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24/07/2024 | FRANCE | N°495961

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 24 juillet 2024, 495961


Vu les procédures suivantes :



1° Sous le n° 495961, par une requête, enregistrée le 15 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Union française contre les nuisances des aéronefs (UFCNA), l'Association de défense contre les nuisances aériennes (ADVOCNAR), l'association Défense des riverains de l'aéroport Paris-Orly (DRAPO), l'association SOS Paris et l'association inCOPruptibles demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 4 juillet 2024 porta...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 495961, par une requête, enregistrée le 15 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Union française contre les nuisances des aéronefs (UFCNA), l'Association de défense contre les nuisances aériennes (ADVOCNAR), l'association Défense des riverains de l'aéroport Paris-Orly (DRAPO), l'association SOS Paris et l'association inCOPruptibles demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 4 juillet 2024 portant création du vertiport de Paris-Austerlitz et son ouverture à la circulation aérienne publique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le Conseil d'Etat est compétent en premier et dernier ressort pour connaître de leur requête ;

- leur requête n'est pas tardive ;

- elles justifient d'un intérêt pour agir ;

- la condition d'urgence est présumée satisfaite en vertu de l'article L. 123-16 du code de l'environnement dès lors que le commissaire enquêteur a rendu un avis défavorable au projet et est au demeurant remplie dès lors que la décision contestée porte une atteinte grave et immédiate aux intérêt collectifs qu'elles défendent, sans qu'aucun intérêt public ne s'y oppose ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires aurait dû préalablement être saisie pour avis, en vertu du 6° de l'article L. 6361-7 du code des transports et du 1° de l'article R. 6360-7 du même code ;

- l'étude d'impact est manifestement insuffisante en ce qu'elle n'analyse pas les incidences du survol entre le périphérique et l'hélistation d'Issy-les-Moulineaux, en méconnaissance de l'article R. 122-5 du code de l'environnement ;

- l'arrêté litigieux méconnaît l'arrêté du 21 février 2018 portant création d'une zone interdite, identifiée LF-P 23 Paris (Paris) dans la région d'information de vol de Paris, en l'absence d'autorisation du préfet de police de Paris accordée à l'exploitant des aéronefs, à supposer qu'elle puisse l'être pour 900 vols et pour une durée de six mois ;

- aucun certificat de navigabilité des aéronefs n'a été délivré par le ministre de l'aviation civile, en méconnaissance des articles R. 6221-2 et R. 6221-3 du code des transports, des articles 2, 10 et 11 du règlement (UE) 2018/1139 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2018.

2° Sous le n° 496112, par une requête, enregistrée le 17 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Ville de Paris et le maire de son 13ème arrondissement demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 123-16 du code de l'environnement et de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 4 juillet 2024 portant création du vertiport de Paris-Austerlitz et son ouverture à la circulation aérienne publique ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le Conseil d'Etat est compétent en premier et dernier ressort pour connaître de leur requête ;

- ils justifient d'un intérêt pour agir ;

- aucune condition d'urgence n'est requise sur le fondement de l'article L. 123-16 du code de l'environnement dès lors que le commissaire enquêteur a rendu un avis défavorable au projet et cette condition est en tout état de cause satisfaite eu égard à l'atteinte portée par l'arrêté attaqué à l'environnement, notamment aux berges de la Seine, aux risques majeurs pour la sécurité publique qu'il comporte et aux nuisances sonores importantes dont il est la source ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires aurait dû préalablement être saisie pour avis en vertu du 6° de l'article L. 6361-7 du code des transports, de même que l'architecte des bâtiments de France en vertu de l'article L. 621-32 du code du patrimoine ;

- l'étude d'impact est manifestement insuffisante en ce qu'elle n'analyse pas les incidences du survol entre le périphérique et l'hélistation d'Issy-les-Moulineaux, en méconnaissance de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, ce qui l'a conduite à analyser de façon insuffisante l'impact du projet sur les nuisances sonores, les activités attenantes au port, la biodiversité, l'énergie et le carbone, les transports, la sécurité et les risques pour les personnes et les biens ;

- l'arrêté litigieux aurait dû être motivé au regard de ses incidences sur l'environnement et prévoir les mesures d'éviction, de réduction ou de compensation nécessaires en application de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement ;

- il méconnaît les dispositions des articles R. 6312-1 et R. 6311-6 du code des transports, qui auraient dû conduire à interdire le vertiport eu égard aux atteintes qu'il porte à la sécurité publique et à l'environnement et aux nuisances sonores qu'il engendre et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il induit des vols prohibés par l'arrêté du 21 février 2018 portant création d'une zone interdite, identifiée LF-P 23 Paris (Paris) dans la région d'information de vol de Paris.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code du patrimoine ;

- le code des transports ;

- l'arrêté du 6 mai 1995 relatif aux aérodromes et autres emplacements utilisés par les hélicoptères ;

- l'arrêté du 21 février 2018 portant création d'une zone interdite, identifiée LF-P 23 Paris (Paris) dans la région d'information de vol de Paris ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". Aux termes de l'article L. 554-12 du même code : " La décision de suspension d'une décision d'aménagement soumise à une enquête publique préalable obéit aux règles définies par l'article L. 123-16 du code de l'environnement. " Cet article dispose que : " Le juge administratif des référés, saisi d'une demande de suspension d'une décision prise après des conclusions défavorables du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête, fait droit à cette demande si elle comporte un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de celle-ci. (...) "

