénomination ou au moins leur documentation et, d'autre part, en prévoyant que les caisses ou affiliés non-mutualistes mettent en place des processus internes afin " d'apprécier correctement le respect des dispositions légales et réglementaires, ainsi que les risques notamment de crédit, financiers, opérationnels et réglementaires induits au niveau du groupe régional et au niveau du groupe Crédit mutuel ", ainsi que " l'impact potentiel de la distribution du produit ou service sur la réputation et l'image du groupe Crédit mutuel ", ce processus devant concerner tant les produits et services figurant sur une liste annexée à la décision que ceux qui, bien que n'y figurant pas, se réfèreront au " Crédit mutuel ". Il prévoit également que la CNCM exerce un contrôle de second niveau portant sur les processus internes ainsi suivis par ces affiliés ainsi que sur les conclusions auxquelles ils sont parvenus. L'article 6 prévoit qu'en cas de manquement constaté à ces obligations, le directeur général de la CNCM peut mettre en demeure l'affilié d'adapter le produit ou service afin de s'y conformer, ou lorsqu'une telle adaptation est impossible, interdire la commercialisation du produit ou service concerné. Dans ces deux derniers cas, l'affilié dispose d'un délai de quinze jours pour solliciter la convocation du conseil d'administration confédéral exceptionnel afin qu'il statue de nouveau sur sa demande.

9. En premier lieu, en vertu de l'article L. 511-55 du code monétaire et financier et de l'article 94 de l'arrêté du 3 novembre 2014 relatif au contrôle interne des entreprises du secteur de la banque, des services de paiement et des services d'investissement soumises au contrôle de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, les établissements de crédit mettent en place des procédures efficaces de détection, de gestion, de suivi et de déclaration des risques auxquels ils sont ou pourraient être exposés. Contrairement à ce qui est soutenu, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que la CNCM, en sa qualité d'organe central chargé, en vertu de l'article L. 511-31 du code monétaire et financier, de veiller à la cohésion du réseau et " à l'application des dispositions législatives et réglementaires propres à ces établissements et sociétés " en exerçant " un contrôle administratif, technique et financier sur leur organisation et leur gestion ", procède à un contrôle de second niveau portant tant sur les procédures mises en place par les affiliés pour détecter les risques associés aux produits ou services qu'ils envisagent de commercialiser, que sur les conclusions auxquelles ces affiliés sont parvenus, dès lors qu'un tel contrôle a pour finalité de garantir la stabilité financière du réseau Crédit mutuel et la protection des déposants et sociétaires. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'article 5 de la décision attaquée serait illégal en ce qu'il prévoit un contrôle de second niveau de la CNCM pour l'appréciation des risques.

10. En deuxième lieu, l'article 10 de l'arrêté du 3 novembre 2014 mentionné au point 9 prévoit, au titre des risques auxquels les établissements de crédit sont ou pourraient être exposés, le risque " d'atteinte à la réputation, qui naît du non-respect de dispositions propres aux activités bancaires et financières, qu'elles soient de nature législative ou réglementaire, nationales ou européennes directement applicables, ou qu'il s'agisse de normes professionnelles et déontologiques, ou d'instructions des dirigeants effectifs prises notamment en application des orientations de l'organe de surveillance ". En sa qualité d'organe central, la CNCM pouvait légalement, à l'article 5 de la décision attaquée qui doit être regardé comme ayant entendu écarter les risques d'atteinte à la seule réputation du groupe Crédit mutuel, imposer à ses affiliés d'apprécier, au titre des risques induits par la distribution d'un nouveau produit, l'impact potentiel de cette distribution sur la réputation du groupe Crédit mutuel, dès lors que le risque d'atteinte à la réputation s'apprécie non seulement au niveau de l'affilié mais également au niveau du groupe dont la surveillance prudentielle est assurée sur une base consolidée. Par suite, le moyen tiré de ce que l'article 5 de la décision attaquée serait entaché d'une erreur de droit en ce qu'il étendrait illégalement les obligations que la réglementation bancaire impose aux établissements de crédit en matière de contrôle interne aux risques tenant à l'atteinte à l'image du groupe Crédit mutuel ne peut qu'être écarté.

