Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 décembre 2022 et 18 août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement (SNIAE-FO) demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le courrier électronique du 6 octobre 2022 intitulé " Campagne de télétravail 2022-2024 " et adressé aux agents de la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) du ministère de l'agriculture et de l'alimentation par le chef de la mission affaires générales et ressources humaines de cette direction.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le décret n° 2016-151 du 11 février 2016 ;
- l'arrêté du 13 avril 2022 portant application au ministère de l'agriculture et de l'alimentation du décret n° 2016-151 du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Le Syndicat national des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement (SNIAE-FO) demande l'annulation pour excès de pouvoir du courrier électronique du 6 octobre 2022 par lequel le chef de la mission affaires générales et ressources humaines de la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) du ministère de l'agriculture et de l'alimentation a précisé aux agents de cette direction les modalités d'organisation du télétravail pour la campagne 2022-2023. Ce courrier électronique prévoit notamment, à titre d'" orientations générales ", pour les assistants et les chargés de mission de la DGPE, la possibilité d'une à deux journées de télétravail au maximum par semaine, et souligne la nécessité de " garantir un nombre de jours en présentiel ".
Sur la légalité externe du courrier électronique attaqué :
2. Aux termes du I de l'article 7 du décret du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature : " Un arrêté ministériel pour la fonction publique de l'Etat, une délibération de l'organe délibérant pour la fonction publique territoriale, une décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination pour la fonction publique hospitalière, pris après avis du comité technique ou du comité consultatif national compétent, fixe : / 1° Les activités éligibles au télétravail ; / 2° La liste et la localisation des locaux professionnels éventuellement mis à disposition par l'administration pour l'exercice des fonctions en télétravail, le nombre de postes de travail qui y sont disponibles et leurs équipements ; / 3° Les règles à respecter en matière de sécurité des systèmes d'information et de protection des données ; / 4° Les règles à respecter en matière de temps de travail, de sécurité et de protection de la santé ; / (...) ".
3. Contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, le courrier électronique attaqué n'a eu ni pour objet ni pour effet de modifier les dispositions des arrêtés portant application au ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt du décret du 11 février 2016 précité, qu'il s'agisse de celui du 2 août 2016, lequel était en tout état de cause abrogé depuis le 17 avril 2022 par l'arrêté éponyme du 13 avril 2022, ou de ce dernier. Par suite, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que le comité technique ministériel aurait dû, en application des dispositions précitées du décret du 11 février 2016, être préalablement consulté sur le contenu du courrier électronique attaqué.
Sur la légalité interne du courrier électronique attaqué :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 3 du décret du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature : " La quotité des fonctions pouvant être exercées sous la forme du télétravail ne peut être supérieure à trois jours par semaine. Le temps de présence sur le lieu d'affectation ne peut être inférieur à deux jours par semaine (...) ". Aux termes de l'article 5 de ce même décret : " L'exercice des fonctions en télétravail est accordé sur demande écrite de l'agent. (...) Le chef de service, l'autorité territoriale ou l'autorité investie du pouvoir de nomination apprécie la compatibilité de la demande avec la nature des activités exercées et l'intérêt du service (...) ".
5. Il résulte des dispositions du décret du 11 février 2016 citées au point 4 que celui-ci se borne à fixer un plafond de quotité d'activité pouvant être exercée en télétravail, et un seuil minimal de quotité d'activité devant être exercée sur le lieu d'affectation. Il revient au ministre chargé de l'agriculture, compétent au titre de ses prérogatives d'organisation des services placés sous son autorité, d'établir, dans le respect des règles fixées par ce décret, le cadre applicable à la mise en œuvre du télétravail au sein de son administration. Le chef de la mission affaires générales et ressources humaines de la DGPE avait donc compétence, par délégation du ministre, pour fixer, dans le cadre d'orientations générales, à deux jours par semaine la quotité maximale d'activité pouvant être exercée en télétravail par les assistants et les chargés de mission de cette direction relevant de sa compétence. Il n'a, ce faisant, pas méconnu le plafond et le seuil définis par l'article 3 du décret du 11 février 2016.
6. En deuxième lieu, si le syndicat requérant soutient que le courrier électronique attaqué méconnaît le décret du 11 février 2016 en ce qu'il dispense les chefs de service de la DGPE de l'examen des circonstances particulières et personnelles propres à chaque agent de cette direction qui leur transmet une demande écrite d'activité en télétravail, ce courrier électronique précise au contraire que des dérogations aux orientations générales qu'il fixe seront accordées au cas par cas en fonction de la situation de chaque agent et, par exemple, de leur état de santé. Dès lors, ce moyen manque en fait et doit être écarté.
7. En troisième et dernier lieu, le courrier électronique attaqué n'a ni pour objet, ni pour effet de restreindre les possibilités de télétravail prévues par le décret du 11 février 2016 puisqu'il se contente de fixer un plafond de quotité d'activité en télétravail de deux jours par semaine pour les assistants et les chargés de mission de la DGPE respectant le maximum de trois jours par semaine fixé par l'article 3 de ce décret et de préciser que des dérogations à cette orientation générale sont possibles, au cas par cas, en fonction de la situation des agents qui demandent à bénéficier du télétravail. Par suite, le moyen tiré de ce que ce courrier électronique méconnaîtrait le principe d'égalité de traitement des agents publics en instaurant un régime de télétravail moins favorable pour les agents de la DGPE du ministère chargé de l'agriculture ne peut qu'être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le Syndicat national des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement n'est pas fondé à demander l'annulation de l'acte qu'il attaque. Sa requête doit, par suite, être rejetée.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête du Syndicat national des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement (SNIAE-FO) est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au Syndicat national des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement (SNIAE-FO) et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Délibéré à l'issue de la séance du 27 juin 2024 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, président de chambre, présidant ; Mme Sylvie Pellissier, conseillère d'Etat et Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 10 juillet 2024.
Le président :
Signé : M. Stéphane Verclytte
La rapporteure :
Signé : Mme Muriel Deroc
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova