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24/07/2024 | FRANCE | N°489838

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 24 juillet 2024, 489838


Vu les procédures suivantes :



Par deux requêtes et deux mémoires en réplique, enregistrés les 1er décembre 2023 et 2 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous les numéros 489838 et 489839, M. A... B... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er décembre 2022, confirmée après recours gracieux le 2 mars 2023, par laquelle la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) s'est déclarée incompétente pour traiter sa réclamation dirigée contre le refus qui aurait été opposé par

le greffe du tribunal administratif de Cergy-Pontoise à sa demande d'accès aux do...

Vu les procédures suivantes :

Par deux requêtes et deux mémoires en réplique, enregistrés les 1er décembre 2023 et 2 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous les numéros 489838 et 489839, M. A... B... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er décembre 2022, confirmée après recours gracieux le 2 mars 2023, par laquelle la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) s'est déclarée incompétente pour traiter sa réclamation dirigée contre le refus qui aurait été opposé par le greffe du tribunal administratif de Cergy-Pontoise à sa demande d'accès aux données à caractère personnel le concernant contenues dans l'application " Sagace " et liées aux dossiers nos 1702662 et 1707748.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- la loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 ;

- l'arrêté du 11 avril 2005 relatif à un traitement automatisé d'informations nominatives concernant la gestion de l'ensemble des activités contentieuses du Conseil d'Etat, des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Alexandra Poirson, auditrice,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes de M. B... sont dirigées contre la même décision de la CNIL. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a saisi la CNIL d'une réclamation tendant à ce qu'il soit enjoint au président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise de lui donner accès aux données personnelles le concernant, contenues dans le traitement automatisé d'informations dénommé " Sagace " et relatives à deux affaires jugées, à sa demande, par ce tribunal. Par une décision du 1er décembre 2022, confirmée après recours gracieux de M. B... le 2 mars 2023, la CNIL s'est déclarée incompétente pour se prononcer sur cette réclamation, au motif que ce traitement était relatif à l'exercice, par le tribunal administratif, de sa fonction juridictionnelle.

3. D'une part, aux termes du 1 de l'article 51 du règlement européen du 27 avril 2016 : " Chaque État membre prévoit qu'une ou plusieurs autorités publiques indépendantes sont chargées de surveiller l'application du présent règlement, afin de protéger les libertés et droits fondamentaux des personnes physiques à l'égard du traitement et de faciliter le libre flux des données à caractère personnel au sein de l'Union (ci-après dénommée "autorité de contrôle") ". Aux termes du 3 de l'article 55 du règlement : " Les autorités de contrôle ne sont pas compétentes pour contrôler les opérations de traitement effectuées par les juridictions dans l'exercice de leur fonction juridictionnelle ".

4. D'autre part, en vertu du I de l'article 8 de la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, autorité administrative indépendante, est l'autorité de contrôle nationale au sens et pour l'application du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016. Toutefois, eu égard aux dispositions du 3 de l'article 55 mentionnées au point précédent, ce contrôle ne s'étend pas aux opérations de traitement effectuées par les juridictions dans l'exercice de leur fonction juridictionnelle. L'article 45 de la loi du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique a introduit dans le code de justice administrative un chapitre V relatif au contrôle des opérations de traitement de données à caractère personnel effectuées par les juridictions administratives dans l'exercice de leur fonction juridictionnelle, comportant un article unique L115-1, en vertu duquel, selon les modalités qu'il prévoit, le Conseil d'Etat est chargé du contrôle des opérations de traitement des données à caractère personnel effectuées dans l'exercice de leur fonction juridictionnelle notamment par les juridictions administratives de droit commun.

5. Le traitement automatisé d'informations " Sagace ", mis en œuvre par le Conseil d'Etat, les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs, a pour objet de permettre aux parties à une instance de consulter à distance les informations contenues dans leur dossier et de suivre l'instruction de leur affaire en prenant connaissance des actes de procédure des différentes parties et de la juridiction. Les opérations réalisées par ce traitement sont donc relatives à l'exercice par ces juridictions de leur fonction juridictionnelle. Ainsi, elles ne relèvent pas, eu égard aux dispositions du 3 de l'article 55 du règlement du 27 avril 2016, de la compétence de la CNIL, qui est l'autorité de contrôle nationale au sens et pour l'application de ce règlement. Elles relèvent désormais, en vertu de la loi du 21 mai 2024, du contrôle confié, en particulier pour les opérations réalisées par les tribunaux administratifs, au Conseil d'Etat.

6. Il ressort des pièces du dossier que la demande de M. B... était relative aux éventuelles connexions au traitement Sagace intervenues les 24 et 28 octobre 2019, dates auxquelles il avait déposé deux mémoires auprès du tribunal administratif de Cergy-Pontoise dans le cadre de l'instruction de son affaire, et visait en particulier à s'assurer que le rapporteur public en avait eu connaissance avant de conclure à l'audience. Une telle demande était donc relative à l'exercice par le tribunal administratif de sa fonction juridictionnelle Par suite, c'est à bon droit que la CNIL s'est déclarée incompétente, en application des dispositions du règlement du 27 avril 2016 citées au point 3, pour se prononcer sur la réclamation de M. B.... Sont en outre, et en tout état de cause, sans incidence à cet égard, d'une part, l'arrêt du 5 octobre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a prononcé un non-lieu sur la requête de M. B... tendant à ce qu'il soit enjoint à la CNIL d'instruire sa réclamation et, d'autre part, la circonstance que l'arrêté du 11 avril 2005 régissant le traitement " Sagace " mentionne l'article 39 de la loi du 6 janvier 1978 alors en vigueur et relatif au droit d'accès et de rectification des personnes concernées par un traitement automatisé d'informations. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par la CNIL, que les requêtes de M. B... doivent être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes de M. B... sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Délibéré à l'issue de la séance du 4 juillet 2024 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et Mme Alexandra Poirson, auditrice-rapporteure.

Rendu le 24 juillet 2024.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

La rapporteure :

Signé : Mme Alexandra Poirson

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Vella


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 489838
Date de la décision : 24/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2024, n° 489838
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Alexandra Poirson
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:489838.20240724
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