11. En troisième lieu, l'article 6 de la décision attaquée n'instaure pas, contrairement à ce qui est soutenu, un mécanisme de sanction mais vise à prévenir la commercialisation de produits ou services ne respectant les prescriptions de l'article 5. La requérante n'est ainsi pas fondée à soutenir que l'article 6 est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il prévoirait un dispositif sanctionnant des manquements dont la caractérisation serait illégale et des sanctions manifestement inadaptées aux manquements constatés.

Sur le titre 3 relatif à la création de filiales, aux prises de participation et au contrôle des opérations dites significatives :

12. Le titre 3 de la décision attaquée institue, en son article 8, un régime de contrôle ou d'autorisation préalable de la CNCM pour deux catégories d'opérations réalisées par les affiliés, d'une part, les opérations significatives en termes de risques pour les groupes régionaux soumises à l'autorisation des autorités de supervision, mentionnées à son article 7.1 et, d'autre part, la création de filiales et la prise de participation dans certaines sociétés commerciales, mentionnées à son article 7.2.

En ce qui concerne les articles 7.1 et 8 de la décision attaquée :

13. Les articles L. 511-2 et L 511-12-2 du code monétaire et financier prévoient que certaines opérations de prise de participation, d'acquisition ou d'établissement de succursales par des établissements de crédit doivent être autorisées par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, dans des conditions définies par le ministre chargé de l'économie. Selon les trois arrêtés du 4 août 2016 et l'arrêté du 4 décembre 2017 pris pour l'application de ces dispositions, lorsque l'établissement projetant l'opération est affilié à un organe central, la notification est effectuée par l'intermédiaire de ce dernier.

14. L'article 7.1 de la décision attaquée prévoit que les opérations mentionnées au point 13 sont soumises à autorisation préalable de la CNCM selon les modalités définies à son article 8. Cet article prévoit que le directeur général de la CNCM peut ne pas transmettre à l'autorité de supervision la demande d'autorisation d'une telle opération, après l'avoir évaluée au regard de critères définis à l'article 8.1 et qui portent notamment sur " la conformité de l'opération envisagée aux dispositions légales et réglementaires applicables aux activités bancaires et financières, d'une part, au Groupe Crédit Mutuel, d'autre part ; les impacts financier et prudentiel de l'opération ainsi que les risques qui seraient induits au niveau du groupe régional concerné et au niveau du Groupe Crédit Mutuel ; l'impact potentiel sur la réputation et l'image du Groupe Crédit Mutuel ; l'applicabilité de la réglementation sur les informations privilégiées ".

15. Les dispositions mentionnées au point 13 n'imposent pas à la CNCM de transmettre la demande d'autorisation de l'opération significative à l'autorité de supervision et ne lui interdisent pas d'exercer un contrôle préalable sur cette demande avant son éventuelle transmission. En tout état de cause, en sa qualité d'organe central chargé, en vertu de l'article L. 511-31 du code monétaire et financier, de veiller à la cohésion du réseau et de prendre toutes les mesures nécessaires, " notamment pour garantir la liquidité et la solvabilité de chacun de ces établissements et sociétés comme de l'ensemble du réseau ", la CNCM peut légalement procéder à un contrôle préalable des demandes d'autorisation des opérations mentionnées au point 13 aux fins de déterminer si les opérations envisagées ne sont pas de nature à compromettre la stabilité financière de l'établissement concerné et du groupe Crédit mutuel dont la surveillance prudentielle est exercée sur une base consolidée, ainsi que la protection des déposants et sociétaires.

En ce qui concerne l'article 7.2 de la décision attaquée :

16. L'article 7.2 de la décision attaquée prévoit que la procédure d'autorisation définie en son article 8 est également applicable " à la création de toute filiale et à la prise de participation dans une société commerciale, directement ou indirectement par un affilié de la Confédération, lorsque la filiale ou société cible exerce une activité sous la dénomination Crédit Mutuel (ou a vocation à adopter cette dénomination pour ses futures activités) ".

