Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 avril, 15 juillet et 28 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Les enfants d'abord demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-184 du 15 février 2022 relatif à l'instance départementale chargée de la prévention de l'évitement scolaire ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ;
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
- la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021, notamment son article 49 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre Vaiss, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de l'association Les enfants D'ABORD ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 131-5-2 du code de l'éducation, dans sa rédaction issue du 3° du I de l'article 49 de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République : " Une instance départementale chargée de la prévention de l'évitement scolaire associe les services de l'Etat compétents, les services municipaux concernés, le conseil départemental, l'organisme chargé du versement des prestations familiales et le ministère public. Elle assure notamment le suivi des élèves scolarisés à la suite de la mise en demeure mentionnée à l'article L. 131-10. Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret ".
2. Pour l'application de ces dispositions, l'article 1er du décret relatif à l'instance départementale chargée de la prévention de l'évitement scolaire insère au code de l'éducation un article D. 131-4-1, aux termes duquel : " L'instance départementale chargée de la prévention de l'évitement scolaire assure le suivi du respect de l'obligation d'instruction et des mises en demeure d'inscription dans un établissement d'enseignement public ou privé dans le cadre du contrôle de l'instruction dans la famille. / Elle favorise l'échange et le croisement d'informations entre les services municipaux, les services du conseil départemental, les organismes débiteurs de prestations familiales et la direction des services départementaux de l'éducation nationale afin de repérer les enfants soumis à l'obligation scolaire qui ne sont pas inscrits dans un établissement d'enseignement public ou privé et qui n'ont pas fait l'objet d'une autorisation d'instruction dans la famille. / Présidée par le préfet ou son représentant et par le directeur académique des services de l'éducation nationale ou son représentant, l'instance départementale chargée de la prévention de l'évitement scolaire comprend en outre : / 1° Le président du conseil départemental, ou son représentant ; / 2° Les maires des communes et les présidents des établissements publics de coopération intercommunale intéressés, ou leurs représentants ; / 3° Le directeur de la caisse d'allocations familiales et le directeur de la caisse de la mutualité sociale agricole, ou leurs représentants ; / 4° Le procureur de la République près le tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouve le conseil départemental. / L'un des présidents peut associer aux séances, en tant que de besoin, des représentants d'autres services de l'Etat. / L'instance départementale chargée de la prévention de l'évitement scolaire se réunit à l'initiative de l'un de ses présidents au moins deux fois par an ". L'association Les enfants d'abord demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret.
Sur la légalité externe :
3. Il ressort des pièces du dossier que le décret attaqué ne comporte pas de dispositions qui différeraient du texte sur lequel le Conseil supérieur de l'éducation s'est prononcé lors de sa séance du 20 janvier 2022. Par suite, le moyen tiré de ce que le Conseil supérieur de l'éducation s'est prononcé sur un projet de décret dont les dispositions diffèrent de celles du décret attaqué manque en fait.
Sur la légalité interne :
4. En premier lieu, en application de l'article L. 131-5-2 du code de l'éducation, cité au point 1, qui définit les différentes catégories de membres de l'instance départementale chargée de la prévention de l'évitement scolaire, l'article D. 131-4-1 du code de l'éducation, introduit par le décret attaqué, prévoit que cette instance, présidée par le préfet ou son représentant et par le directeur académique des services de l'éducation nationale ou son représentant, comprend en outre quatre membres, en l'espèce, le président du conseil départemental, ou son représentant, les maires des communes et les présidents des établissements publics de coopération intercommunale intéressés, ou leurs représentants, le directeur de la caisse d'allocations familiales et le directeur de la caisse de la mutualité sociale agricole, ou leurs représentants, et le procureur de la République près le tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouve le conseil départemental. Dès lors que l'article L. 131-5-2 du code de l'éducation a limitativement défini les catégories de membres représentés au sein de cette instance, au nombre desquelles ne figurent pas les représentants d'associations d'instruction en famille ou des parents d'élèves, la requérante ne peut utilement soutenir que le décret attaqué, faute de prévoir que de tels représentants y siègent, méconnaît l'intérêt supérieur de l'enfant et la " liberté de l'instruction ".
5. En second lieu, les dispositions prévues à l'article D. 131-4-1 créé par l'article 1er du décret attaqué, citées au point 2, ont notamment pour objet de préciser ses missions. Si cette instance a pour objet de favoriser l'échange et le croisement d'informations entre les services municipaux, les services du conseil départemental, les organismes débiteurs de prestations familiales et les services de l'Etat, afin de repérer les enfants soumis à l'obligation scolaire qui ne sont pas inscrits dans un établissement d'enseignement public ou privé et qui n'ont pas fait l'objet d'une autorisation d'instruction dans la famille, les dispositions attaquées n'ont pour objet ni de créer de traitement de données à caractère personnel, ni de modifier les conditions d'utilisation de traitements existants. Dès lors, l'association requérante ne peut utilement soutenir que, pour ce motif, le décret attaqué méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le règlement du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et la loi du 6 janvier 1978 à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, que l'association Les enfants d'abord n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 15 février 2022 attaqué, de sorte que sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le requête de l'association Les enfants d'abord est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Les enfants d'abord, à la Première ministre et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.