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22/03/2024 | FRANCE | N°473886

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 22 mars 2024, 473886


Vu la procédure suivante :



Par un arrêt du 6 avril 2023, enregistré le 9 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Cour de cassation (2ème chambre civile) a sursis à statuer sur le litige opposant M. A... B... à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Centre Val-de-Loire et au ministre chargé de la sécurité sociale et a saisi le Conseil d'Etat de la question de la légalité de l'article R. 172-17-1 du code de la sécurité sociale au regard des dispositions de l'article L. 1

72-1 du même code.



Par un mémoire, enregistré le 3 juille...

Vu la procédure suivante :

Par un arrêt du 6 avril 2023, enregistré le 9 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Cour de cassation (2ème chambre civile) a sursis à statuer sur le litige opposant M. A... B... à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Centre Val-de-Loire et au ministre chargé de la sécurité sociale et a saisi le Conseil d'Etat de la question de la légalité de l'article R. 172-17-1 du code de la sécurité sociale au regard des dispositions de l'article L. 172-1 du même code.

Par un mémoire, enregistré le 3 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'URSSAF du Centre Val-de-Loire demande au Conseil d'Etat d'apprécier la légalité de l'article R. 172-17-1 du code de la sécurité sociale et de déclarer qu'il n'est pas entaché d'illégalité.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 85-10 du 3 janvier 1985 ;

- la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 ;

- la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 ;

- le décret n° 2016-667 du 24 mai 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyril Noël, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M. B... et à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de l'URSSAF du Centre Val-de-Loire ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêt du 6 avril 2023, la Cour de cassation, saisie d'un pourvoi formé par M. B... dans un litige, relatif au montant de la pension d'invalidité obtenue à compter du 1er mars 2015 à la suite de son classement en invalidité de deuxième catégorie, l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Centre Val-de-Loire et au ministre chargé de la sécurité sociale, a sursis à statuer jusqu'à ce que le Conseil d'Etat se soit prononcé sur la question préjudicielle relative à la légalité de l'article R. 172-17-1 du code de la sécurité sociale au regard de l'article L. 172-1 du même code en tant qu'il n'exclut pas du champ du dispositif du calcul coordonné des pensions d'invalidité la caisse d'allocation vieillesse des agents généraux et des mandataires non-salariés d'assurance et de capitalisation (CAVAMAC), laquelle est l'une des dix sections professionnelles que comprend, en vertu des articles L. 641-5 et R. 641-1 du code de la sécurité sociale, la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales, et dont le régime sert une pension dont le montant ne représente pas une fraction annuelle des revenus moyens correspondant aux cotisations versées au cours des dix années civiles d'assurance les plus avantageuses.

2. Aux termes de l'article L. 172-1 du code de la sécurité sociale, désormais transféré, depuis le 1er janvier 2017, à l'article L. 172-3 de ce code par l'article 62 de la loi du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017, dans sa rédaction applicable au litige, issue de la loi du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011 : " Il est institué une coordination entre régimes d'assurance invalidité pour les personnes ayant relevé successivement ou alternativement soit de régimes de salariés, soit d'un régime de salariés et d'un régime de non salariés, soit de plusieurs régimes de travailleurs non salariés. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles sont ouverts et maintenus les droits à pension d'invalidité dans les régimes en cause, ainsi que les conditions dans lesquelles sont calculés ces droits, lorsque le montant de la pension servie par le régime représente une fraction annuelle des revenus moyens correspondant aux cotisations versées au cours des dix années civiles d'assurance les plus avantageuses. / Les dispositions du présent article s'appliquent également au régime d'assurance invalidité des ministres des cultes et membres des congrégations et collectivités religieuses ".

3. L'article L. 172-1 du code de la sécurité sociale cité ci-dessus reprend les dispositions du premier alinéa de l'article 79 de la loi du 3 janvier 1985 portant diverses dispositions d'ordre social en prévoyant une coordination des régimes d'assurance invalidité pour les personnes ayant relevé successivement ou alternativement de régimes de salariés ou de non-salariés, ainsi que celles du deuxième alinéa de cet article en renvoyant à un décret en Conseil d'Etat la fixation des conditions dans lesquelles sont ouverts et maintenus les droits à pension d'invalidité dans les régimes en cause. La loi du 20 décembre 2010 a complété ces dispositions pour prévoir que ce décret fixe également " les conditions dans lesquelles sont calculés ces droits, lorsque le montant de la pension servie par le régime représente une fraction annuelle des revenus moyens correspondant aux cotisations versées au cours des dix années civiles d'assurance les plus avantageuses ". Il ressort de ces dernières dispositions, éclairées par les travaux parlementaires ayant précédé leur adoption, que le législateur a entendu organiser une coordination, pour le calcul des pensions d'invalidité, entre les seuls régimes d'assurance invalidité calculant le montant des pensions versées sur la base d'un revenu annuel moyen correspondant aux cotisations versées au cours des dix années civiles d'assurance les plus avantageuses. Il en ressort également que si le législateur a renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les conditions de calcul des droits aux prestations de l'assurance invalidité des personnes bénéficiant de la coordination, il ne lui a pas permis d'en prévoir l'application à des régimes d'assurance invalidité qui ne calculent pas le montant des pensions versées sur la base d'un revenu annuel moyen correspondant aux cotisations versées au cours des dix années civiles d'assurance les plus avantageuses.

4. L'article R. 172-16 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret du 24 mai 2016 relatif au calcul des droits à pension d'invalidité dans le cadre de la coordination entre divers régimes introduit dans le code de la sécurité sociale, pris sur le fondement des dispositions citées au point 2, dispose que : " La présente sous-section détermine :/ 1° Les conditions dans lesquelles sont ouverts et maintenus les droits aux prestations de l'assurance invalidité des personnes qui ont relevé alternativement, successivement ou simultanément de plusieurs régimes définis à l'article R. 172-17 comportant la couverture du risque invalidité; / 2° Les conditions dans lesquelles sont calculés les droits aux prestations de l'assurance invalidité des personnes mentionnées au 1° du présent article lorsque le montant de la pension servie par l'un des régimes définis à l'article R. 172-17-1, qui prend le nom de pension d'invalidité coordonnée, représente une fraction annuelle des revenus moyens correspondant aux cotisations versées au cours des dix années civiles d'assurance les plus avantageuses pour ces assurés ".

5. Aux termes de l'article R. 172-17 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du même décret : " Les régimes entrant dans le champ de la coordination prévue au 1° de l'article R. 172-16 sont les suivants : / 1° Régimes de salariés : / a) Le régime général de sécurité sociale ; / b) Les régimes spéciaux de sécurité sociale ; / c) Le régime des assurances sociales des professions agricoles ; / 2° Régimes de travailleurs non salariés : / a) Les régimes des travailleurs non salariés des professions non agricoles ; / b) Le régime des avocats ; / c) Le régime des travailleurs non salariés des professions agricoles ; / 3° Le régime d'assurance invalidité des ministres des cultes et membres des congrégations et collectivités religieuses, auquel la présente sous-section s'applique dans les mêmes conditions qu'aux régimes des travailleurs non salariés."

6. Enfin, aux termes de l'article R. 172-17-1 de ce code, dans sa rédaction issue du même décret : " Les régimes entrant dans le champ de la coordination prévue au 2° de l'article R. 172-16 sont les mêmes que ceux mentionnés à l'article R. 172-17 à l'exclusion : / a) Du régime des avocats ; / b) Du régime des travailleurs non salariés des professions agricoles ; / c) Des régimes spéciaux autres que le régime des clercs et employés de notaires ".

7. Si, par les dispositions de l'article R. 172-17-1 mentionnées au point précédent, le pouvoir réglementaire a entendu dresser la liste des régimes entrant dans le champ de la coordination pour le calcul des droits à pension d'invalidité, il ne pouvait légalement le faire qu'à la condition que cette liste ne comprenne pas, compte tenu des modalités de calcul, prévues par les statuts de ces régimes, du montant de la pension d'invalidité qu'ils servent, de régime pour lequel le montant de la pension servie ne représente pas une fraction annuelle des revenus moyens correspondant aux cotisations versées au cours des dix années civiles d'assurance les plus avantageuses.

8. Il résulte de l'article 12 des statuts du régime d'assurance invalidité décès de la CAVAMAC que cette dernière ne calcule pas la pension d'invalidité qu'elle sert sur la base d'un revenu annuel moyen correspondant aux cotisations versées au cours des dix années civiles d'assurance les plus avantageuses, mais sur la base de la totalité des commissions et des rémunérations brutes ayant servi au calcul de la cotisation de l'exercice précédant la date de reconnaissance de l'invalidité professionnelle de l'adhérent ou de la moyenne des trois dernières années d'exercice précédant cette même date si cette dernière est plus favorable, dans la limite du plafond fixé par le régime. Or ce régime, qui est au nombre des régimes des travailleurs non salariés des professions non agricoles inclus par l'article R. 172-17 dans le champ de la coordination prévue au 1° de l'article R. 172-16, n'est pas exclu du champ de la coordination prévue au 2° de l'article R. 172-16 par les dispositions de l'article R. 172-17-1.

9. Par suite, l'article R. 172-17-1 du code de la sécurité sociale est entaché d'illégalité en tant que la liste des régimes entrant dans le champ de la coordination prévue au 2° de l'article R. 172-16 qu'il comporte inclut des régimes qui ne satisfont pas à la condition prévue à l'article L. 172-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, exigeant que le montant de la pension servie représente une fraction annuelle des revenus moyens correspondant aux cotisations versées au cours des dix années civiles d'assurance les plus avantageuses, en particulier en tant que cet article n'exclut pas de ce champ la CAVAMAC.

D E C I D E :

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Article 1er : Il est déclaré que l'article R. 172-17-1 du code de la sécurité sociale est entaché d'illégalité en tant que la liste des régimes entrant dans le champ de la coordination prévue au 2° de l'article R. 172-16 qu'il comporte inclut des régimes qui ne satisfont pas à la condition prévue à l'article L. 172-1 du code de la sécurité sociale, exigeant que le montant de la pension servie représente une fraction annuelle des revenus moyens correspondant aux cotisations versées au cours des dix années civiles d'assurance les plus avantageuses.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Cour de cassation, à M. A... B..., à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales du Centre Val-de-Loire et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Copie en sera adressée au Premier ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 mars 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, Mme Célia Verot, M. Alban de Nervaux, M. Vincent Mazauric, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et M. Cyril Noël, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 22 mars 2024.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Cyril Noël

La secrétaire :

Signé : Mme Paule Troly


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 473886
Date de la décision : 22/03/2024
Type de recours : Appréciation de la légalité

Publications
Proposition de citation : CE, 22 mar. 2024, n° 473886
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyril Noël
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL ; SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:473886.20240322
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