17. En sa qualité d'organe central chargé, en vertu de l'article L. 511-31 du code monétaire et financier, de veiller à la cohésion du réseau et de prendre toutes les mesures nécessaires, " notamment pour garantir la liquidité et la solvabilité de chacun de ces établissements et sociétés comme de l'ensemble du réseau ", la CNCM peut légalement soumettre à son autorisation préalable la création de toute filiale et la prise de participation dans une société commerciale, directement ou indirectement par un affilié, dès lors que ces opérations sont susceptibles d'avoir une incidence sur la stabilité financière de l'établissement concerné et du groupe Crédit mutuel, quand bien même elles ne sont pas soumises à l'autorisation préalable de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur de droit en soumettant les prises de participation des affiliés du réseau Crédit mutuel dans des sociétés commerciales, hors secteur financier, à un régime d'autorisation préalable, doit être écarté.

18. Il résulte de ce qui a été dit aux points 13 à 17 que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les articles 7.1, 7.2 et 8 de la décision attaquée sont entachés des illégalités alléguées.

Sur l'article 11 du titre 4 relatif aux dispositions communes et mesures transitoires :

19. Aux termes de l'article 11 de la décision attaquée : " Dans les 12 (douze) mois qui suivent l'entrée en vigueur de la présente décision, les caisses via leur caisse fédérale et les affiliés non-mutualistes transmettent à la Confédération la liste de l'ensemble des produits et services bancaires ou financiers qu'ils commercialisent (au sens de l'Annexe 1), accompagnée d'une note d'appréciation globale établie pour le groupe régional dans son ensemble./ Si cette liste révèle un produit ou service présentant un risque pour la cohésion du Groupe au regard des principes établis par la présente DCG, le Directeur général pourra alors solliciter, dans un délai de 3 (trois) mois, des informations complémentaires sur le produit ou service concerné, en particulier concernant les risques induits par le produit ou service au niveau du groupe régional concerné et au niveau du Groupe Crédit Mutuel, et, le cas échéant, demander ensuite la mise en conformité du produit ou service ".

20. La demande de mise en conformité prévue par l'article 11 de la décision attaquée citée au point précédent ne porte pas sur les produits et services déjà vendus aux sociétaires ou clients mais doit être entendue comme concernant uniquement la commercialisation à venir de ces produits et services. Ainsi le moyen tiré de ce que cet article remettrait en cause des situations juridiquement constituées en méconnaissance du principe de non-rétroactivité des actes administratifs, manque en fait.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est seulement fondée à demander l'annulation des articles 2 et 3 de la décision attaquée, de son article 4 en tant qu'il soumet à autorisation préalable les décisions relatives aux dénominations sociale et commerciale de toute structure créée directement ou indirectement par les caisses ou les fédérations et en tant que la demande d'autorisation doit comporter la représentation graphique de la dénomination envisagée, ainsi que de son article 10, indivisible des articles 2 et 3 en ce qu'il prévoit un délai de trois mois pour la mise en conformité des dénominations sociale et commerciale des affiliés.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Crédit mutuel Arkéa et la CNCM au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Sont annulés les articles 2, 3 et 10 de la décision de caractère général n° 1-2021 adoptée le 2 février 2021 par le conseil d'administration de la Confédération nationale du crédit mutuel ainsi que l'article 4 de cette décision en tant qu'il soumet à autorisation préalable les décisions relatives aux dénominations sociale et commerciale de toute structure créée directement ou indirectement par les caisses ou les fédérations et en tant que la demande d'autorisation doit comporter la représentation graphique de la dénomination envisagée.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Crédit mutuel Arkéa est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par la CNCM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Crédit mutuel Arkéa et à la Confédération nationale du crédit mutuel.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 décembre 2022 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Vincent Mazauric, conseillers d'Etat et M. Olivier Pau, auditeur-rapporteur.

Rendu le 27 janvier 2023.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Pau

La secrétaire :

Signé : Mme Fehmida Ghulam

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 451308
Date de la décision : 27/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jan. 2023, n° 451308
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Nissen
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:451308.20230127
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