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09/09/2024 | FRANCE | N°497570

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 09 septembre 2024, 497570


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 5 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association française d'étude et de protection des poissons demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires mise en ligne le 2 septembre 2024 et portant appel à projets pour la mise en œuvre du " programme de repeuplement de l'anguille en

France " au titre de la campagne de pêche 2024/2025.





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Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 5 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association française d'étude et de protection des poissons demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires mise en ligne le 2 septembre 2024 et portant appel à projets pour la mise en œuvre du " programme de repeuplement de l'anguille en France " au titre de la campagne de pêche 2024/2025.

Elle soutient que :

- elle est recevable à agir eu égard à son objet statuaire ;

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la capture de civelles destinées au repeuplement, à l'instar de la pêche de l'anguille, est susceptible de porter à la conservation de cette espèce une atteinte grave et immédiate, que le repeuplement n'est pas efficace et est dès lors nocif pour l'état de conservation de l'anguille, que la pêche à la civelle sera ouverte à partir du 1er novembre 2024 et que l'appel à projets contesté fixe la date limite de transmission des dossiers au 1er octobre 2024 ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'acte litigieux ;

- aucun texte ne donne compétence aux ministres chargés de la mer et de l'écologie pour édicter des règles définissant les conditions d'octroi de subventions pour le repeuplement de civelles ;

- cet acte méconnaît les dispositions de l'article R. 436-65-8 du code de l'environnement qui imposaient la prise d'un arrêté interministériel ;

- il a été pris selon une procédure irrégulière faute d'avoir été précédé d'une procédure de participation dans les conditions énoncées par l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement ;

- il institue une aide d'Etat qui aurait dû être notifiée à la Commission en application du paragraphe 3 de l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (CE) n° 1100/2007 du Conseil du 18 septembre 2007 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

3. Le règlement (CE) n° 1100/2007 du Conseil du 18 septembre 2007 instituant des mesures de reconstitution du stock d'anguilles européennes établit un cadre pour la protection et l'exploitation durable du stock d'anguilles européennes de l'espèce Anguilla anguilla, espèce migratrice qui se reproduit dans la mer des Sargasses et grandit dans les eaux douces européennes, désormais classée dans la catégorie des espèces en situation de danger critique d'extinction. Aux termes de l'article 2 de ce règlement : " (...) 3. Les États membres élaborent un plan de gestion de l'anguille pour chaque bassin hydrographique tel que défini au paragraphe 1. / 4. L'objectif de chaque plan de gestion est de réduire la mortalité anthropique afin d'assurer avec une grande probabilité un taux d'échappement vers la mer d'au moins 40 % de la biomasse d'anguilles argentées correspondant à la meilleure estimation possible du taux d'échappement qui aurait été observé si le stock n'avait subi aucune influence anthropique. Le plan de gestion des anguilles est établi dans le but de réaliser cet objectif à long terme. / (...) 8. Le plan de gestion de l'anguille comprend, de manière non limitative, les mesures suivantes : / (...) - les mesures de repeuplement (...) ". Aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Sur la base d'une évaluation technique et scientifique effectuée par le comité scientifique, technique et économique de la pêche ou par un autre organisme scientifique approprié, le plan de gestion de l'anguille est approuvé par la Commission conformément à la procédure visée à l'article 30, paragraphe 2, du règlement (CE) no 2371/2002 (...) ". Aux termes de l'article 7 de ce règlement : " 1. Si un État membre autorise la pêche d'anguilles d'une longueur inférieure à 12 cm, (...) au titre d'un plan de gestion de l'anguille élaboré conformément à l'article 2 (...), il affecte au moins 60 % de toutes les anguilles d'une longueur inférieure à 12 cm pêchées dans ses eaux chaque année destinées à la commercialisation en vue de servir au repeuplement dans les bassins hydrographiques de l'anguille tels que définis par les États membres conformément à l'article 2, paragraphe 1, aux fins d'augmenter le taux d'échappement des anguilles argentées (...) ".

4. Sur le fondement de ces dispositions, la Commission européenne a approuvé le 15 février 2010 le plan de gestion de l'anguille présenté par la France, qui définit neuf unités de gestion de l'anguille (UGA), qui correspondent à l'habitat naturel de l'anguille dans les bassins hydrographiques, dans les aires estuariennes et dans les aires maritimes de répartition de cette espèce. Ce plan de gestion comporte un volet dédié au repeuplement, ayant conduit à la mise en œuvre depuis 2010 d'un programme de repeuplement de l'anguille, avec notamment comme objectif d'utiliser une partie du quota d'anguilles de moins de 12 cm alloués à la France pour des opérations de repeuplement sur le territoire national. Dans ce cadre, parmi d'autres mesures, des appels à projets annuels sont lancés afin de susciter des projets de repeuplement en France. L'Association française d'étude et de protection des poissons demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'acte du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires portant appel à projets pour la mise en œuvre du " programme de repeuplement de l'anguille en France " au titre de la campagne de pêche 2024/2025.

5. L'acte litigieux se borne à lancer un appel à projets pour financer la réalisation de projets de repeuplement dans six unités de gestion de l'anguille pour la campagne de pêche commençant en novembre, qui devrait donner lieu, une fois les projets sélectionnés et sous réserve d'absence d'interdiction de la pêche et des disponibilités budgétaires, à la conclusion d'ici la fin de l'année de conventions de subventions entre les porteurs de projets, la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture et l'Office français de la biodiversité. Si, pour justifier d'une situation d'urgence, l'association requérante fait valoir, de façon générale, que le repeuplement en civelles ne serait pas efficace et serait nocif pour l'état de conservation de l'anguille, elle n'apporte aucun élément précis susceptible d'établir que l'exécution de l'appel à projets serait, par elle-même, de nature à porter une atteinte grave et immédiate à la conservation de l'anguille d'Europe et aux intérêts qu'elle entend défendre. Par suite, la condition d'urgence, requise par les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, ne peut être regardée comme étant remplie.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de s'interroger sur la compétence en premier ressort du juge des référés du Conseil d'Etat et sur la recevabilité de la requête, la requête de l'Association française d'étude et de protection des poissons doit être rejetée, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de l'Association française d'étude et de protection des poissons est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'Association française d'étude et de protection des poissons.

Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 497570
Date de la décision : 09/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 sep. 2024, n° 497570
Origine de la décision
Date de l'import : 12/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:497570.20240909
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