Vu les procédures suivantes :
1° Sous le numéro 462589, par une ordonnance nos 2103067, 2103605 du 23 mars 2022, enregistrée le 23 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président par intérim du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 341-2 du code de justice administrative, la requête et le nouveau mémoire, enregistrés les 12 mars et 11 août 2021 sous le n° 2103605 au greffe de ce tribunal, présentés par la société par actions simplifiée EG Labo Laboratoires Eurogenerics.
Par cette requête et ce mémoire et par un mémoire en réplique, enregistré le 1er septembre 2022, la société EG Labo Laboratoires Eurogenerics demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) opposée à son recours gracieux dirigé contre la décision du 10 novembre 2020 par laquelle ce dernier a créé un groupe générique de la spécialité Forstéo 20 microgrammes/80 microlitres, solution injectable en stylo prérempli, et inscrit dans ce groupe générique la spécialité Tériparatide Biogaran 20 microgrammes/80 microlitres, solution injectable en stylo prérempli, ainsi que la décision par laquelle le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a octroyé une autorisation de mise sur le marché à cette dernière spécialité et la décision par laquelle il l'a identifiée comme médicament générique de la spécialité Forstéo ;
2°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la possibilité de délivrer une autorisation de mise sur le marché selon une procédure générique à un médicament issu d'une synthèse chimique lorsque le médicament de référence est un médicament biologique et sur la portée à donner aux analyses du groupe de coordination des procédures de reconnaissance mutuelle et décentralisées pour les médicaments à usage humain (CMDh) au regard des dispositions de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain et sur la compatibilité avec les stipulations des articles 107 et 168 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne des dispositions de l'article L. 5125-23 du code de la santé publique, de l'article L. 138-9 du code de la sécurité sociale et de l'arrêté du 22 août 2014 fixant les plafonds de remises, ristournes et autres avantages commerciaux et financiers assimilés prévus à l'article L. 138-9 du code de la sécurité sociale ;
3°) de mettre à la charge de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le numéro 462590, par une ordonnance nos 2103067, 2103605 du 23 mars 2022, enregistrée le 23 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président par intérim du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 341-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 3 mars 2021 sous le n° 2103067 au greffe de ce tribunal, présentée par la société par actions simplifiée EG Labo Laboratoires Eurogenerics.
Par cette requête et par un mémoire en réplique, enregistré le 1er septembre 2022, la société EG Labo Laboratoires Eurogenerics demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 novembre 2020 par laquelle le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a créé un groupe générique de la spécialité Forstéo 20 microgrammes/80 microlitres, solution injectable en stylo prérempli, et inscrit dans ce groupe générique la spécialité Tériparatide Biogaran 20 microgrammes/80 microlitres, solution injectable en stylo prérempli, la décision par laquelle le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a octroyé une autorisation de mise sur le marché à cette dernière spécialité et la décision par laquelle il l'a identifiée comme médicament générique de la spécialité Forstéo ;
2°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la possibilité de délivrer une autorisation de mise sur le marché selon une procédure générique à un médicament issu d'une synthèse chimique lorsque le médicament de référence est un médicament biologique et sur la portée à donner aux analyses du groupe de coordination des procédures de reconnaissance mutuelle et décentralisées pour les médicaments à usage humain (CMDh) au regard des dispositions de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain et sur la compatibilité avec les stipulations des articles 107 et 168 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne des dispositions de l'article L. 5125-23 du code de la santé publique, de l'article L. 138-9 du code de la sécurité sociale et de l'arrêté du 22 août 2014 fixant les plafonds de remises, ristournes et autres avantages commerciaux et financiers assimilés prévus à l'article L. 138-9 du code de la sécurité sociale ;
3°) de mettre à la charge de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
3° Sous le numéro 462593, par une ordonnance nos 2102288, 2102924 du 23 mars 2022, enregistrée le 23 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président par intérim du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 341-2 du code de justice administrative, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 26 février et le 26 mars 2021 sous le n° 2102924 au greffe de ce tribunal, présentés par la société par actions simplifiée à associé unique Theramex France.
