Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 2 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'avis du 17 décembre 2021 par lequel la commission d'avancement du Conseil supérieur de la magistrature a déclaré irrecevable sa candidature à un recrutement direct dans le corps judiciaire en qualité d'auditeur de justice ;
2°) d'enjoindre à la commission d'avancement de procéder à un nouvel examen de sa candidature.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 72-355 du 4 mai 1972 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. D'une part, aux termes de l'article 18-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Peuvent être nommées directement auditeurs de justice les personnes que quatre années d'activité dans les domaines juridique, économique ou des sciences humaines et sociales qualifient pour l'exercice des fonctions judiciaires : / 1° Si elles sont titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à quatre années d'études après le baccalauréat dans un domaine juridique ou justifiant d'une qualification reconnue au moins équivalente dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; (...) / Le nombre des auditeurs nommés au titre du présent article ne peut dépasser le tiers du nombre des places offertes aux concours prévus à l'article 17 pour le recrutement des auditeurs de justice de la promotion à laquelle ils seront intégrés. / Les candidats visés au présent article sont nommés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, sur avis conforme de la commission prévue à l'article 34 ". D'autre part, aux termes de l'article 18-2 de cette ordonnance : " Un décret en Conseil d'Etat fixe les limites d'âge inférieure ou supérieure des candidats visés à l'article 18-1 ". Le premier alinéa de l'article 33 du décret du 4 mai 1972 relatif à l'Ecole nationale de la magistrature précise que les candidats mentionnés à l'article 18-1 doivent, pour être admis, être âgés " de quarante ans au plus au 1er janvier de l'année en cours ". Aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article 34 de ce décret : " Les dispositions législatives et réglementaires dérogeant aux limites d'âge fixées pour l'accès, par voie de concours, aux emplois publics sont applicables aux limites d'âge supérieures susvisées (...) ". Enfin, aux termes de l'article 27 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " I.- Aucun candidat ne peut être écarté, en raison de son handicap, d'un concours ou d'un emploi de la fonction publique, sauf si son handicap a été déclaré incompatible avec la fonction postulée à la suite de l'examen médical destiné à évaluer son aptitude à l'exercice de sa fonction (...) / Les limites d'âge supérieures fixées pour l'accès aux grades et emplois publics régis par les dispositions du présent chapitre ne sont pas opposables aux personnes mentionnées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 5212-13 du code du travail ".
2. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., adjointe administrative de 2ème classe ayant exercé successivement, entre 2009 et 2016, au conseil général du Val de Marne, à la cour administrative d'appel de Paris et à la Cour des comptes, a présenté sa candidature pour une nomination directe en qualité d'auditeur de justice sur le fondement de l'article 18-1 de l'ordonnance cité au point 1. Par un avis du 17 décembre 2021, la commission d'avancement prévue à l'article 34 de cette ordonnance, compétente pour se prononcer par avis conforme sur les nominations au titre de l'article 18-1, a déclaré la candidature de Mme A... irrecevable, au motif qu'elle ne remplissait pas les conditions de diplôme prévues à cet article, ni les conditions d'âge résultant de l'article 33 du décret du 4 mai 1972 précité.
3. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article 18-1 précitées que le législateur organique a entendu investir la commission d'avancement d'un large pouvoir dans l'appréciation de l'aptitude des candidats à exercer les fonctions de magistrat. En estimant que ni l'autorisation de passage en seconde année de DEUG de droit, délivrée à la candidate en juillet 1999 à l'issue d'une première année, ni le diplôme universitaire de technologie en spécialité techniques de commercialisation' qu'elle a obtenu en 2004 ne permettaient de justifier l'accomplissement d'une formation d'une durée au moins égale à quatre années d'études après le baccalauréat dans un domaine juridique, la commission d'avancement n'a pas entaché son avis d'une erreur manifeste d'appréciation. Si la requérante se prévalait en outre d'une inscription au master 2 de droit des contentieux publics de l'université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines pour l'année universitaire 2017/2018, elle produisait une attestation ne comportant aucune référence nominative et déclarait au demeurant ne pas avoir pu suivre cet enseignement jusqu'à son terme. Par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que la commission aurait entaché son avis d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant que la candidate ne remplissait pas les conditions de diplôme posées à l'article 18-1 précité doit être écarté.
4. En second lieu, il résulte des dispositions de l'article 33 du décret du 4 mai 1972 précité que la candidature d'une personne qui a atteint son 40ème anniversaire avant le 1er janvier de l'année d'examen de son dossier de candidature par la commission d'avancement n'est pas recevable. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est née le 31 décembre 1980 et avait donc dépassé son 40ème anniversaire au 1er janvier 2021. Si cette limite d'âge s'applique sous réserve des dispositions législatives et réglementaires relatives au recul ou à l'inopposabilité de celle-ci, et si la requérante se prévaut, dans sa requête, de sa qualité de bénéficiaire de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés attestée par la Maison départementale des personnes handicapées du Val de Marne, il appartient au candidat de solliciter expressément le bénéfice du recul ou de l'inopposabilité de la limite d'âge et d'en justifier, comme cela est indiqué expressément dans le dossier d'information relatif à la nomination directe en qualité d'auditeur de justice. Or il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... ait sollicité le bénéfice de l'inopposabilité de la limite d'âge, ni joint à son dossier de candidature de pièce de nature à établir qu'elle serait en situation de handicap. Par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait les dispositions sur les conditions d'âge applicables doit être écarté.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent, par suite, qu'être également rejetées.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré à l'issue de la séance du 20 avril 2023 où siégeaient : M. Cyril Roger-Lacan, assesseur, présidant ; Mme Suzanne von Coester, conseillère d'Etat et Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 24 mai 2023.
Le président :
Signé : M. Cyril Roger-Lacan
La rapporteure :
Signé : Mme Nathalie Destais
La secrétaire :
Signé : Mme Laïla Kouas