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19/06/2024 | FRANCE | N°471257

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 19 juin 2024, 471257


Vu la procédure suivante :



La société par actions simplifiée Humanitude à Domicile, enseigne Millepatte, a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite par laquelle le président du conseil départemental de l'Hérault a rejeté sa demande, présentée le 18 juin 2018, d'autorisation de création d'un service d'aide et d'accompagnement à domicile intervenant en mode prestataire auprès des bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie et de la prestation de compensation du handicap, ainsi que la décision du

1er février 2019 rejetant son recours gracieux, et d'enjoindre à cette même aut...

Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée Humanitude à Domicile, enseigne Millepatte, a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite par laquelle le président du conseil départemental de l'Hérault a rejeté sa demande, présentée le 18 juin 2018, d'autorisation de création d'un service d'aide et d'accompagnement à domicile intervenant en mode prestataire auprès des bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie et de la prestation de compensation du handicap, ainsi que la décision du 1er février 2019 rejetant son recours gracieux, et d'enjoindre à cette même autorité de lui délivrer l'autorisation sollicitée ou de réexaminer sa demande. Par un jugement n° 1901551 du 6 octobre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 20TL04576 du 29 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Toulouse a, sur l'appel de la société Humanitude à Domicile, enseigne Millepatte, annulé le jugement du 6 octobre 2020 du tribunal administratif de Montpellier, annulé les décisions du président du conseil départemental de l'Hérault et enjoint à cette autorité de réexaminer la demande d'autorisation dans un délai de deux mois.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 février et 10 mai 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département de l'Hérault demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Humanitude à Domicile, enseigne Millepatte ;

3°) de mettre à la charge de la société Humanitude à Domicile, enseigne Millepatte, la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat du département de l'Hérault et à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Humanitude à domicile enseigne Millepatte ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Humanitude à Domicile, enseigne Millepatte, a déposé le 18 juin 2018, auprès du département de l'Hérault, une demande d'autorisation de création d'un service d'aide et d'accompagnement à domicile des personnes âgées et des personnes handicapées, intervenant " en mode prestataire " auprès de bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie ou de la prestation de compensation du handicap. Une décision implicite de refus étant née du silence gardé par le président du conseil départemental de l'Hérault sur cette demande, la société Humanitude à Domicile, enseigne Millepatte, a sollicité la communication des motifs de ce refus. Par un courrier du 19 octobre 2018, le département lui a indiqué qu'il n'avait pas planifié, par le schéma départemental de programmation de l'offre sociale et médico-sociale prévu par l'article L. 312-5 du code de l'action sociale et des familles, la création de nouveaux services d'aide et d'accompagnement à domicile prestataires puis, le 1er février 2019, statuant sur son recours gracieux, que le projet n'était pas compatible avec ce schéma départemental. Par un jugement du 6 octobre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la société tendant à l'annulation de la décision de refus du département et du rejet de son recours gracieux et à ce qu'il soit enjoint sous astreinte à ce dernier de réexaminer sa demande. Le département de l'Hérault se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 décembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Toulouse a, sur appel de la société Humanitude à Domicile, enseigne Millepatte, annulé le jugement du 6 octobre 2020 et les décisions du président du conseil départemental de l'Hérault et enjoint à cette autorité de réexaminer la demande d'autorisation de cette société dans un délai de deux mois.

2. D'une part, en vertu des 6° et 7° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, les services qui apportent aux personnes âgées ou aux personnes handicapées, à domicile, une assistance dans les actes quotidiens de la vie ou une aide à l'insertion sociale sont des services sociaux au sens de ce code et doivent, à ce titre, en vertu des articles L. 313-1 et L. 313-3 du même code, faire l'objet d'une autorisation, délivrée par le président du conseil départemental. Le I de l'article L. 313-1-1 du même code soumet à une procédure d'appel à projet, dont sont exonérés certains projets en vertu du II du même article, les projets de création de services sociaux et médico-sociaux relevant de l'article L. 312-1 qui " font appel, partiellement ou intégralement, à des financements publics ", en précisant que ces financements publics " s'entendent de ceux qu'apportent directement ou indirectement, en vertu de dispositions législatives ou réglementaires, les personnes morales de droit public ou les organismes de sécurité sociale en vue de supporter en tout ou partie des dépenses de fonctionnement. " Aux termes de l'article L. 313-4 du même code : " L'autorisation est accordée si le projet : / 1° Est compatible avec les objectifs et répond aux besoins sociaux et médico-sociaux fixés par le schéma régional de santé ou par le schéma d'organisation sociale et médico-sociale dont il relève (...) ; / 2° Satisfait aux règles d'organisation et de fonctionnement prévues par le présent code et prévoit les démarches d'évaluation et les systèmes d'information respectivement prévus aux articles L. 312-8 et L. 312-9 ; / 3° Répond au cahier des charges établi, dans des conditions fixées par décret, par les autorités qui délivrent l'autorisation, sauf en ce qui concerne les projets visés au II de l'article L. 313-1-1 (...). / Pour les projets ne relevant pas de financements publics, l'autorisation est accordée si le projet satisfait aux règles d'organisation et de fonctionnement prévues au présent code, et prévoit les démarches d'évaluation ".