Par cette requête sommaire et ce mémoire complémentaire et par un mémoire en réplique, enregistré le 7 septembre 2022, la société Theramex France demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé opposée à son recours gracieux dirigé contre la décision octroyant une autorisation de mise sur le marché à la spécialité Tériparatide Biogaran 20 microgrammes/80 microlitres, solution injectable en stylo prérempli, contre la décision identifiant cette spécialité comme médicament générique de la spécialité Forstéo 20 microgrammes/80 microlitres, solution injectable en stylo prérempli, et contre la décision du 10 novembre 2020 créant un groupe générique de la spécialité Forstéo 20 microgrammes/80 microlitres, solution injectable en stylo prérempli, et inscrivant dans ce groupe générique la spécialité Tériparatide Biogaran 20 microgrammes/80 microlitres, solution injectable en stylo prérempli ;
2°) d'annuler par voie de conséquence la décision octroyant une autorisation de mise sur le marché à la spécialité Tériparatide Biogaran 20 microgrammes/80 microlitres, solution injectable en stylo prérempli, la décision identifiant cette spécialité comme médicament générique de la spécialité Forstéo 20 microgrammes/80 microlitres, solution injectable en stylo prérempli, et la décision du 10 novembre 2020 créant un groupe générique de la spécialité Forstéo 20 microgrammes/80 microlitres, solution injectable en stylo prérempli, et inscrivant dans ce groupe générique la spécialité Tériparatide Biogaran 20 microgrammes/80 microlitres, solution injectable en stylo prérempli ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
4° Sous le numéro 462594, par une ordonnance nos 2102288, 2102924 du 23 mars 2022, enregistrée le 23 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président par intérim du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 341-2 du code de justice administrative, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 15 février et le 17 mars 2021 sous le n° 2102288 au greffe de ce tribunal, présentés par la société par actions simplifiée à associé unique Theramex France.
Par cette requête sommaire et ce mémoire complémentaire et par un mémoire en réplique, enregistré le 7 septembre 2022, la société Theramex France demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision octroyant une autorisation de mise sur le marché à la spécialité Tériparatide Biogaran 20 microgrammes/80 microlitres, solution injectable en stylo prérempli, la décision identifiant cette spécialité comme médicament générique de la spécialité Forstéo 20 microgrammes/80 microlitres, solution injectable en stylo prérempli, et la décision du 10 novembre 2020 créant un groupe générique de la spécialité Forstéo 20 microgrammes/80 microlitres, solution injectable en stylo prérempli, et inscrivant dans ce groupe générique la spécialité Tériparatide Biogaran 20 microgrammes/80 microlitres, solution injectable en stylo prérempli ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment son article 267 ;
- le règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 ;
- la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 14 mars 2018, Astellas Pharma (C-557/16) ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
- l'arrêté du 23 avril 2004 fixant les normes et protocoles applicables aux essais analytiques, toxicologiques et pharmacologiques ainsi qu'à la documentation clinique auxquels sont soumis les médicaments ou produits mentionnés à l'article L. 5121-8 du code de la santé publique ;
- l'arrêté du 22 août 2014 fixant les plafonds de remises, ristournes et autres avantages commerciaux et financiers assimilés prévus à l'article L. 138-9 du code de la sécurité sociale ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de la société Biogaran et à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat des sociétés Eli Lilly Nederland BV et Lilly France ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 janvier 2024, présentée par la société EG Labo Laboratoires Eurogenerics ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 janvier 2024, présentée par les sociétés Eli Lilly Nederland BV et Lilly France ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces des dossiers que la Commission européenne a délivré, le 10 juin 2003, une autorisation de mise sur le marché au laboratoire Eli Lilly Nederland B.V pour la spécialité Forstéo 20 microgrammes/80 microlitres, solution injectable en stylo prérempli, spécialité biologique indiquée dans le traitement de l'ostéoporose. La société Biogaran a déposé le 31 janvier 2019, sur le fondement de l'article 10 paragraphe 1 de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, une demande d'autorisation de mise sur le marché pour la spécialité Tériparatide Biogaran 20 microgrammes/80 microlitres, solution injectable en stylo prérempli, issue d'une synthèse chimique, en désignant l'Allemagne comme Etat de référence dans le cadre d'une procédure décentralisée. Par une décision du 1er septembre 2020, le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a délivré une autorisation de mise sur le marché à cette spécialité et l'a identifiée comme générique de la spécialité Forstéo, puis il a, par une décision du 10 novembre 2020, créé un groupe générique dont la spécialité de référence est Forstéo et dont la spécialité générique est Tériparatide Biogaran.
2. En premier lieu, les laboratoires EG Labo Laboratoires Eurogenerics et Theramex France exploitent respectivement les médicaments Movymia et Livogiva, qui sont des biosimilaires de Forstéo et disposent chacun d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par la Commission européenne. D'une part, le laboratoire EG Labo Laboratoires Eurogenerics demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 10 novembre 2020 précitée par laquelle le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a créé un groupe générique de la spécialité Forstéo et inscrit dans ce groupe générique la spécialité Tériparatide Biogaran et l'annulation, par voie de conséquence, de la décision par laquelle le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a octroyé une autorisation de mise sur le marché à cette dernière spécialité et de la décision par laquelle il l'a identifiée comme médicament générique de la spécialité Forstéo, ainsi que du rejet de son recours gracieux. D'autre part, le laboratoire Theramex France demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision octroyant une autorisation de mise sur le marché à la spécialité Tériparatide Biogaran, de la décision identifiant cette spécialité comme médicament générique de la spécialité Forstéo et de la décision créant un groupe générique de la spécialité Forstéo et inscrivant dans ce groupe générique la spécialité Tériparatide Biogaran, ainsi que du rejet de son recours gracieux.
3. En second lieu, par une convention conclue avec le laboratoire Biogaran faisant l'objet d'un avis publié au Journal officiel le 3 février 2021, le Comité économique des produits de santé a fixé le prix fabricant hors taxe et le prix public toutes taxes comprises de la spécialité Tériparatide Biogaran 20 microgrammes/80 microlitres, solution injectable, 2,4 ml en stylo prérempli (B/1). Par une autre convention conclue avec le laboratoire EG Labo Laboratoires Eurogenerics, faisant l'objet d'un avis publié au Journal officiel le 12 février 2021, ce comité a fixé le prix fabricant hors taxe et le prix public toutes taxes comprises de la spécialité Movymia 20 microgrammes/80 microlitres (tériparatide), solution injectable, 2,4 ml en cartouche (B/3) exploitée par ce laboratoire, cette spécialité étant, comme il a été dit, un biosimilaire de Forstéo. Par une requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le numéro 454696, la société EG Labo Laboratoires Eurognerics demande l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux avis.
Sur la compétence du Conseil d'Etat :
4. Aux termes de l'article R. 311-1 du code de justice administrative : " Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : (...) 2° des recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres et des autres autorités à compétence nationale (...) ". Aux termes de l'article R. 341-1 du même code : " Lorsque le Conseil d'Etat est saisi de conclusions relevant de sa compétence de premier ressort, il est également compétent pour connaître de conclusions connexes relevant normalement de la compétence de premier ressort d'un tribunal administratif (...) ". En l'espèce, la solution de la requête mentionnée au point 3, tendant à l'annulation des conventions conclues entre le Comité économique des produits de santé et, respectivement, les laboratoires Biogaran et EG Labo Laboratoires Eurogenerics, qui relèvent de la compétence du Conseil d'Etat en premier et dernier ressort en vertu du 2° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative et dans laquelle est notamment invoquée l'illégalité, par la voie de l'exception, de l'autorisation de mise sur le marché accordée le 1er septembre 2020 à la spécialité Tériparatide Biogaran par le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, est nécessairement subordonnée à celle des requêtes mentionnées au point 2, tendant à l'annulation de cette décision d'autorisation de mise sur le marché, renvoyées au Conseil d'Etat par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise sur le fondement de l'article R. 341-2 du même code. Par suite, il existe entre les conclusions de ces requêtes un lien de connexité au sens de l'article R. 341-1 de ce code et le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort de l'ensemble des conclusions des sociétés EG Labo Laboratoires Eurogenerics et Theramex France. Il y a lieu de joindre les quatre requêtes, visées ci-dessus, mentionnées au point 2, pour y statuer par une même décision.
