Vu la procédure suivante :
Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 26 décembre 2023 et 6 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 7 juillet 2023 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a rejeté sa demande de nomination au grade de lieutenant avec effet rétroactif à compter du 1er août 2022, date de son admission en formation complémentaire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la défense ;
- le décret n° 2008-946 du 12 septembre 2008 ;
- le décret n° 2008-947 du 12 septembre 2008 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Céline Boniface, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 juin 2024, présentée par M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., admis au sein de l'école des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN) au titre du concours interne réservé aux sous-officiers de la gendarmerie nationale, a demandé à être nommé rétroactivement au grade de lieutenant à la date de son admission en formation complémentaire. Il demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a rejeté sa demande.
Sur la recevabilité des conclusions :
2. Aux termes du I de l'article R. 4125-1 du code de la défense : " Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense. (...) ". Aux termes de l'article R. 4125-10 du même code : " Dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, la commission notifie à l'intéressé la décision du ministre compétent, ou le cas échéant, des ministres conjointement compétents. La décision prise sur son recours, qui est motivée en cas de rejet, se substitue à la décision initiale. (...) / L'absence de décision notifiée à l'expiration du délai de quatre mois vaut décision de rejet du recours formé devant la commission ".
3. S'il est saisi de conclusions tendant à l'annulation d'une décision qui ne peut donner lieu à un recours devant le juge de l'excès de pouvoir qu'après l'exercice d'un recours administratif préalable et si le requérant indique, de sa propre initiative ou le cas échéant à la demande du juge, avoir exercé ce recours et, le cas échéant après que le juge l'y eut invité, produit la preuve de l'exercice de ce recours ainsi que, s'il en a été pris une, la décision à laquelle il a donné lieu, le juge de l'excès de pouvoir doit regarder les conclusions dirigées formellement contre la décision initiale comme tendant à l'annulation de la décision, née de l'exercice du recours, qui s'y est substituée.
4. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... demande l'annulation de la décision du 7 juillet 2023 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer a rejeté sa demande de nomination rétroactive au 1er août 2022 dans le corps des officiers de gendarmerie, il joint à sa requête la copie du recours préalable qu'il a formé le 26 juillet 2023 auprès de la commission des recours militaires, ainsi que la décision du 27 février 2024 rejetant expressément son recours. Il convient donc de regarder ses conclusions dirigées formellement contre la décision initiale comme tendant à l'annulation de la décision de rejet qui s'y est substituée et, par suite, d'écarter la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur et des outre-mer tirée de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre la décision du 7 juillet 2023.
Sur le bien-fondé des conclusions :
5. Aux termes de l'article 5 du décret du 12 septembre 2008 portant statut particulier du corps des officiers de gendarmerie, " Les officiers de gendarmerie sont recrutés : /1° Parmi les élèves diplômés de l'Ecole des officiers de la gendarmerie nationale ;/ 2° Par concours ;/ 3° Parmi les élèves inscrits au tableau de classement de sortie de l'Ecole polytechnique et les anciens élèves de l'Ecole spéciale militaire, de l'Ecole navale ou de l'Ecole de l'air et de l'espace ;/ 4° Au choix ". Aux termes de l'article 6 du même décret, " L'admission à la formation initiale dispensée à l'Ecole des officiers de la gendarmerie nationale s'effectue :/ 1° Par un ou plusieurs concours sur épreuves ouverts aux candidats titulaires d'un diplôme ou titre conférant le grade de master ou d'un diplôme ou titre homologué ou enregistré au répertoire national des certifications professionnelles au niveau I (1) et âgés de vingt-sept ans au plus ; / 2° Par un ou plusieurs concours sur épreuves ouverts aux fonctionnaires civils de l'Etat, des collectivités territoriales, d'un établissement public ou d'un organisme international, comptant au moins cinq ans de service dans un corps de catégorie A ou assimilé et âgés de trente-cinq ans au plus ; / 3° Par un ou plusieurs concours sur épreuves ouverts aux sous-officiers de carrière de gendarmerie titulaires d'une licence de l'enseignement supérieur général ou technologique, d'un autre titre ou diplôme classé au moins au niveau II, d'un titre ou diplôme reconnu comme équivalent à ces derniers ou d'un titre professionnel dont la liste est établie par arrêté du ministre de l'intérieur, ayant accompli au moins six ans de services civils et militaires en qualité de sous-officier de gendarmerie ou dans un corps de catégorie B, et âgés de trente-six ans au plus ;/ 4° Par un ou plusieurs concours sur titres ouverts aux candidats titulaires d'un titre d'ingénieur ou d'un titre conférant le grade de master dans une matière figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre de l'intérieur, en fonction des besoins de la gendarmerie, et âgés de vingt-sept ans au plus ". Enfin, aux termes de l'article 19 du même décret : " Les élèves admis à l'Ecole des officiers de la gendarmerie nationale au titre du 1° et du 4° de l'article 6 suivent la formation initiale, d'une durée d'une année scolaire, en qualité d'officier sous contrat, au grade de sous-lieutenant, et la formation complémentaire, d'une durée d'une année scolaire, en qualité d'officier sous contrat, au grade de lieutenant. / Les élèves admis au titre du 3° de l'article 6 conservent leur statut de sous-officier de carrière, conformément aux dispositions du décret n° 2008-947 du 12 septembre 2008 fixant certaines dispositions applicables aux élèves militaires des écoles militaires d'élèves officiers de carrière susvisé. Ils suivent la formation initiale au grade d'aspirant et la formation complémentaire au grade de sous-lieutenant. / Les élèves recrutés au titre des articles 9 et 10 suivent la formation complémentaire en qualité d'officier de carrière de gendarmerie, au grade de lieutenant. / Les élèves recrutés au titre du 2° de l'article 8 suivent la formation complémentaire en qualité d'officier de carrière de gendarmerie, au grade de capitaine ".
6. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.
7. Les dispositions du décret du 12 septembre 2008 citées au point 5 prévoient que seuls les élèves qui doivent justifier, pour les besoins de leur recrutement, d'un niveau académique au moins équivalent à un master II et n'ont ainsi pas à suivre une formation diplômante pour terminer leur scolarité, sont nommés immédiatement au grade de lieutenant. Les dispositions du même décret qui réservent à certains élèves de l'EOGN l'accès, en cours de scolarité, au corps des officiers, ne font que tirer la conséquence de la différence née de leur voie de recrutement, particulièrement du niveau académique dont ils doivent justifier pour être admis en formation complémentaire au sein de l'EOGN. Cette différence de traitement est en rapport direct avec la norme qui l'établit et n'est pas manifestement disproportionnée au regard des motifs qui la justifient. Par suite et en tout état de cause, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision qu'il conteste aurait été prise en application de dispositions illégales. Sa requête ne peut donc qu'être rejetée.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.