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15/04/2024 | FRANCE | N°490619

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 15 avril 2024, 490619


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 2 janvier et le 7 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... C... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler la décision n° CS 2023-32 du 8 novembre 2023 par laquelle la commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) :

- lui a interdit, pendant une durée de six mois, de faire participer le cheval I... aux compétitions et manifestations qu'elle énumère ;

- lui a interdit, pendant une durée de six mois, de participer à ces compétitions et ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 2 janvier et le 7 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° CS 2023-32 du 8 novembre 2023 par laquelle la commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) :

- lui a interdit, pendant une durée de six mois, de faire participer le cheval I... aux compétitions et manifestations qu'elle énumère ;

- lui a interdit, pendant une durée de six mois, de participer à ces compétitions et manifestations ainsi qu'à leur organisation et aux entraînements y préparant ;

- a demandé à la Fédération française d'équitation et, le cas échéant, aux organisateurs compétents, d'annuler les résultats obtenus par elle et le cheval " H... " le ..., à l'occasion de l'épreuve n° 25, " Pro 1 vitesse (1,45 m) " du " Grand national " de saut d'obstacles, ainsi qu'entre cette date et celle de la notification de la décision, avec toutes les conséquences en découlant, y compris le retrait de médailles, points, prix et gains ;

- a décidé qu'elle pourrait reprendre l'entraînement, dans les conditions qu'elle indique, durant le dernier quart de l'interdiction prononcée ;

- a décidé que le cheval " H... " ne pourra reprendre la compétition qu'après avoir subi un nouveau contrôle antidopage dont les résultats d'analyses se seront avérés négatifs ;

- a décidé la publication d'un résumé de la décision sur son site Internet ;

2°) de mettre à la charge de l'AFLD la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code du sport ;

- la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 ;

- la loi n° 2006-405 du 5 avril 2006 ;

- l'ordonnance n° 2006-596 du 23 mai 2006 ;

- la loi n° 2012-158 du 1er février 2012 ;

- l'arrêté du 2 mai 2011 relatif aux substances et aux procédés mentionnés à l'article L. 241-2 du code du sport ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hadrien Tissandier, auditeur,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau, Tapie, avocat de Mme C... et à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de l'Agence française de lutte contre le dopage ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que le cheval " H... ", monté par sa propriétaire, Mme C..., a fait l'objet, le ..., à l'occasion de l'épreuve n° 25 " Pro 1 vitesse (1,45 m) " du " Grand national " de saut d'obstacles se tenant à ..., d'un contrôle antidopage, qui a révélé la présence dans ses urines de capsaïcine. Par une décision n° CS 2023-32 du 8 novembre 2023, la commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), après avoir retenu que cette substance était au nombre des substances visées par l'arrêté interministériel du 2 mai 2011 pris en application de l'article L. 241-2 du code du sport et que sa présence dans les urines de ce cheval caractérisait des faits de dopage animal prohibés par l'article L. 241-2 du code du sport, a, notamment, interdit à Mme C..., pendant une durée de six mois, de faire participer son cheval à des compétitions et manifestations sportives et d'y participer elle-même et a demandé que soient annulés les résultats obtenus par elle et son cheval le ..., ainsi qu'entre cette date et celle de la notification de la décision, avec toutes les conséquences en découlant, y compris le retrait de médailles, points, prix et gains. Mme C... demande l'annulation de cette décision. Elle soulève, à l'appui de sa requête, une question prioritaire de constitutionnalité.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. Une question prioritaire de constitutionnalité, présentée par mémoire distinct et portant sur les dispositions d'une ordonnance prise par le Gouvernement sur le fondement d'une habilitation donnée par le Parlement sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, est recevable si le délai d'habilitation est expiré et si elle porte sur la contestation, au regard des droits et libertés que la Constitution garantit, de dispositions de l'ordonnance qui relèvent du domaine de la loi. Elle doit alors être transmise au Conseil constitutionnel si les conditions fixées par les articles 23-2, 23-4 et 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 sont remplies.