Sur la légalité de l'autorisation de mise sur le marché :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la société Biogaran :
5. Il ne ressort pas des pièces des dossiers que l'autorisation de mise sur le marché en litige serait devenue définitive à l'égard des requérantes. Par suite, la société Biogaran n'est pas fondée à soutenir que les conclusions tendant à l'annulation de l'autorisation de mise sur le marché seraient irrecevables pour ce motif.
En ce qui concerne les moyens :
6. En premier lieu, l'article 28 de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain définit la procédure décentralisée d'autorisation de mise sur le marché d'un médicament en prévoyant que : " 1. En vue de l'octroi d'une autorisation de mise sur le marché d'un médicament dans plus d'un État membre, le demandeur présente une demande fondée sur un dossier identique dans ces États membres. (...) Le demandeur demande à l'un des États membres d'agir en qualité d'"État membre de référence" et de préparer un rapport d'évaluation concernant le médicament, conformément aux paragraphes 2 ou 3. / (...) / 3. Si le médicament n'a pas reçu une autorisation de mise sur le marché au moment de la demande, le demandeur demande à l'État membre de référence de préparer un projet de rapport d'évaluation, un projet de résumé des caractéristiques du produit et un projet d'étiquetage et de notice. L'État membre de référence élabore ces projets de documents dans un délai de cent vingt jours à compter de la réception de la demande valide et les transmet aux États membres concernés et au demandeur. / 4. Dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la réception des documents visés aux paragraphes 2 et 3, les États membres concernés approuvent le rapport d'évaluation, le résumé des caractéristiques du produit ainsi que l'étiquetage et la notice, et en informent l'État membre de référence. Ce dernier constate l'accord général, clôt la procédure et en informe le demandeur. / 5. Chaque État membre dans lequel une demande a été introduite conformément au paragraphe 1 adopte une décision en conformité avec le rapport d'évaluation, le résumé des caractéristiques du produit et l'étiquetage et la notice tels qu'approuvés, dans un délai de trente jours à compter de la constatation de l'accord. " L'article 29 de la même directive régit la procédure applicable dans les cas où, en raison d'un risque potentiel grave pour la santé publique, un État membre ne peut approuver, dans le délai prévu au paragraphe 4 de l'article 28, le rapport d'évaluation, le résumé des caractéristiques du produit ainsi que l'étiquetage et la notice.
7. Les requérantes demandent au Conseil d'Etat de vérifier que les conditions prévues à l'article 10 paragraphe 1 de la directive pour pouvoir bénéficier de la procédure simplifiée d'autorisation de mise sur le marché applicable aux spécialités génériques sont remplies, de telle sorte qu'il ne résulte pas de la procédure qui a été suivie en l'espèce de risque pour la santé publique faute que les conditions en aient été réunies. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé soutient en défense que ni elle, lors de la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché en conformité avec le rapport d'évaluation, le résumé des caractéristiques du produit et l'étiquetage et la notice tels qu'ils ont été approuvés selon la procédure prévue à l'article 28 paragraphe 4 de la directive, ni le juge national, dans le cadre d'un recours dirigé contre cette autorisation de mise sur le marché, n'ont la possibilité de remettre en cause les résultats de la procédure décentralisée, l'invocation d'un risque potentiel grave pour la santé publique devant être opérée, avant le constat de l'accord général, dans le délai mentionné à cet article.
8. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, dans son arrêt du 14 mars 2018 Astellas Pharma (C 557/16), que : " L'article 10 de la directive 2001/83, telle que modifiée par la directive 2012/26, lu en combinaison avec l'article 47 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu'une juridiction d'un État membre concerné par une procédure décentralisée d'autorisation de mise sur le marché, saisie d'un recours formé par le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché du médicament de référence contre la décision d'autorisation de mise sur le marché d'un médicament générique dans cet État membre prise par l'autorité compétente de celui-ci, est compétente pour contrôler la détermination du point de départ de la période de protection des données du médicament de référence (...). " Ce faisant, la Cour de justice de l'Union européenne a admis que le juge d'un État membre concerné par une procédure décentralisée d'autorisation de mise sur le marché puisse connaître d'un recours formé contre l'autorisation de mise sur le marché délivrée à l'issue de cette procédure décentralisée, quel que soit l'État membre de référence.
9. Cependant, par différence avec l'arrêt Astellas Pharma de la Cour de justice de l'Union européenne, dans les présentes espèces, les requérantes, qui sont des laboratoires commercialisant des médicaments qui sont des biosimilaires du médicament de référence et non le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché de ce médicament de référence, demandent au Conseil d'Etat, non de contrôler la détermination du point de départ de la protection des données du médicament de référence, mais de vérifier que la spécialité litigieuse remplit bien les conditions prévues à l'article 10 paragraphe 1 de la directive 2001/83/CE pour se voir délivrer une autorisation de mise sur le marché en tant que médicament générique, de sorte que sa mise sur le marché n'induit pas de risque pour la santé publique du fait de la procédure suivie.
10. La réponse au moyen tiré de la méconnaissance, par l'autorisation de mise sur le marché délivrée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé à la spécialité Tériparatide Biogaran, des dispositions de la directive 2001/83/CE et la solution des litiges soulevés par les requérantes dépendent de la question de savoir si une juridiction d'un État membre concerné par une procédure décentralisée d'autorisation de mise sur le marché sans être l'État membre de référence, saisie d'un recours formé contre la décision d'autorisation de mise sur le marché dans cet État membre prise par l'autorité compétente de celui-ci, est compétente pour vérifier que la procédure décentralisée a été conduite dans le respect des dispositions de la directive 2001/83/CE et que la mise sur le marché de la spécialité ne présente pas de risque potentiel grave pour la santé publique au sens de l'article 29 paragraphe 1 de la même directive. Cette question présente une difficulté sérieuse.
11. En second lieu, l'article 8 de la directive 2001/83/CE prévoit qu'en dehors de la procédure d'octroi d'une autorisation de mise sur le marché par la Commission européenne, les demandes d'autorisation de mise sur le marché doivent être introduites auprès des autorités nationales compétentes et comporter les renseignements et documents dont la liste est dressée à cet article et à l'annexe I de la directive, en particulier les résultats des essais pharmaceutiques, précliniques et cliniques. L'article 10 de la même directive dispose que : " 1. Par dérogation à l'article 8, paragraphe 3, point i), et sans préjudice de la législation relative à la protection de la propriété industrielle et commerciale, le demandeur n'est pas tenu de fournir les résultats des essais précliniques et cliniques s'il peut démontrer que le médicament est un générique d'un médicament de référence qui est ou a été autorisé au sens de l'article 6 depuis au moins huit ans dans un État membre ou dans la Communauté. (...) / 2. Aux fins du présent article, on entend par: / (...) b) " médicament générique ", un médicament qui a la même composition qualitative et quantitative en substances actives et la même forme pharmaceutique que le médicament de référence et dont la bioéquivalence avec le médicament de référence a été démontrée par des études appropriées de biodisponibilité. (...) Le demandeur peut être dispensé des études de biodisponibilité s'il peut prouver que le médicament générique satisfait aux critères pertinents figurant dans les lignes directrices détaillées applicables. / 3. Lorsque le médicament ne répond pas à la définition du médicament