Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'enjoindre à la commune de Mamoudzou de faire cesser sans délai les agissements d'harcèlement moral dont il est victime et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de lui donner, dans un délai de quarante-huit heures, les moyens d'exercer ses fonctions de coordinateur du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD). Par une ordonnance n° 2400207 du 2 février 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.
Par une requête, enregistrée le 19 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler l'ordonnance attaquée ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Mamoudzou la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'ordonnance du 23 janvier 2023 est irrégulière dès lors qu'il a été empêché d'assister à l'audience contrairement à l'avocat de la commune de Mamoudzou ;
- l'ordonnance attaquée est irrégulière dès lors que le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte a omis de répondre à des moyens opérants ;
- la condition d'urgence est satisfaite ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale du fait du harcèlement moral dont il a été victime de la part de son employeur, la commune de Mamoudzou, depuis son arrivée au sein de ses services le 3 juillet 2023 jusqu'à son placement en congé maladie le 26 janvier 2024.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2024, la commune de Mamoudzou conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. B... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. B... et, d'autre part, la commune de Mamoudzou ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 6 mars 2024, à 11 heures :
- Me Valdelièvre, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. B... ;
- Me Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la commune de Mamoudzou ;
à l'issue de laquelle la juge des référés a clos l'instruction ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à la commune de Mamoudzou de cesser les agissements de harcèlement moral dont il est victime et de lui donner les moyens d'exercer ses fonctions de coordinateur du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Il relève appel de l'ordonnance du 2 février 2024 par laquelle le juge des référés a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". Selon l'article L.522-1 du même code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. / Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique. / Sauf renvoi à une formation collégiale, l'audience se déroule sans conclusions du rapporteur public. "
3. M. B... soutient que, s'étant présenté au tribunal administratif de Mayotte le 2 février 2024 à 9h en vue de l'audience prévue pour se dérouler le même jour à 9h30, il n'a pas pu y assister, en raison d'une affiche qui était apposée sur la porte du tribunal et annonçant qu'en raison des barrages en cours sur l'île de Mayotte, le tribunal administratif était fermé. Il résulte de l'instruction qu'alors même que l'audience s'est néanmoins tenue dans les locaux du tribunal le 2 février 2024 et l'avocat de la commune de Mamoudzou a pu y participer, la circonstance que le requérant, qui n'était pas assisté d'un avocat, ait pu être induit en erreur quant à la tenue de l'audience du fait de cette affiche, dont l'existence est attestée par les pièces du dossier et n'est pas contestée, et ne s'y soit pas présenté de ce fait, est de nature à entacher l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Mayotte d'irrégularité.
4. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de l'appel formé par M. B... devant le Conseil d'Etat, il y a lieu d'annuler cette ordonnance et de statuer sur la demande présentée par M. B... devant le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte.
5. Aux termes de l'article 132-2 du code général de la fonction publique : " Aucun agent public ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". Le droit de ne pas être soumis à un harcèlement moral constitue pour un agent public une liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative
6. Il résulte de l'instruction ainsi que des débats ayant eu lieu à l'audience qui s'est tenue au Conseil d'Etat que M. B..., alors qu'il exerçait ses fonctions au service administratif et technique de la police nationale à Mayotte, a été recruté en qualité d'agent contractuel à la direction de la prévention et de la sécurité urbaine de la ville de Mamoudzou en tant que coordinateur du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, à compter du 1er juin 2023. Celui-ci ne s'étant pas présenté à son nouveau poste le 1er juin 2023, un second contrat a été signé pour une prise de fonctions le 3 juillet 2023. A l'occasion de cette prise de poste, M. B... a immédiatement fait valoir qu'il subissait de la part de sa hiérarchie des faits constitutifs de harcèlement, aucun bureau ne lui ayant été affecté pendant une période de 48 heures, et qu'il n'aurait pas non plus bénéficié à son arrivée d'une boîte mail professionnelle, d'un ordinateur portable, d'un téléphone et d'un véhicule de service, et que sa rémunération ne lui aurait pas été versée au mois d'août. En outre, il fait valoir qu'un second incident se serait déroulé le 8 octobre 2023, un avis de vacance ayant été publié pour son poste par la commune de Mamoudzou sans que cet avis soit immédiatement retiré. Enfin, M. B... fait état d'un entretien le 22 janvier 2024 avec le directeur général des services au cours duquel ce dernier lui aurait reproché ses absences répétées, ainsi que l'absence de préparation d'une réunion le 16 janvier 2024 du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, alors qu'il aurait sollicité sa hiérarchie dès le 17 décembre 2023 en vue de l'organisation de cette réunion et que ce n'est que le 16 janvier à 8 heures que la préparation d'un support et la finalisation du contrat local de sécurité et de prévention de la délinquance lui aurait été demandée. C'est à la suite de ces agissements que M. B... indique avoir exercé son droit de retrait le 23 janvier 2024 puis avoir été placé en arrêt maladie à compter du 26 janvier 2024.
7. M. B... entend ainsi faire état d'éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral de la part de son employeur, la commune de Mamoudzou. Cependant, ni le fait qu'il n'ait pas disposé, de manière très temporaire, d'outils de travail à son arrivée, ni l'absence de versement de sa rémunération au mois d'août, afin, ainsi que cela est établi par la commune par la production de son bulletin de salaire, de compenser le trop-perçu résultant de son absence au cours du mois de juin où son arrivée était initialement prévue, ne sont de nature à caractériser une situation de harcèlement qui se serait produite immédiatement dès son arrivée. Si la commune de Mamoudzou admet, par la suite, avoir publié un avis de vacance relatif au poste qu'il occupait, elle l'explique par l'envoi par l'intéressé à son précédent employeur de sa démission du poste qu'il occupait antérieurement au sein de la police nationale, le caractère très tardif de cette démission suite à un contentieux que l'intéressé avait engagé contre son précédent employeur à raison de faits de harcèlement moral qu'il aurait déjà subi dans ses précédentes fonctions et ayant fait l'objet d'une première ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Mayotte du 12 juillet 2023, ayant induit en erreur la commune quant au poste dont il démissionnait ainsi. Enfin, la circonstance que le directeur général des services lui ait reproché le défaut de préparation du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance ainsi que ses absences répétées, après lui avoir enjoint de fournir les documents nécessaires à la réunion le matin même de celle-ci, n'est pas de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral de la part de son employeur, dès lors que les manquements de l'intéressé, auquel il incombait compte tenu de ses fonctions de coordinateur du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, de piloter et préparer l'organisation des réunions de ce conseil, ne sont par eux-mêmes pas contestés, et que l'absence de réponse de son supérieur hiérarchique à ses messages à ce sujet ne l'empêchait pas de pourvoir à cette préparation avec les services de la commune et les partenaires locaux qui y sont associés.
8. Dès lors, en l'absence d'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale en l'état de l'instruction devant le juge des référés du Conseil d'Etat, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes d'injonction présentées par M. B.... Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par la commune de Mamoudzou.
O R D O N N E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Mayotte du 2 février 2024 est annulée.
Article 2 : La requête de M. B... est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de l'ensemble des parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B... ainsi qu'à la commune de Mamoudzou.
Fait à Paris, le 15 mars 2024
Signé : Célia Verot