2. En vertu de l'article L. 6300-1 du code des transports : " Constitue un aérodrome tout terrain ou plan d'eau spécialement aménagé pour l'atterrissage, le décollage et les manœuvres d'aéronefs. (...) ", les hélistations étant, selon l'article R. 6311-6 du même code, des aérodromes pour hélicoptères, auxquels s'appliquent les dispositions de ce code relatives au statut des aérodromes, sous réserve de dispositions particulières établies par arrêté interministériel. Aux termes de l'article L. 6312-1 du même code : " Est dit ouvert à la circulation aérienne publique l'aérodrome dont tous les aéronefs présentant les caractéristiques techniques appropriées sont autorisés à faire usage dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. " L'article R. 6311-2 de ce code subordonne à une autorisation administrative la décision de création d'un aérodrome par une personne autre que l'Etat. Les articles D. 6312-4 et D. 6312-5 du même code précisent que la demande d'autorisation de créer un aérodrome ouvert à la circulation aérienne publique est adressée au ministre chargé de l'aviation civile, auquel incombe la décision à prendre, accompagnée d'un dossier dont il fixe par arrêté la composition. Enfin, l'article R. 6312-12 de ce code prévoit que : " Lorsque plusieurs aérodromes ouverts à la circulation aérienne publique desservent une même région, le ministre chargé de l'aviation civile peut réglementer leur utilisation dans l'intérêt général et, notamment, réserver spécialement chacun d'eux à certains types d'appareils ou à certaines natures d'activités aériennes ou d'opérations commerciales " et l'article 1-1 de l'arrêté du 6 mai 1995 relatif aux aérodromes et autres emplacements utilisés par les hélicoptères que le ministre chargé de l'aviation civile peut autoriser l'utilisation d'une hélistation par certains VTOL (vertical take-off and landing), qu'il définit comme " un aéronef plus lourd que l'air à décollage et atterrissage verticaux remplissant l'ensemble des conditions " qu'il précise.

3. En application de ces dispositions, le ministre chargé des transports a, par un arrêté du 4 juillet 2024, autorisé la création, par Aéroports de Paris, d'une hélistation ouverte à la circulation aérienne publique et dénommée " Vertiport de Paris-Austerlitz ", située sur le territoire de la Ville de Paris (quai d'Austerlitz, 13e arrondissement) et réservée à l'usage de certains VTOL. Il a également décidé de soumettre les conditions d'exploitation de cette plateforme, composée d'un ponton amarré à un emplacement pour péniche et relié à la berge par une passerelle, à des restrictions " tenant compte de son caractère expérimental " en limitant cette exploitation à deux mouvements de vol par heure, entre 8h et 17h, et à un total de 900 vols sur la totalité de la période d'exploitation, courant jusqu'au 31 décembre 2024 au plus tard. Cette décision a été soumise à une évaluation environnementale, réalisée après examen au cas par cas, et à une enquête publique, ayant donné lieu à un avis défavorable du commissaire enquêteur.

4. L'association Union française contre les nuisances des aéronefs et d'autres associations, d'une part, la Ville de Paris et le maire de son 13e arrondissement, d'autre part, demandent au juge des référés du Conseil d'Etat de suspendre l'exécution de cet arrêté sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative et également, s'agissant de la Ville de Paris et du maire de son 13e arrondissement, sur le fondement de l'article L. 123-16 du code de l'environnement. Il y a lieu de joindre ces requêtes, tendant à la suspension de l'exécution du même arrêté, pour y statuer par une seule décision.

5. En premier lieu, les limitations liées au caractère expérimental de l'aérodrome que l'arrêté attaqué apporte aux conditions de son exploitation ne peuvent être regardées comme des mesures visant à assurer la protection de l'environnement sonore de cet aérodrome au sens du 6° de l'article L. 6361-7 du code des transports ou comme des restrictions relevant de celles que le ministre chargé de l'aviation civile peut fixer, pour des raisons environnementales, en vue de réduire les nuisances sonores liées au trafic des hélicoptères dans les zones à forte densité de population, sur le fondement du 1° de l'article R. 6360-7 du même code, soumises par ces dispositions respectives à l'avis de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires.

6. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué se bornant à autoriser la création et l'ouverture à la circulation aérienne de l'hélistation en cause et à en réglementer l'utilisation, le moyen tiré de ce que l'étude d'impact aurait dû s'étendre aux incidences du survol entre le périphérique et l'hélistation d'Issy-les-Moulineaux n'est pas propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée. Pour le même motif, le moyen tiré de ce qu'il induirait des vols prohibés par l'arrêté du 21 février 2018 portant création d'une zone interdite, identifiée LF-P 23 Paris (Paris) dans la région d'information de vol de Paris est inopérant. Les requérants ne peuvent pas plus utilement se prévaloir du fait qu'aucun certificat de navigabilité des aéronefs n'aurait, à la date à laquelle il a été pris, été délivré par le ministre de l'aviation civile aux VTOL auxquels son utilisation est réservée.

7. En l'état de l'instruction à la date de la présente ordonnance, il apparaît dès lors manifeste qu'aucun de ces moyens n'est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué. Il en va de même des autres moyens soulevés. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions présentées par les requérants tendant à la suspension de son exécution, par application des dispositions de l'article L. 522-3 du code de justice administrative. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 ne peuvent, par suite, qu'être également rejetées.

O R D O N N E :

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Article 1er : Les requêtes de l'association Union française contre les nuisances des aéronefs et autres et de la Ville de Paris et autre sont rejetées.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Union française contre les nuisances des aéronefs (UFCNA), première dénommée, pour l'ensemble des associations requérantes sous le n° 495961, et à la Ville de Paris, première dénommée, pour les deux requérants sous le n° 496112.

Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Aéroports de Paris.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 495961
Date de la décision : 24/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2024, n° 495961
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP PIWNICA & MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 31/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:495961.20240724
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