4. Mme C... soulève, à l'appui de sa requête dirigée contre la sanction qui lui a été infligée, une question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre les dispositions de l'article L. 241-2 du code du sport issues de l'ordonnance du 23 mai 2006 relative à la partie législative du code du sport, alors que le délai d'habilitation permettant de prendre cette ordonnance est expiré et qu'elle n'a pas été ratifiée.

5. Aux termes de cet article L. 241-2 : " Il est interdit d'administrer ou d'appliquer aux animaux, au cours des manifestations sportives organisées par une fédération agréée ou autorisées par une fédération délégataire ou par une commission spécialisée instituée en application de l'article L. 131-19, ou en vue d'y participer, des substances ou procédés de nature à modifier artificiellement leurs capacités ou à masquer l'emploi de substances ou procédés ayant cette propriété. / La liste des substances ou procédés mentionnés au présent article est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés des sports, de la santé et de l'agriculture ".

6. Si Mme C... soutient que les dispositions de l'article L. 241-2 du code du sport, en donnant une définition imprécise de l'interdiction qu'elles créent et en renvoyant à un arrêté interministériel, seraient entachées d'incompétence négative dans des conditions de nature à affecter le principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, les dispositions contestées interdisent, sous peine des sanctions administratives prévues aux articles L. 241-6 et L. 241-7 du même code, l'administration ou l'application aux animaux, au cours de manifestations sportives ou en vue d'y participer, de substances ou procédés de nature à modifier artificiellement leurs capacités ou à masquer l'emploi de substances ou procédés ayant cette propriété. Ces dispositions ont ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, suffisamment défini les infractions en cause et ont pu renvoyer à un arrêté interministériel le soin de fixer, sous le contrôle du juge administratif, en l'état des connaissances scientifiques, médicales et techniques, la liste des substances ou procédés ayant de tels effets sur les animaux.

7. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a, dès lors, pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne la régularité de la décision de la commission des sanctions de l'AFLD :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 241-6 du code du sport : " L'agence française de lutte contre le dopage peut interdire provisoirement, temporairement ou définitivement selon les modalités prévues à la section 4 du chapitre II du titre III du présent livre au propriétaire ou à l'entraîneur d'un animal auquel a été administrée une substance prohibée ou appliqué un procédé interdit de faire participer son animal aux compétitions et manifestations mentionnées à l'article L. 241-2. / (...) ". Aux termes de l'article L. 241-7 de ce code : " Le propriétaire, l'entraîneur et le cas échéant le sportif qui ont enfreint ou tenté d'enfreindre les dispositions du présent titre encourent les sanctions administratives suivantes : / 1° Une interdiction temporaire ou définitive de participer aux manifestations mentionnées à l'article L. 241-2 ; / 2° Une interdiction temporaire ou définitive de participer directement ou indirectement à l'organisation et au déroulement des manifestations sportives mentionnées à l'article L. 241-2 et aux entraînements y préparant ; / 3° Lorsqu'ils sont licenciés d'une fédération sportive agréée, une interdiction temporaire ou définitive d'exercer les fonctions définies à l'article L. 212-1. / Ces sanctions sont prononcées dans les conditions prévues à la section 4 du chapitre II du titre III du présent livre par l'Agence française de lutte contre le dopage ".

9. Il résulte de ces dispositions que l'AFLD peut infliger une interdiction temporaire ou définitive de participer à des manifestations ou d'exercer des fonctions en cas d'infraction ou de tentative d'infraction aux dispositions de l'article L. 241-2 du code du sport. Si les dispositions de l'article L. 241-7 prévoient que les sanctions pour des faits de dopage animal sont prononcées dans les conditions prévues à la section 4 du chapitre II du titre III du livre II du code du sport, elles n'ont pas pour effet de rendre applicables aux faits de dopage animal les sanctions susceptibles d'être prononcées pour des faits de dopage humain, définies en particulier à l'article L. 232-23-3-3 qui différencie les sanctions selon qu'est en cause une " substance ou méthode spécifiée " ou une " substance ou méthode non spécifiée ". Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que les dispositions des articles L. 241-6 et L. 241-7 du code du sport n'étaient pas applicables et que la commission des sanctions de l'AFLD n'aurait pas été compétente pour infliger la sanction attaquée faute de définition, pour les faits de dopage animal, d'un barème différencié selon les mêmes critères que pour les faits de dopage humain.

