Vu la procédure suivante :
M. C... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 8 janvier 2021 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile.
Par une décision n° 21009795 du 9 novembre 2021, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 12 mai, 12 août et 13 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) réglant l'affaire au fond, de lui reconnaitre la qualité de réfugié ou à défaut lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire ;
3°) de mettre à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides la somme de 3 000 euros à verser à son avocat, la SCP Zribi et Tixier, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 8 janvier 2021, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté la demande d'asile présentée par M. A..., de nationalité ivoirienne. Ce dernier se pourvoit en cassation contre la décision du 9 novembre 2021 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. Aux termes du 2° du A de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951, doit être considérée comme réfugiée toute personne qui " craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ". Toutefois, la section F de l'article 1er de cette convention stipule que " les dispositions de cette convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser : a) qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes ; b) qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil avant d'y être admises comme réfugiées ; c) qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies ". Aux termes de l'article L. 711-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " Le statut de réfugié n'est pas accordé à une personne qui relève de l'une des clauses d'exclusion prévues aux sections D, E ou F de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 [...] / La même section F s'applique également aux personnes qui sont les instigatrices ou les complices des crimes ou des agissements mentionnés à ladite section ou qui y sont personnellement impliquées ".
3. Il ressort des énonciations de la décision attaquée que pour juger qu'il existait des raisons sérieuses de penser que M. A... avait pris part à titre personnel à des crimes de guerre commis en 2011 lors des affrontements ayant eu lieu à la suite des élections présidentielles en Côte d'Ivoire, la cour s'est bornée à relever, d'une part, l'existence de tels crimes et, d'autre part, le fait que l'intéressé, lieutenant de police, exerçait alors des fonctions de commandement au sein du groupement de sécurité du président de la République et assurait la sécurité de la résidence présidentielle, sous l'autorité du colonel major B..., regardé comme responsable de violations des droits de l'homme lors de ces évènements. En ne précisant pas en quoi le requérant avait pris part à titre personnel à des crimes de guerre, la cour a insuffisamment motivé sa décision.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi, M. A... est fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Zribi et Texier, avocat de M. A..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la Cour nationale du droit d'asile du 9 novembre 2021 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile.
Article 3 : L'Office français de protection des réfugiés et apatrides versera à la SCP Zribi et Texier, avocat de M. A..., la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à l'indemnité due au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C... A....
Copie en sera adressée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
Délibéré à l'issue de la séance du 8 juin 2023 où siégeaient : Mme Nathalie Escaut, conseillère d'Etat, présidant ; M. Alexandre Lallet, conseiller d'Etat et Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
Rendu le 26 juin 2023.
La présidente :
Signé : Mme Nathalie Escaut
La rapporteure :
Signé : Mme Myriam Benlolo Carabot
La secrétaire :
Signé : Mme Sylvie Leporcq