3. D'autre part, en vertu du troisième alinéa de l'article L. 313-6 du code de l'action sociale et des familles, cette autorisation vaut, sauf mention contraire, habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale. L'article L. 313-1-2 prévoit que si, en revanche, un service d'aide et d'accompagnement à domicile relevant des 6° ou 7° du I de l'article L. 312-1 ne détient pas l'habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale, il doit, pour intervenir auprès des bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie et de la prestation de compensation du handicap, y être autorisé spécifiquement. Cette autorisation spécifique peut, tout comme l'habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale, être refusée pour les motifs énoncés à l'article L. 313-8 du même code, notamment lorsque les coûts de fonctionnement sont susceptibles d'entraîner, pour les budgets des collectivités territoriales, des charges injustifiées ou excessives, compte tenu d'un objectif annuel ou pluriannuel d'évolution des dépenses délibéré par la collectivité concernée en fonction de ses obligations légales, de ses priorités en matière d'action sociale et des orientations des schémas départementaux mentionnés à l'article L. 312-5 de ce code. En vertu de l'article L. 232-15 du même code, lorsque le bénéficiaire de l'allocation personnalisée d'autonomie recourt à un service d'aide à domicile autorisé, une partie de cette allocation est destinée à rémunérer ce service, l'allocataire pouvant choisir qu'elle lui soit versée ou qu'elle soit directement versée à ce dernier. De même, il résulte des articles L. 245-3, L. 245-4, L. 245-5 et L. 245-12 du même code que l'élément de la prestation de compensation du handicap affecté aux charges liées à un besoin d'aides humaines doit être employé, selon le choix de la personne handicapée, à rémunérer directement un ou plusieurs salariés ou un service prestataire d'aide à domicile.

4. Enfin, le V de l'article 47 de la loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement prévoit que : " Jusqu'au 31 décembre 2022, l'autorisation de création ou d'extension d'un service d'aide et d'accompagnement à domicile relevant des 6° ou 7° du I de l'article L. 312-1 assortie de l'habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale ou de l'autorisation prévue à l'article L. 312-1-2 du même code, ainsi qu'une telle habilitation ou autorisation pour un service préexistant, sont exonérées de la procédure d'appel à projets prévue au I de l'article L. 313-1-1 dudit code. / Le président du conseil départemental dispose d'un délai de trois mois à compter de la réception de la demande du service d'aide et d'accompagnement à domicile pour se prononcer. La demande peut être rejetée pour les motifs prévus à l'article L. 313 8 du même code. L'absence de réponse dans le délai de trois mois vaut rejet. (...) "

5. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que les services d'aide et d'accompagnement à domicile autorisés spécifiquement à intervenir auprès des bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie ou de la prestation de compensation du handicap sur le fondement de l'article L. 313-1-2 du code de l'action sociale et des familles, qui sont rémunérés, lorsqu'ils interviennent auprès de ces bénéficiaires, par tout ou partie de cette allocation ou de cette prestation et qui ne sont exonérés de la procédure d'appel à projet prévue à l'article L. 313-1-1 du même code que pendant la période transitoire prévue par le V de l'article 47 de la loi du 28 décembre 2015, doivent être regardés comme faisant appel à des financements publics au sens de l'article L. 313-1-1 de ce code.

6. Par suite, en jugeant que la seule circonstance qu'un service d'aide et d'accompagnement à domicile intervienne auprès de bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie ou de la prestation de compensation du handicap ne permettait pas de le regarder comme faisant appel à des financements publics au sens de l'article L. 313-1-1 du code de l'action sociale et des familles, pour en déduire que les motifs permettant de refuser d'autoriser un projet faisant appel à de tels financements ne pouvaient légalement lui être opposés, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le département de l'Hérault est fondé à demander pour ce motif l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Humanitude à Domicile, enseigne Millepatte, une somme de 3 000 euros à verser au département de l'Hérault au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de ce département, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 29 décembre 2022 de la cour administrative d'appel de Toulouse est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Toulouse.

Article 3 : La société Humanitude à Domicile, enseigne Millepatte, versera une somme de 3 000 euros au département de l'Hérault au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la société Humanitude à Domicile, enseigne Millepatte, sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au département de l'Hérault et à la société par actions simplifiée Humanitude à Domicile, enseigne Millepatte.

Délibéré à l'issue de la séance du 3 juin 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Alban de Nervaux, M. Vincent Mazauric, conseillers d'Etat ; Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice-rapporteure.

Rendu le 19 juin 2024.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

La rapporteure :

Signé : Mme Ariane Piana-Rogez

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 471257
Date de la décision : 19/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 2024, n° 471257
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ariane Piana-Rogez
Rapporteur public ?: M. Mathieu Le Coq
Avocat(s) : SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES ; SCP PIWNICA & MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:471257.20240619
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