10. En deuxième lieu, aucune disposition ni aucun principe n'impose que la décision de la commission des sanctions de l'AFLD mentionne les conditions de convocation de ses membres. Par suite, Mme C... ne saurait utilement se prévaloir de ce qu'il ne ressort pas des mentions de la décision qu'elle attaque que les membres de la commission des sanctions auraient été convoqués dans des conditions régulières. Au demeurant, il résulte de l'instruction que ceux-ci ont été convoqués conformément aux prescriptions des articles 2 et 4 de la délibération du 17 septembre 2018 portant règlement intérieur de cette commission, le 3 novembre 2023, soit plus de cinq jours avant la séance du 8 novembre 2023 par un courrier électronique dans lequel figurait l'ordre du jour de la séance.

11. En troisième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article R. 232-11 du code du sport : " Le collège peut désigner un de ses membres ou un agent de l'agence pour le représenter devant la commission des sanctions ". Il résulte de l'instruction qu'en application de ces dispositions, le collège de l'Agence, par une délibération du 6 septembre 2018, a désigné M. E..., directeur des affaires juridiques et institutionnelles, pour le représenter devant la commission des sanctions et, par une délibération du 10 novembre 2022, Mme A..., directrice adjointe des affaires juridiques et institutionnelles, comme représentante suppléante de M. E.... En l'absence de M. E..., Mme A... était, dès lors, habilitée à représenter le collège de l'AFLD lors de cette séance.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 241-18 du code du sport : " L'intéressé et, le cas échéant, son conseil peuvent consulter au secrétariat de l'agence l'intégralité du dossier. Ils peuvent en obtenir copie. / Le membre du collège ou l'agent désigné en application du dernier alinéa de l'article R. 232-11, qui a accès à l'ensemble des pièces du dossier, reçoit, de la part du secrétariat de la commission, une copie des observations écrites de l'intéressé sur les griefs qui lui ont été notifiés et peut y répondre par écrit. La réponse est communiquée à la personne mise en cause ". Contrairement à ce que soutient la requérante, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obligation à l'AFLD de transmettre dans un délai particulier la réponse aux observations de la personne poursuivie, faite par le membre du collège ou par l'agent désigné pour le représenter, de telle sorte que la personne poursuivie puisse y répondre par écrit. Par suite, et alors que l'intéressée a pu réagir à ce rapport, qu'elle a reçu le 2 novembre 2023, lors de l'audience du 8 novembre, le moyen tiré de ce qu'elle n'a pas été mise en mesure de répondre utilement à la réponse écrite produite par le représentant du collège de l'AFLD doit, en tout état de cause être écarté.

13. En cinquième lieu, selon l'article R. 232-94 du code du sport, le rapporteur désigné par le président de la formation établit un rapport exposant les faits et rappelant les conditions du déroulement de la procédure et peut procéder à toute investigation utile dont le résultat est versé au dossier et communiqué avant la séance à l'intéressé et au collège. Le recueil par le secrétariat de la commission de pièces publiquement accessibles sur internet concernant le produit administré par Mme C... contenant la substance incriminée ne constitue pas une mesure d'investigation au sens de l'article R. 232-94 du code du sport. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de cet article auraient été méconnues.

En ce qui concerne la régularité des opérations de contrôle :

14. En premier lieu, l'article L. 232-11 du code du sport, dans sa version alors applicable, dispose que : " sont habilités à procéder aux contrôles diligentés par l'Agence française de lutte contre le dopage ou demandés par les personnes mentionnées à l'article L. 232-13 et à rechercher et constater les infractions aux dispositions prévues aux articles L. 232-9 et L. 232-10 les agents relevant du ministre chargé des sports et les personnes agréées par l'agence et assermentés dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article L. 241-4 du même code : " les prélèvements sur tout animal destinés à mettre en évidence l'utilisation de substances et procédés prohibés ou à déceler la présence dans l'organisme de substances interdites sont réalisés sous la responsabilité des personnes mentionnées à l'article L. 232-11, ayant la qualité de vétérinaire ; les examens cliniques et biologiques doivent être réalisés directement par un vétérinaire ". L'article R. 241du même code précise que : " Les vétérinaires mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 241-4 sont agréés par l'Agence française de lutte contre le dopage ".

15. Il résulte de l'instruction que M. F... a procédé, en sa qualité de vétérinaire agréé par décision de l'AFLD en date du 8 octobre 2020, ayant prêté serment devant le tribunal judiciaire de Créteil le 19 novembre 2020, au contrôle dont a fait l'objet le cheval de la requérante. Ni la circonstance que Mme D..., vétérinaire non encore agréée par l'AFLD au moment du contrôle, ait assisté M. F... en qualité d'aide-vétérinaire, au titre de sa formation et comme le permet l'article R. 232-54 du même code, ni celle qu'ils aient chacun signé le procès-verbal de contrôle dans la case de ce procès-verbal destinée à l'autre, ne sont de nature à affecter la régularité du contrôle. Il s'ensuit que le moyen tiré du défaut d'agrément et d'assermentation des vétérinaires ayant procédé au contrôle ne peut qu'être écarté.

16. En deuxième lieu, si Mme C... soutient que la procédure serait irrégulière, faute d'avoir été informée des droits et responsabilités du sportif alors qu'une telle information doit être portée à la connaissance du sportif lors des contrôles effectués dans le cadre de la lutte contre le dopage humain, il résulte en tout état de cause de l'instruction que le formulaire de notification du contrôle en matière de dopage animal informe la personne responsable de l'animal des sanctions applicables en cas de soustraction au contrôle.

17. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 241-4 du code du sport : " Les contrôles effectués par les vétérinaires agréés comprennent : / 1° Un entretien avec la personne responsable de l'animal et, si le vétérinaire agréé le juge utile, avec le propriétaire ou l'entraîneur. Cet entretien porte notamment sur les médications administrées, le cas échéant sur prescription vétérinaire, à l'animal contrôlé (...) ". En outre, l'article R. 241-6 du même code prévoit que : " Les prélèvements et examens mentionnés à l'article R. 241-5 doivent, à peine de nullité, être faits dans les conditions suivantes : / 1° Les matériels nécessaires pour recueillir les substances mentionnées à l'article R. 241-5 doivent être fournis par le laboratoire chargé de réaliser l'analyse ; / 2° Chaque prélèvement mentionné à l'article R. 241-5 est réparti par le vétérinaire agréé en quantité suffisante dans deux conditionnements scellés qui comportent un étiquetage d'identification portant un numéro de code. La ou les personnes mentionnées au 1° de l'article R. 241-4 sont invitées à assister aux opérations prévues au 2° du même article ". Il résulte de l'instruction, notamment du procès-verbal du contrôle effectué le ..., en présence de Mme C..., qu'un entretien a bien été mené, au cours duquel cette dernière a formulé des observations ayant donné lieu à un rapport complémentaire et que le prélèvement d'échantillons s'est déroulé conformément aux procédures applicables, l'intéressée ayant expressément approuvé la procédure de contrôle et signé ce procès-verbal. Les moyens tirés de ce que l'entretien n'aurait pas eu lieu et que les prélèvements auraient été réalisés de manière irrégulière ne peuvent, par suite, qu'être écartés.

18. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 241-9 du code du sport : " Le vétérinaire agréé transmet à l'Agence française de lutte contre le dopage et à la fédération agréée le procès-verbal ainsi que, le cas échéant, les conclusions qu'il tire pour l'exécution de sa mission de l'examen médical auquel il a procédé. / Un double du procès-verbal est remis au responsable de l'animal. / Le vétérinaire agréé transmet les prélèvements mentionnés à l'article R. 241-5 au laboratoire chargé de réaliser l'analyse ". Il résulte de l'instruction que les échantillons ont été transmis au laboratoire par M. F..., vétérinaire agréé, et que si cette transmission n'a eu lieu que le lendemain du prélèvement, le laboratoire n'a constaté aucune anomalie lorsque ces échantillons ont été ouverts, la capsaïcine, qui n'est pas une molécule endogène chez le cheval, ne pouvant apparaître dans l'échantillon qu'à la suite de l'usage d'un produit contenant cette molécule. Par suite, les moyens tirés de l'irrégularité des conditions de conservation et de transmission des échantillons ne peuvent qu'être écartés. Mme C... ne saurait, de plus, sérieusement invoquer le principe d'égalité pour contester les règles procédurales applicables aux contrôles des faits de dopage animal en se prévalant de différences avec les règles applicables en matière de dopage humain.

En ce qui concerne le bien-fondé de la sanction :

19. En premier lieu, l'arrêté interministériel du 2 mai 2011, relatif aux substances et aux procédés mentionnés à l'article L. 241-2 du code du sport prévoit en son article 1er que : " Les substances, leurs métabolites, quelles qu'en soient les formes stéréo-isomères, visés à l'article L. 241-2 du code du sport, qu'ils soient ou non inclus dans un médicament ou toute autre préparation, sont regroupés par classes pharmacologiques en annexe au présent arrêté ". Cette annexe mentionne notamment les " substances agissant sur le système nerveux telles que : / (...) / Analgésiques périphériques ; / (...) ". Si Mme C... soutient que cette annexe, dès lors qu'elle dresse une liste, non exhaustive, de classes pharmacologiques de substances dont la présence dans le corps d'un animal est susceptible de caractériser des faits de dopage animal, aurait été édictée en méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines, il reste que cette liste vise les analgésiques périphériques, qui constituent la classe pharmacologique dont relève la capsaïcine, produit dont la présence a été relevée dans les urines de son cheval, dont elle ne conteste pas sérieusement qu'elle a l'effet, connu et abondamment documenté, de provoquer une sensation de brûlure chez les chevaux en cas de choc les incitant à sauter plus haut pour éviter de heurter les obstacles. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines ne peut qu'être écarté, Mme C... ne pouvant au surplus invoquer le principe d'égalité au motif que la liste équivalente pour le dopage humain ne reposerait pas sur l'énoncé de classes pharmacologiques de substances.

20. En second lieu, eu égard, notamment, à la nature de la substance en cause, qui est connue comme ayant déjà donné lieu à des cas de dopage animal dans le milieu hippique, aux informations publiquement accessibles sur cette substance et à l'exigence de vigilance quant aux produits administrés ou appliqués aux chevaux qui doit être celle de tout cavalier professionnel, la commission des sanctions de l'AFLD n'a pas en l'espèce infligé de sanctions disproportionnées.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme C... doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... la somme de 1 500 euros à verser à l'AFLD à ce titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme C....

Article 2 : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 3 : Mme C... versera la somme de 1 500 euros à l'Agence française de lutte contre le dopage au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... C... et à l'Agence française de lutte contre le dopage.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et à la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques.

Délibéré à l'issue de la séance du 5 avril 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Anne Courrèges, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Pascal Trouilly, conseillers d'Etat et M. Hadrien Tissandier, auditeur-rapporteur.

Rendu le 15 avril 2024.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Hadrien Tissandier

La secrétaire :

Signé : Mme Eliane Evrard


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 490619
Date de la décision : 15/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 avr. 2024, n° 490619
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Hadrien Tissandier
Rapporteur public ?: M. Clément Malverti
Avocat(s) : CABINET ROUSSEAU, TAPIE ; SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:490619.20240415
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