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05/06/2024 | FRANCE | N°490987

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 05 juin 2024, 490987


Vu la procédure suivante :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 30 juin 2022 par laquelle le général de corps d'armée commandant la région - zone de défense sécurité lui a infligé la sanction de trente jours d'arrêts, dispensée d'exécution.



Par une ordonnance n° 2206659 du 16 janvier 2024, enregistrée le 18 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Lyon a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R.

311-1 du code de justice administrative, la requête de M. A....



Par cett...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 30 juin 2022 par laquelle le général de corps d'armée commandant la région - zone de défense sécurité lui a infligé la sanction de trente jours d'arrêts, dispensée d'exécution.

Par une ordonnance n° 2206659 du 16 janvier 2024, enregistrée le 18 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Lyon a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 311-1 du code de justice administrative, la requête de M. A....

Par cette requête, enregistrée le 4 septembre 2022 au greffe du tribunal administratif de Lyon, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 30 juin 2022 par laquelle le général de corps d'armée commandant la région - zone de défense sécurité lui a infligé la sanction de trente jours d'arrêts, dispensée d'exécution ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la défense ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Lehman, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que le lieutenant A..., commandant d'un peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie, s'est vu infliger, par une décision du 30 juin 2022 de l'autorité militaire de deuxième niveau, la sanction de trente jours d'arrêts avec dispense d'exécution en raison d'un mode de commandement inadapté et de plusieurs manquements déontologiques. M. A... demande au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision.

Sur la régularité de la procédure disciplinaire :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 4137-1 du code de la défense : " (...) Le militaire à l'encontre duquel une procédure de sanction est engagée a droit à la communication de son dossier individuel, à l'information par son administration de ce droit, à la préparation et à la présentation de sa défense. (...) ". Aux termes de l'article R. 4137-15 du même code : " (...) Avant d'être reçu par l'autorité militaire de premier niveau dont il relève, le militaire a connaissance de l'ensemble des pièces et documents au vu desquels il est envisagé de le sanctionner ". Ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de conférer au militaire pour lequel une sanction disciplinaire est envisagée le droit d'obtenir de l'administration des pièces et documents autres que ceux sur lesquels l'autorité militaire entend se fonder pour prononcer sa sanction.

3. Si M. A... soutient que la correspondance anonyme qu'il estime être à l'origine de la procédure disciplinaire ne lui a pas été communiquée et ne figure pas dans son dossier disciplinaire, il ressort toutefois des pièces du dossier que c'est sur le seul fondement du rapport d'enquête de commandement du 3 février 2022 et notamment des témoignages recueillis lors des entretiens menés avec vingt-deux membres du peloton que la procédure disciplinaire le concernant a été engagée. Par suite, M. A... ne peut utilement soutenir que la procédure serait irrégulière du fait de l'absence de cette correspondance au dossier qui lui a été communiqué.

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

4. En deuxième lieu, il ressort des motifs de la décision attaquée que M. A... a été sanctionné pour avoir exercé un mode de commandement inadapté et manqué à ses obligations en raison de l'utilisation anormale des véhicules de service, par son attitude déplacée lors de soirées festives et en ayant détourné des munitions d'exercice. Contrairement à ce que soutient le requérant, il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'enquête de commandement et des témoignages circonstanciés des gendarmes entendus dans ce cadre, que ces faits sont matériellement établis.

5. En troisième lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

6. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 4122-3 du code de la défense : " Le militaire est soumis aux obligations qu'exige l'état militaire conformément au deuxième alinéa de l'article L. 4111-1. Il exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité ". Aux termes de l'article D. 4137-1 du code de la défense : " (...) Le militaire adhère à la discipline militaire, qui respecte sa dignité et ses droits. / La discipline militaire répond à la fois aux exigences du combat et aux nécessités de la vie en communauté. Elle est plus formelle dans le service qu'en dehors du service, où elle a pour objet d'assurer la vie harmonieuse de la collectivité. ". Aux termes de l'article R. 434-6 du code de sécurité intérieure : " I. - Le supérieur hiérarchique veille en permanence à la préservation de l'intégrité physique de ses subordonnés. Il veille aussi à leur santé physique et mentale. Il s'assure de la bonne condition de ses subordonnés. (...) ". Il résulte de ces dispositions, ainsi que le rappelle la " charte du gendarme ", que le militaire de la gendarmerie qui exerce un commandement a des responsabilités et des devoirs proportionnels à son rang, à son grade et à ses fonctions et que les rapports qu'il entretient avec ses subordonnés doivent être fondés sur une loyauté et un respect mutuels.

7. Pour prononcer la sanction litigieuse, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire s'est notamment fondée sur la circonstance que le style de commandement de M. A..., par la pression constante exercée sur ses subordonnés, le dénigrement, les propos vexatoires et les menaces, a directement contribué au mal-être au sein du peloton. Il ressort des pièces du dossier et notamment des divers témoignages recueillis lors de l'enquête de commandement mentionnée au point 3 que le comportement et l'attitude de M. A... vis-à-vis des membres de son peloton étaient contraires à l'éthique, à la déontologie et au respect à l'égard de ses subordonnés attendus d'un officier. En estimant que de tels faits constituaient des fautes de nature à justifier une sanction, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire ne les a pas inexactement qualifiés.

8. Aux termes de l'article L. 4137-2 du code de la défense : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : / 1° Les sanctions du premier groupe sont : / (...) e) Les arrêts (...) ". Eu égard à la qualité d'officier de M. A... et des observations qui lui avaient été adressées pour lui demander d'adapter son comportement à l'égard de ses subordonnés, et alors même que sa manière de servir aurait donné satisfaction, l'autorité militaire n'a pas, compte tenu de la nature des faits reprochés et au regard du pouvoir d'appréciation dont elle disposait, pris une sanction disproportionnée en lui infligeant une sanction du premier groupe de trente jours d'arrêts avec dispense d'exécution.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque. Par suite, sa requête ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre des armées.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 490987
Date de la décision : 05/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 2024, n° 490987
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie Lehman
Rapporteur public ?: M. Nicolas Labrune

Origine de la décision
Date de l'import : 08/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:490987.20240605
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