Vu les procédures suivantes :
I. Sous le n° 488077, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 et 25 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national des professions du chien et du chat demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision de la Société centrale canine, publiée sur son site internet le 14 septembre 2022, conditionnant l'inscription des portées de chiots au Livre des origines françaises à l'identification génétique des reproducteurs ;
2°) d'ordonner à la Société centrale canine de retirer toute information liée à cette obligation de son site internet et de publier cette décision dans sa revue dans l'attente de la décision du jugement sur le fond ;
3°) de mettre à la charge de la Société centrale canine la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, en premier lieu, la décision contestée porte une atteinte grave et immédiate aux intérêts des éleveurs de chiens de race en faisant obstacle à l'exercice de leur activité dans le cadre légal et en les exposant à des poursuites pénales, en deuxième lieu, son application est de nature à entraîner, pour les éleveurs, une charge financière supplémentaire importante à raison des coûts liés à l'analyse génétique des reproducteurs et, en dernier lieu, le caractère tardif de sa demande de suspension ne lui est pas imputable et aucun manque de diligence ne peut lui être reproché ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- elle est entachée d'incompétence dès lors que le communiqué publié sur le site internet de la Société centrale canine le 14 septembre 2022 et l'absence de réponse à sa demande de communication ne permettent pas d'identifier l'auteur de cette décision ;
- la procédure d'adoption de la décision contestée est entachée d'irrégularité dès lors qu'elle n'a pas été soumise à l'approbation préalable de la commission du Livre des origines françaises, contrairement à ce que prévoient les articles D. 214-11, D. 214-15 du code rural et de la pêche maritime et 38 du règlement intérieur de la Société centrale canine ;
- la décision contestée méconnaît le champ d'application de l'article D. 214-11 du code rural et de la pêche maritime dès lors qu'elle intervient dans le champ réservé au pouvoir règlementaire et que la Société centrale canine ne pouvait pas fixer elle-même une règle sans avoir été sollicitée par les associations qui la composent.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2023, la Société centrale canine conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge du Syndicat national des professions du chien et du chat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la requête du Syndicat national des professions du chien et du chat est irrecevable, que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
II. Sous le n° 488078, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 et 25 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision de la Société centrale canine, publiée sur son site internet le 14 septembre 2022, conditionnant l'inscription des portées de chiots au Livre des origines françaises à l'identification génétique des reproducteurs ;
2°) d'ordonner à la Société centrale canine de retirer toute information liée à cette obligation de son site internet et de publier cette décision dans sa revue dans l'attente de la décision du jugement sur le fond ;
3°) de mettre à la charge de la Société centrale canine la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que les effets de la décision contestée portent une atteinte grave et immédiate à ses intérêts commerciaux en faisant obstacle à l'exercice de son activité dans le cadre légal, en l'exposant à des poursuites pénales, et en générant une charge financière importante à raison des coûts liés à l'analyse génétique ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- elle est entachée d'incompétence dès lors que le communiqué publié sur le site internet de la Société centrale canine le 14 septembre 2022 et l'absence de réponse à sa demande de communication ne permettent pas d'identifier l'auteur de cette décision ;
- la procédure d'adoption de la décision contestée est entachée d'irrégularité dès lors qu'elle n'a pas été soumise à l'approbation préalable de la commission du Livre des origines françaises, contrairement à ce que prévoient les articles D. 214-11, D. 214-15 du code rural et de la pêche maritime et 38 du règlement intérieur de la Société centrale canine ;
- la décision contestée méconnaît le champ d'application de l'article D. 214-11 du code rural et de la pêche maritime dès lors qu'elle intervient dans le champ réservé au pouvoir règlementaire et que la Société centrale canine ne pouvait pas fixer elle-même une règle sans avoir été sollicitée par les associations qui la composent.
Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés les 19 et 25 septembre 2023, la Société centrale canine conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la requête est irrecevable, que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le Syndicat national des professions du chien et du chat et Mme B... et, d'autre part, la Société centrale canine ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 26 septembre 2023, à 10h30 :
- Me Boucard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du Syndicat national des professions du chien et du chat et de Mme B... ;
- Me Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Société centrale canine ;
- les représentants de la Société centrale canine ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes présentées, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, par le Syndicat national des professions du chien et du chat et par Mme B... ont le même objet. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance.
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
4. Le Syndicat national des professions du chien et du chat et Mme B..., qui exerce, à titre individuel, une activité d'éleveuse de chiens, demandent, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision de la Société centrale canine, publiée le 14 septembre 2022 sur son site Internet, subordonnant l'inscription des chiens au Livre des origines françaises à l'identification génétique de leurs reproducteurs.
5. Pour justifier de la condition d'urgence, alors que l'obligation de fournir un test génétique pour faire inscrire un chien au Livre des origines françaises est applicable depuis le 4 septembre 2023, le Syndicat national des professions du chien et du chat et Mme B... font valoir que cette mesure porte une atteinte grave et immédiate tant aux intérêts défendus par le syndicat qu'aux intérêts des éleveurs à raison de la charge financière supplémentaire résultant du coût des tests. Toutefois, d'une part, il ressort des explications fournies à l'audience que le test génétique que la décision contestée impose aux éleveurs de fournir pour pouvoir faire inscrire un chien au Livre des origines françaises, qui garantit la filiation des chiens de race, concerne non pas chaque chiot à sa naissance mais uniquement leurs reproducteurs et ne doit être effectué qu'une fois au cours de la vie de ces derniers. Par ailleurs, son coût a été réduit et s'élève aujourd'hui à 30 euros hors taxe. D'autre part, le principe de cette obligation ayant été adopté par la Société centrale canine dès son assemblée générale de l'année 2019, aujourd'hui ce test est largement répandu puisque, selon la Société centrale canine, 60 % des reproducteurs en ont déjà fait l'objet. Enfin la Société centrale canine justifie de l'intérêt public à assurer la fiabilité de l'identification des chiens de race français pour la protection tant des consommateurs que des éleveurs eux-mêmes. Dans ces conditions, les éléments invoqués sur les conséquences économiques de l'obligation de fournir un test génétique des reproducteurs pour pouvoir inscrire un chien au Livre des origines françaises, alors au demeurant qu'aucune pièce justificative sur la situation financière des éleveurs n'a été fournie, ne permettent pas de caractériser une atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts que défend le syndicat requérant ainsi qu'aux intérêts des éleveurs de chiens et à ceux de Mme B....
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir soulevées par la Société centrale canine et sans examiner l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée, que la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie. Il y a lieu, par suite, de rejeter les requêtes du Syndicat national des professions du chien et du chat et de Mme B..., y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la Société centrale canine.
O R D O N N E :
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Article 1er : Les requêtes du Syndicat national des professions du chien et du chat et de Mme B... sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions présentées par la Société centrale canine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au Syndicat national des professions du chien et du chat, à Mme A... B... et à la Société centrale canine.
Fait à Paris, le 29 septembre 2023
Signé : Nathalie Escaut