générique visée au paragraphe 2, point b), ou lorsque la bioéquivalence ne peut être démontrée au moyen d'études de biodisponibilité ou en cas de changements de la ou des substances actives, des indications thérapeutiques, du dosage, de la forme pharmaceutique ou de la voie d'administration par rapport à ceux du médicament de référence, les résultats des essais précliniques ou cliniques appropriés sont fournis. / 4. Lorsqu'un médicament biologique qui est similaire à un médicament biologique de référence ne remplit pas les conditions figurant dans la définition des médicaments génériques, en raison notamment de différences liées à la matière première ou de différences entre les procédés de fabrication du médicament biologique et du médicament biologique de référence, les résultats des essais précliniques ou cliniques appropriés relatifs à ces conditions doivent être fournis. (...) " Ces dispositions ont été transposées en droit interne par les articles L. 5121-1 et R. 5121-28 du code de la santé publique et par l'arrêté du 23 avril 2004 fixant les normes et protocoles applicables aux essais analytiques, toxicologiques et pharmacologiques ainsi qu'à la documentation clinique auxquels sont soumis les médicaments ou produits mentionnés à l'article L. 5121-8 du code de la santé publique. Aux termes du paragraphe 3 de l'article 3 du règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 établissant des procédures communautaires pour l'autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments : " Un médicament générique d'un médicament de référence autorisé par l'Union peut être autorisé par les autorités compétentes des États membres conformément aux directives 2001/83/CE (...) dans les conditions suivantes : / a) la demande d'autorisation est présentée conformément à l'article 10 de la directive 2001/83/CE (...) ; / b) le résumé des caractéristiques du produit est conforme, sur tous les points pertinents, à celui du médicament autorisé par l'Union, sauf pour certaines parties du résumé des caractéristiques du produit renvoyant à des indications ou à des formes de dosage qui sont encore protégées par le droit des brevets au moment où le médicament générique a été mis sur le marché (...) ".
12. D'une part, les requérantes ne sauraient utilement se prévaloir, au soutien de leur contestation de la légalité de l'autorisation de mise sur le marché, des conséquences qu'elle emporterait du fait des avantages attachés, par les dispositions législatives et réglementaires applicables, aux médicaments auxquels une telle autorisation a été accordée en qualité de générique. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 5125-23 du code de la santé publique, régissant la délivrance en pharmacie d'officine de spécialités génériques par substitution à la spécialité prescrite, L. 138-9 du code de la sécurité sociale, relatif aux remises, ristournes et avantages commerciaux et financiers de toute nature qui peuvent être consentis pour ces spécialités par les fournisseurs des officines, ainsi que de l'arrêté du 22 août 2014 fixant les plafonds de remises, ristournes et autres avantages commerciaux et financiers assimilés prévus à l'article L. 138-9 du code de la sécurité sociale sont inopérants.
13. D'autre part, les requérantes soutiennent que l'article 10 de la directive 2001/83/CE a prévu deux procédures exclusives l'une de l'autre. Il s'agirait, d'une part, de celle de l'article 10 paragraphe 1, qui crée une procédure d'autorisation de mise sur le marché simplifiée, dispensant le demandeur de produire des résultats des essais précliniques et cliniques pour les médicaments génériques, le médicament de référence comme le médicament générique devant alors selon elles être des médicaments chimiques. Il s'agirait, d'autre part, de la procédure prévue au paragraphe 4 du même article, qui crée une autre procédure simplifiée d'autorisation de mise sur le marché pour les médicaments biosimilaires, qui dispense le demandeur de la production des résultats de certains essais précliniques et cliniques, le médicament de référence comme le médicament similaire devant dans cette hypothèse selon elles être des médicaments biologiques. Les requérantes en déduisent que la procédure prévue pour les médicaments génériques ne peut pas être suivie lorsque le médicament de référence est un médicament biologique, les substances actives étant, par ailleurs, selon elles, nécessairement différentes selon qu'elles sont produites par un procédé chimique ou par un procédé biologique, du fait de la variabilité inhérente à la production par voie biologique d'un principe actif.
14. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et la société Biogaran soutiennent au contraire que l'article 10 paragraphe 1 de la directive n'impose pas que le médicament de référence d'une spécialité générique soit une spécialité chimique et que son article 10 paragraphe 4, en ménageant l'hypothèse où une spécialité biologique ne remplirait pas les conditions prévues pour la qualifier de médicament générique, prévoit implicitement l'hypothèse inverse dans laquelle ces conditions pourraient être remplies et où la procédure de l'article 10 paragraphe 1 pourrait être suivie alors même que le médicament de référence est une spécialité biologique.
15. La réponse à la contestation soulevée sur ce point par les requérantes dépend de la question de savoir si les dispositions de la directive 2001/83/CE font obstacle à ce qu'une autorisation de mise sur le marché puisse être accordée à un médicament chimique selon la procédure simplifiée prévue à l'article 10 paragraphe 1 de cette directive lorsque le médicament de référence est un médicament biologique. Cette question présente une difficulté sérieuse.
16. La réponse aux questions mentionnées aux points 10 et 15, dont dépend également, pour celle mentionnée au point 15, la solution du moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 3 de l'article 3 du règlement n° 726/2004, qui subordonne l'autorisation d'un médicament générique d'un médicament de référence autorisé par l'Union à la présentation d'une demande conforme à l'article 10 de la directive 2001/83/CE et à la conformité du résumé des caractéristiques du produit à celui du médicament autorisé par l'Union " sur tous les points pertinents ", ainsi que, pour celle mentionnée au point 10, la solution du moyen tiré de la méconnaissance de l'annexe I de ce règlement, qui impose que certains médicaments soient autorisés par l'Union, ce qui exclut qu'ils puissent l'être par la procédure décentralisée, est déterminante pour la solution du litige.
17. Il y a lieu, par suite, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de ces deux questions en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Sur la légalité des décisions identifiant une spécialité générique et modifiant le répertoire des groupes génériques :
18. Dans l'attente de la réponse apportée aux questions figurant aux points 10 et 15, il y a lieu de surseoir également à statuer sur les conclusions dirigées contre la décision identifiant la spécialité Tériparatide Biogaran comme générique de la spécialité Forstéo et contre la décision de création d'un groupe générique de la spécialité Forstéo.
19. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne, en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les questions énoncées aux points 10 et 15 et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur les requêtes des sociétés EG Labo Laboratoires Eurogenerics et Theramex France.
D E C I D E :
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Article 1er : Il est sursis à statuer sur les requêtes des sociétés EG Labo Laboratoires Eurogenerics et Theramex France jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions suivantes :
1°) Les articles 28 et 29 de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 doivent-ils être interprétés en ce sens qu'une juridiction d'un État membre concerné par une procédure décentralisée d'autorisation de mise sur le marché sans être l'État membre de référence, qui est compétente pour connaître d'un recours formé contre cette autorisation de mise sur le marché prise par l'autorité compétente de cet État membre conformément à ce qu'a jugé la Cour dans son arrêt du 14 mars 2018 Astellas Pharma (C 557/16), est compétente, dans cette hypothèse, pour vérifier que la procédure décentralisée a été conduite dans le respect des dispositions de la directive 2001/83/CE et que sa mise sur le marché ne présente pas de risque potentiel grave pour la santé publique au sens de l'article 29 paragraphe 1 de la même directive '
2°) L'article 10 de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 doit-il être interprété en ce sens qu'il fait obstacle à ce qu'une autorisation de mise sur le marché puisse être accordée à un médicament chimique selon la procédure simplifiée prévue à l'article 10 paragraphe 1 de cette directive lorsque son médicament de référence est un médicament biologique '
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée EG Labo Laboratoires Eurogenerics, à la société par actions simplifiée à associé unique Theramex France, à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, à la société par actions simplifiée Biogaran, aux sociétés Eli Lilly Nederland BV et Lilly France, ainsi qu'au greffier de la Cour de justice de l'Union européenne.
Copie en sera adressée au Premier ministre.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 janvier 2024 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 1er février 2024.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
Le rapporteur :
Signé : M. Eric Buge
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber