Vu la procédure suivante :
La Société de Développement du Pacifique Sud (SDPS) a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge, en droits et majorations, des rappels de taxe provinciale sur les nuitées des établissements hôteliers mis à sa charge au titre de l'année 2015 et de l'amende prévue au II de l'article Lp. 1084-6 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie qui lui a été infligée au titre des exercices 2015 à 2017, ainsi que le remboursement des sommes engagées pour l'obtention d'une garantie bancaire à l'appui du sursis du paiement. Par un jugement n°2000129 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 21PA02961 du 13 avril 2022, la cour administrative d'appel de Paris a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société SDPS, déchargé la société SDPS de l'amende lui ayant été infligée au titre de l'année 2015, ramené à 2 % le taux de l'amende lui ayant été infligée au titre de l'année 2016, déchargé la société de l'amende lui ayant été infligée au titre de l'année 2016 à concurrence de la réduction prononcée, réformé le jugement en ce qu'il était contraire à cet arrêt et rejeté le surplus de la requête.
1° Sous le n°465099, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 juin et 19 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 2 à 5 de l'arrêt attaqué ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la Société de Développement du Pacifique Sud ;
3°) de mettre à la charge de la Société de Développement du Pacifique Sud la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n°465771, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire enregistrés les 13 juillet et 13 octobre 2022 et le 14 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société SDPS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt attaqué ;
2°) de mettre à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire distinct et un nouveau mémoire, présentés en application de l'article R. 771-16 du code de justice administrative, enregistrés les 13 juillet 2022 et 14 juin 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société SDPS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt attaqué en tant qu'il a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du II de l'article Lp. 1084-6 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie ;
2°) de transmettre cette question au Conseil constitutionnel.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 ;
- le code des impôts de Nouvelle-Calédonie ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Alexandra Bratos, auditrice,
- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, avocat du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la Société de développement du Pacifique Sud ;
Considérant ce qui suit :
1. Les pourvois du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et de la Société de développement du Pacifique sud (SDPS) sont dirigés contre le même arrêt. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la Société de développement du Pacifique sud (SDPS) a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des rappels de taxe provinciale sur les nuitées des établissements hôteliers au titre de l'année 2015, assortis des intérêts de retard et de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue à l'article 1054 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, ainsi qu'à une amende pour absence de dépôt des déclarations nominatives des honoraires au titre des exercices 2015 à 2017, fondée sur les dispositions du II de l'article Lp. 1084-6 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, entrées en vigueur le 1er janvier 2016. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 avril 2022 en tant que la cour administrative d'appel de Paris, statuant sur appel de la société SDPS, l'a déchargée de l'amende due au titre de l'exercice 2015 et a ramené son taux à 2 % des sommes éludées au titre de l'exercice 2016, déchargeant la société requérante à concurrence de la réduction ainsi prononcée. La société SDPS se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative au II de l'article Lp. 1084-6 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie qu'elle a soulevée devant la cour administrative d'appel de Paris, rejeté ses conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe provinciale sur les nuitées des établissements hôteliers au titre de l'année 2015 assortis des intérêts de retard et de la majoration de 40 % et celles tendant à la décharge de l'amende prononcée en application du II de l'article Lp. 1084-6 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie.
Sur les conclusions des pourvois dirigées contre l'arrêt attaqué en tant qu'il a statué sur l'application de l'amende prévue au II de l'article Lp. 1084-6 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie :
3. Aux termes de l'article 153 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie : " I. - Toute personne physique ou morale versant des traitements, émoluments, salaires ou rétributions imposables est tenue de remettre aux services fiscaux, avant le 30 avril de chaque année, une déclaration présentée sur un imprimé établi par l'administration. (...) / III. - Les personnes physiques ou morales qui, à l'occasion de l'exercice de leur activité, versent à des tiers des commissions, courtages, ristournes commerciales ou autres, vacations, honoraires occasionnels ou non, gratifications et autres rémunérations, doivent déclarer ces sommes dans les conditions prévues au I, lorsqu'elles dépassent 10 000 F par an pour un même bénéficiaire. / Ces sommes sont rassemblées, au nom du bénéficiaire, d'après la nature d'activité au titre de laquelle ce dernier les a perçues ". Aux termes du II de l'article 156 du même code, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2015 : " II. Les personnes physiques ou morales qui n'ont pas déclaré les sommes visées à l'article 153 perdent le droit de les porter dans leurs frais professionnels pour l'établissement de leurs propres impositions. / Toutefois, cette sanction n'est pas applicable en cas de première infraction lorsque les intéressés ont réparé leur omission, soit spontanément, soit à la première demande de l'administration des impôts avant la fin de l'année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite. / L'application de cette sanction ne fait pas obstacle à celle des amendes prévues aux articles 1050 et 1051 ". Aux termes des dispositions des II à IV de l'article Lp. 1084-6 du même code, dans sa version résultant de la loi de pays n° 2015-9 du 31 décembre 2015, entrées en vigueur le 1er janvier 2016 et remplaçant les dispositions de l'article 156 : " II. - Entraîne l'application d'une amende égale à 10% des sommes non déclarées le non-respect des obligations prévues au III de l'article 153. Toutefois, en cas de première infraction, le taux de l'amende est ramené de 10% à 2% ; / III. - Pour l'application des dispositions énoncées aux I et II, la première infraction s'entend de l'infraction se rattachant à la première année ou au premier exercice au titre de laquelle ou duquel elle est constatée. / IV. - L'application des sanctions mentionnées aux I et II ne fait pas obstacle à celle des amendes prévues aux articles 1050 et 1051 ".
En ce qui concerne la contestation, par la société SDPS, du refus de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative au II de l'article Lp. 1084-6 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie soulevée en appel :
4. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 107 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : " Les dispositions d'une loi du pays peuvent faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité, qui obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-12 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. "
5. Les dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance portant loi organique du 7 novembre 1958 prévoient que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution, elle transmet au Conseil d'Etat la question de constitutionnalité ainsi posée à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. La société SDPS conteste le refus de transmission qui lui a été opposé par la cour administrative d'appel de Paris de la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du II de l'article Lp. 1084-6 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie citées au point 3.
6. La société SDPS soutient que ces dispositions méconnaissent les principes de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
7. En premier lieu, en réprimant le manquement aux obligations déclaratives prévues au III de l'article 153 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, les dispositions en cause sanctionnent le non-respect d'obligations déclaratives permettant à l'administration fiscale de procéder aux recoupements entre les déclarations souscrites par les personnes physiques et morales effectuant le versement des honoraires, d'une part, et les déclarations de revenus ou de résultats des bénéficiaires de ces sommes, aux fins de contrôle du respect de leurs obligations fiscales, d'autre part. Ce faisant, le législateur de pays a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale.
8. En deuxième lieu, en fixant l'amende encourue par l'auteur des versements en proportion des sommes versées, il a instauré une sanction dont l'assiette est en lien avec la nature de l'infraction. Il a proportionné la sanction en fonction de la gravité des manquements réprimés, appréciée à raison de l'importance des sommes non déclarées. Il ressort, en outre, des dispositions contestées que les taux retenus, fixés à 2 % en cas de première infraction et à 10 % les années suivantes, ne sont pas manifestement disproportionnés.
9. En troisième et dernier lieu, les dispositions contestées ne font pas obstacle à ce que le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir l'amende infligée par l'administration, soit d'en prononcer la décharge ou d'en réduire le quantum. En outre, l'existence de taux différenciés de 2 % et 10 % permet de tenir compte de la réitération des manquements sanctionnés.
10. Il résulte de ce qui précède que la question de la conformité des dispositions contestées aux droits et libertés garantis par la Constitution, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Par suite, la société SPDS n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il confirme le refus de transmission opposé par le tribunal administratif à la question prioritaire de constitutionnalité qu'elle avait soulevée.
En ce qui concerne les conclusions des deux pourvois dirigées contre l'arrêt attaqué en tant qu'il a prononcé une décharge totale pour l'année 2015 et partielle pour l'année 2016 de l'amende prévue au II de l'article Lp. 1084-6 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie et rejeté le surplus des conclusions de la société SPDS :
11. Ainsi qu'il a été dit au point 2, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie demande l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il prononce une décharge totale de l'amende infligée à la société SPDS pour l'année 2015 et une décharge partielle pour l'année 2016. La société SPDS demande l'annulation du même arrêt en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions tendant à la décharge totale de l'amende pour les années 2016 et 2017.
S'agissant des conclusions de la société SDPS :
12. Il ressort de ce qui a été dit aux points 7 à 9 que la société SDPS n'est pas fondée à soutenir que la cour aurait inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant que l'amende qui lui été infligée en application des dispositions du II de l'article Lp. 1084-6 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie n'était pas disproportionnée. Ses conclusions doivent, par suite, être rejetées.
S'agissant des conclusions du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie :
13. En vertu de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ". Découle de ce principe la règle selon laquelle la loi répressive nouvelle doit, lorsqu'elle abroge une incrimination ou prévoit des peines moins sévères que la loi ancienne, s'appliquer aux auteurs d'infractions commises avant son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à des décisions devenues irrévocables. Il appartient au juge du fond, saisi d'une contestation portant sur une sanction, de faire application, même d'office, d'une loi répressive nouvelle plus douce entrée en vigueur entre la date à laquelle l'infraction a été commise et celle à laquelle il statue. Il en va de même pour le juge de cassation si la loi nouvelle est entrée en vigueur postérieurement à la décision frappée de pourvoi.
14. En premier lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que l'administration fiscale ne pouvait se prévaloir du principe de rétroactivité " in mitius " pour appliquer, au titre de l'exercice clos en 2015, les dispositions du II de l'article Lp. 1084-6 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie sanctionnant les manquements à l'obligation déclarative prévue à l'article 153 du même code, la cour administrative d'appel de Paris s'est fondée sur ce que ces dispositions n'étaient entrées en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2016 et que l'administration fiscale n'avait pas préalablement mis en œuvre les dispositions de l'article 156 du même code sanctionnant jusqu'à cette date les mêmes manquements. Toutefois, dès lors que les manquements en cause étaient sanctionnés tant par l'article 156 précité avant le 1er janvier 2016 que par l'article Lp. 1084-6 précité à compter de cette date, il incombait seulement à la cour de rechercher si la règle d'application immédiate de la loi répressive nouvelle plus douce rendait applicable le II de l'article Lp. 1084-6 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, en appréciant la sévérité de cette sanction, pour l'exercice en cause, au regard de celle prévue par l'article 156. Par suite, en statuant comme elle l'a fait et en prononçant la décharge totale de l'amende due au titre de l'exercice clos en 2015, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit.
15. En second lieu, dès lors qu'est en cause la même obligation déclarative instituée par l'article 153 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, pour l'application, au titre de l'exercice clos en 2016, des dispositions du II de l'article Lp. 1084-6 du même code, qui prévoient que le taux de l'amende est ramené de 10 % à 2 % en cas de première infraction, il convient de prendre en compte les manquements à l'obligation déclarative constatés au titre des exercices antérieurs et sanctionnés sur le fondement de l'article 156 du même code. Par suite, en jugeant que le taux de l'amende dont était redevable la société SDPS devait être fixé à 2 % et non à 10 % pour l'exercice clos en 2016 et en accordant la décharge partielle à ce titre alors qu'elle avait relevé que la société avait déjà commis le même manquement en 2015, la cour administrative d'appel de Paris a également commis une erreur de droit.
Sur les conclusions du pourvoi de la société SDPS dirigées contre l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe provinciale sur les nuitées des établissements hôteliers au titre de l'année 2015 :
16. En premier lieu, aux termes de l'article Lp. 899 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie alors applicable : " Il est institué une taxe provinciale sur les nuitées vendues, due par tous les établissements hôteliers. L'établissement hôtelier s'entend d'un établissement commercial fournissant des prestations d'hébergement à caractère hôtelier ou touristique et ayant fait l'objet en tant que tel, d'une inscription au registre du commerce et des sociétés. Les montants de la taxe sont fixés par délibération de l'assemblée de province concernée dans la limite des minima et des maxima prévus par l'article R. 900 ". En vertu des dispositions des articles Lp. 901 et R. 900 du même code, la taxe était calculée par nuitée d'unité d'hébergement vendue selon les tarifs minima et maxima qui différaient selon le nombre d'étoiles attribué à l'établissement par un arrêté de classement de la province Sud. Les normes de classement des établissements hôteliers avaient été fixées par une délibération de l'assemblée de la province Sud n° 68-91/APS du 10 octobre 1991, abrogée par une délibération n° 41-2013/APS du 5 décembre 2013 qui prévoyait que les classements obtenus au titre de la délibération précédente cessaient de produire leurs effets dans un délai de deux ans à compter de sa propre date d'entrée en vigueur.
17. Pour rejeter la demande de la société SDPS tendant à la décharge des rappels de taxe provinciale sur les nuitées des établissements hôteliers mis à sa charge au titre de l'année 2015, la cour administrative d'appel de Paris a relevé, d'une part, que cette société n'avait pas formé de recours en excès de pouvoir à l'encontre des refus réitérés opposés par la province Sud à ses demandes de déclassement y compris celle fondée sur la délibération du 5 décembre 2013, et d'autre part, que l'hôtel qu'elle exploitait continuait à relever de l'arrêté de classement du 30 juillet 2012 le classant en tant qu'hôtel de tourisme de catégorie trois étoiles, cet arrêté n'ayant pas été modifié dans les conditions prévues par la délibération du 10 octobre 1991 et la société n'ayant fait l'objet d'aucune décision implicite de déclassement.
18. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si la société SDPS a procédé au déclassement de fait de l'hôtel qu'elle exploitait, celui-ci continuait à faire l'objet, au cours de l'année 2015, d'un classement en tant qu'hôtel de tourisme de catégorie trois étoiles en application de l'arrêté du président de la province Sud du 30 juillet 2012, qui n'avait été ni modifié par son auteur, ni annulé par une décision juridictionnelle. Dès lors, la société SDPS n'est pas fondée à soutenir que la cour, qui n'était saisie d'aucune exception d'illégalité de cet arrêté, ni d'aucune contestation des refus de modification du classement de l'hôtel, aurait commis une erreur de droit en s'abstenant de rechercher si le classement contesté n'était pas erroné. La société SDPS n'est pas davantage fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué au motif qu'il relève qu'elle n'a pas contesté les décisions de refus réitérés opposées par la province Sud, en particulier celle du 1er septembre 2014 opposée à sa demande formée sur le fondement de la délibération du 5 décembre 2013, dès lors que le motif tiré du maintien du classement fixé par l'arrêté du 30 juillet 2012 suffisait à justifier le rejet des conclusions à fins de décharge. Il en résulte que la société SDPS, qui ne peut utilement invoquer en cassation le moyen nouveau tiré de ce que la décision de refus du 29 décembre 2014 serait une décision d'attente, n'est pas fondée à soutenir que la cour aurait refusé à tort de prononcer la décharge des rappels de taxe provinciale sur les nuitées des établissements hôteliers mis à sa charge au titre de l'année 2015.
19. En second lieu, il n'est pas contestable que les décisions du 1er septembre et du 29 décembre 2014 opposaient des refus aux demandes de déclassement formées par la société SDPS et précisaient que le classement en vigueur serait maintenu jusqu'à la fin de l'année 2015. De plus, il est constant que la société a procédé à un déclassement de fait postérieurement aux refus réitérés opposés par l'administration. Dès lors, la cour, dont l'appréciation souveraine des pièces du dossier n'est pas entachée de dénaturation, n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce en considérant établi, pour l'application de la majoration de 40 % prévue au 2° de l'article 1054 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, le caractère intentionnel du manquement de la société SDPS.
20. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la société SPDS tendant à l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il rejette sa demande de décharge des rappels de taxe provinciale sur les nuitées des établissements hôteliers au titre de l'année 2015 doivent être rejetées.
21. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société SDPS une somme de 3 000 euros à verser au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 2 à 5 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 13 avril 2022 sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : Le pourvoi de la Société de développement du Pacifique sud est rejeté.
Article 4 : La Société de développement du Pacifique sud versera au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et à la Société de développement du Pacifique sud.
Délibéré à l'issue de la séance du 5 juillet 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et Mme Alexandra Bratos, auditrice-rapporteure.
Rendu le 24 juillet 2023.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
La rapporteure :
Signé : Mme Alexandra Bratos
La secrétaire :
Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana