Vu la procédure suivante :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier (CH) de Paray-le-Monial à lui verser la somme de 1 027 925 euros en réparation des préjudices subis à l'occasion de sa prise en charge par cet établissement. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Côte d'Or a présenté des conclusions tendant au remboursement de ses débours. Par un jugement avant dire droit n° 1503286 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier de Paray-le-Monial à verser à Mme B... une somme de 24 600 euros à titre de provision et à la CPAM de Côte d'Or une somme de 83 119,58 euros au titre de ses débours, et a ordonné une expertise. Par un jugement n° 1503286 du 7 février 2019, le tribunal administratif a condamné le CH de Paray-le-Monial à verser à Mme B... la somme de 193 450 euros, sous déduction de la provision de 24 600 euros déjà versée, ainsi qu'une rente annuelle, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Par un arrêt n° 19LY01350, 19LY01363 du 8 avril 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur les appels de Mme B... et de la CPAM de Côte d'Or et appel incident du CH de Paray-le-Monial, porté à 206 500,25 euros, sous déduction de la provision de 24 600 euros déjà versée, la somme que le centre hospitalier a été condamné à verser à Mme B..., modifié la méthode de calcul de la rente mise à la charge du centre hospitalier et rejeté le surplus des conclusions des requêtes d'appel et d'appel incident.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 juin et 8 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la CPAM de Côte d'Or demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il rejette son appel ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge du CH de Paray-le-Monial la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Joachim Bendavid, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or et à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du centre hospitalier de Paray-le-Monial.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B... a recherché la responsabilité du centre hospitalier de Paray-le-Monial au titre du retard de diagnostic et des conditions de prise en charge, par cet établissement, de l'encéphalopathie de Gayet Wernick dont elle a été victime. Elle a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier de Paray-le-Monial à lui verser la somme de 1 027 925 euros en réparation des préjudices subis tandis que la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Côte d'Or, appelée en la cause par le tribunal administratif, a présenté des conclusions tendant au remboursement de ses débours et demandé que ses droits relatifs aux dépenses futures soient " réservés ". Par un jugement avant dire droit du 7 novembre 2017, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier de Paray-le-Monial à verser à Mme B... une somme de 24 600 euros à titre de provision et à la CPAM de Côte d'Or une somme de 83 119,58 euros au titre des débours exposés, et a ordonné une expertise. Par un jugement du 7 février 2019, le tribunal administratif, réglant le litige au fond, a condamné le centre hospitalier à verser à Mme B... la somme de 193 450 euros, sous déduction de la provision déjà versée, ainsi qu'une rente annuelle, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. La CPAM de Côte d'Or demande l'annulation, en tant qu'il rejette son appel, de l'arrêt du 8 avril 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, sur son appel et celui de Mme B... et sur l'appel incident du centre hospitalier de Paray-le-Monial, porté à 206 500,25 euros, sous déduction de la provision déjà versée, la somme que le centre hospitalier a été condamné à verser à Mme B..., modifié la méthode de calcul de la rente mise à la charge du centre hospitalier et rejeté le surplus des conclusions des requêtes d'appel et d'appel incident.
2. Aux termes du huitième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, relatif au recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale contre le responsable d'un accident ayant entraîné un dommage corporel : " L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement (...) ". Il appartient au juge administratif d'assurer, en tout état de la procédure, le respect de ces dispositions. Ainsi, le tribunal administratif, saisi par la victime d'une demande tendant à la réparation du dommage corporel par l'auteur de l'accident doit appeler en cause la caisse à laquelle la victime est affiliée et la cour administrative d'appel, saisie dans le délai légal d'un appel de la victime, doit également appeler en cause cette même caisse, la méconnaissance de ces obligations entachant le jugement ou l'arrêt d'une irrégularité que le juge d'appel ou le juge de cassation doit, au besoin, relever d'office. Toutefois, lorsqu'un jugement ayant statué sur des conclusions indemnitaires de la victime fait l'objet d'un appel, la caisse ne peut régulièrement présenter devant le juge d'appel d'autres conclusions que celles de sa demande de première instance, en y ajoutant seulement, le cas échéant, celles tendant au remboursement des prestations servies à la victime postérieurement à l'intervention du jugement ou portant sur des prestations dont elle était dans l'impossibilité de justifier le montant avant cette date. Il n'en va différemment que si le tribunal a, à tort, omis de mettre la caisse en cause devant lui, auquel cas celle-ci peut obtenir, le cas échéant d'office, l'annulation du jugement en tant qu'il statue sur les préjudices au titre desquels elle a exposé des débours et présenter ainsi, pour la première fois devant le juge d'appel, des conclusions tendant au paiement de l'ensemble de ces sommes.
3. Il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel que si la CPAM de Côte d'Or, régulièrement mise en cause dans le litige par le tribunal administratif de Dijon, a, ainsi qu'il est dit au point 1, présenté, au cours de la procédure ayant abouti au jugement avant dire droit du 7 novembre 2017, des conclusions subrogatoires tendant au remboursement des prestations servies à Mme B... jusqu'au 10 octobre 2017, elle n'a présenté devant le tribunal administratif, postérieurement à l'intervention de ce jugement avant dire droit, aucune conclusion tendant au remboursement des prestations servies à l'intéressée à compter de cette date mais a seulement demandé que ses droits relatifs à ces dépenses futures soient " réservés ".
4. Par suite, en jugeant, après avoir estimé par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que la CPAM de Côte d'Or ne justifiait pas avoir été dans l'impossibilité d'indiquer le montant de ses débours au cours de l'instruction devant le tribunal administratif, que la caisse ne pouvait régulièrement présenter pour la première fois devant le juge d'appel des conclusions tendant au remboursement des frais exposés par elle entre le 10 octobre 2017 et le jugement du 7 février 2019 réglant le litige de première instance, et en écartant le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait omis de se prononcer sur les conclusions indemnitaires de la caisse, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit. En revanche, il résulte de ce qui est dit au point 2 que la caisse était recevable à présenter pour la première fois en appel des conclusions tendant au remboursement des prestations nouvelles servies à Mme B... postérieurement à l'intervention du jugement du tribunal administratif ou des dépenses futures qu'elle serait de façon certaine amenée à engager pour celle-ci. Par suite, l'arrêt attaqué est entaché d'erreur de droit en ce qu'il rejette comme irrecevable cette partie des conclusions d'appel de la CPAM de Côte d'Or.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de faire droit à la demande de substitution de motif présentée par le centre hospitalier de Paray-le-Monial, que la CPAM de Côte d'Or est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il statue sur le remboursement des frais exposés par elle à compter du 7 février 2019.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Paray-le-Monial la somme de 3 000 euros à verser à la CPAM de Côte d'Or au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la CPAM de Côte d'Or, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande, au même titre, le centre hospitalier de Paray-le-Monial.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 8 avril 2021 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la CPAM de Côte d'Or tendant au remboursement des frais exposés par elle pour Mme B... à compter du 7 février 2019.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : Le centre hospitalier de Paray-le-Monial versera à la CPAM de Côte d'Or la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or et au centre hospitalier de Paray-le-Monial.
Délibéré à l'issue de la séance du 11 janvier 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d'Etat ; M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et M. Joachim Bendavid, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 27 janvier 2023.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Joachim Bendavid
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras