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12/09/2024 | FRANCE | N°497156

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 12 septembre 2024, 497156


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 août et 5 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Imapole demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :



1°) de suspendre l'exécution de la décision du 23 juillet 2024 par laquelle le conseil départemental du Rhône de l'ordre des médecins l'a radiée du tableau de l'ordre à compter du 13 septembre 2024 ;

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2°) de mettre à la charge du conseil départemental du Rhône de l'ordre des médecin...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 août et 5 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Imapole demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du 23 juillet 2024 par laquelle le conseil départemental du Rhône de l'ordre des médecins l'a radiée du tableau de l'ordre à compter du 13 septembre 2024 ;

2°) de mettre à la charge du conseil départemental du Rhône de l'ordre des médecins la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la décision contestée a un impact significatif sur sa situation financière, de sorte qu'il est immédiatement et gravement porté atteinte, d'une part, à ses intérêts privés ainsi qu'à ceux des personnes qu'elle emploie et, d'autre part, à l'intérêt public s'attachant à la protection de la santé, à la permanence et à la continuité des soins dans la région ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- cette décision est irrégulière, faute pour le conseil départemental du Rhône de l'ordre des médecins, d'une part, de l'avoir mise en demeure de régulariser sa situation avant le prononcé de la radiation au regard des nouveaux griefs notifiés le 5 juillet 2024 et, d'autre part, d'avoir mis à même ses représentants de donner des explications sur les différents manquements relevés, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 4113-7 du code de la santé publique ;

- le conseil départemental du Rhône de l'ordre des médecins a méconnu la portée de la " lettre-accord " du 22 mai 2024 qui n'avait donc pas à lui être communiquée ;

- la perte de contrôle effectif des médecins associés exerçant en son sein n'est pas caractérisée dès lors que ni la répartition inégalitaire des dividendes ni les règles de quorum prévues dans ses statuts ne constituent un indice d'une telle perte, que les témoignages sur lesquels se fonde la décision contestée, au demeurant non soumis au contradictoire, sont contestables et impropres à caractériser cette perte, que le procès-verbal de la réunion de la commission médicale d'établissement du Médipôle Hôpital Mutualiste qui s'est tenue le 1er juillet 2024 est sans lien avec l'appréciation du caractère effectif du contrôle par les médecins exerçants et, en tout état de cause, n'établit pas une pratique médicale en méconnaissance de l'article R. 4127-5 du code de la santé publique, qu'il n'appartient pas au conseil départemental du Rhône de l'ordre des médecins d'apprécier la conformité des statuts de la société ImaOne, son actionnaire minoritaire, aux dispositions du code de commerce, et, enfin, que les affirmations selon lesquelles les associés non-exerçants de la société ImaOne contrôleraient l'ensemble des décisions significatives de celle-ci et qu'il existerait une action de concert entre les investisseurs financiers, Nov Santé et Bpifrance, et son dirigeant pour s'assurer de leur contrôle sur elle, ne sont pas établies.

Par un mémoire en défense et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 3, 4 et 6 septembre 2024, le conseil départemental du Rhône de l'ordre des médecins conclut au rejet de la requête et qu'il soit mis à la charge de la société Imapole la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la société Imapole et d'autre part, le conseil départemental du Rhône de l'ordre des médecins ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 6 septembre 2024, à 10 heures :

- Me Gury, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société Imapole ;

- les représentants de la société Imapole ;

- Me Poupot, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du conseil départemental du Rhône de l'ordre des médecins ;

le représentant du conseil départemental du Rhône de l'ordre des médecins ;

à l'issue de laquelle la juge des référés a différé la clôture de l'instruction au lundi 9 septembre 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ;

- l'ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 ;

- le code de justice administrative ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 septembre 2024, présentée par le conseil départemental du Rhône de l'ordre des médecins ;

Un mémoire a été produit par la société Imapole le 9 septembre 2024, avant la clôture de l'instruction, qui reprend les conclusions de sa requête par les mêmes moyens.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

Sur le cadre juridique :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales, applicable au litige, applicable au litige : " La société ne peut exercer la ou les professions constituant son objet social qu'après agrément par l'autorité ou les autorités compétentes ou son inscription sur la liste ou les listes ou au tableau de l'ordre ou des ordres professionnels ". Aux termes de l'article R. 4113-4 du code de la santé publique, relatif aux sociétés d'exercice libéral dont l'objet social est l'exercice en commun de la profession de médecin, de chirurgien-dentiste ou de sage-femme : " La société est constituée sous la condition suspensive de son inscription au tableau de l'ordre. / La demande d'inscription de la société d'exercice libéral est présentée collectivement par les associés et adressée au conseil départemental de l'ordre du siège de la société par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, accompagnée, sous peine d'irrecevabilité, des pièces suivantes : / 1° Un exemplaire des statuts et, s'il en a été établi, du règlement intérieur de la société ainsi que, le cas échéant, une expédition ou une copie de l'acte constitutif ; (...) 4° Une attestation des associés indiquant : a) La nature et l'évaluation distincte de chacun des apports effectués par les associés ; b) Le montant du capital social, le nombre, le montant nominal et la répartition des parts sociales ou actions représentatives de ce capital ; (...) / L'inscription ne peut être refusée que si les statuts ne sont pas conformes aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur. (...) Toute modification des statuts et des éléments figurant au 4° ci-dessus est transmise au conseil départemental de l'ordre dans les formes mentionnées au présent article ".

3. Il résulte de ces dispositions que le conseil départemental de l'ordre des médecins, qui doit refuser l'inscription au tableau d'une société d'exercice libéral de médecins dont les statuts ne seraient pas conformes aux dispositions législatives et réglementaires, doit procéder au même examen lorsque lui est transmise une modification des statuts d'une société inscrite au tableau de l'ordre. S'il estime que cette modification n'est pas conforme aux dispositions législatives et réglementaires, il lui appartient de mettre en demeure la société de se conformer à ces dispositions et, si elle ne le fait pas, de la radier du tableau. Par suite, la décision par laquelle un conseil départemental de l'ordre se prononce sur la conformité d'une modification des statuts d'une société d'exercice libéral aux dispositions législatives et réglementaires a la nature d'une décision prise pour l'inscription au tableau.

Sur le litige :

4. Il résulte de l'instruction que la société Imapole, constituée en avril 2011 pour l'exercice de la profession de médecin par ses membres sous la forme d'une société d'exercice libéral à responsabilité limitée et inscrite depuis lors au tableau de l'ordre des médecins du département du Rhône, regroupait exclusivement des médecins radiologues exerçant dans la société. Ses associés ont décidé, le 27 novembre 2020, de la transformer en société d'exercice libéral par actions simplifiée et ont agréé, le 15 décembre 2020, comme nouvel associé la société ImaSauv, devenue par la suite la société ImaOne. A la suite de la communication au conseil départemental du Rhône de l'ordre des médecins de ces modifications, puis de celle des nouvelles modifications des statuts décidées le 27 janvier 2022, cette autorité a décidé, le 7 novembre 2023, de radier la société Imapole du tableau de l'ordre au motif qu'il résultait des stipulations contractuelles des statuts et du pacte d'associés dont elle avait connaissance, la perte de son contrôle effectif par les médecins qui y étaient associés et y exerçaient leur profession.

5. Par deux délibérations des 16 janvier et 5 mars 2024, le conseil départemental du Rhône de l'ordre des médecins a abrogé sa décision de radiation du 7 novembre 2023 dont l'exécution avait été suspendue par une ordonnance du 4 janvier 2024 du juge des référés du Conseil d'Etat statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a enjoint à la société Imapole de lui transmettre un certain nombre de documents et l'a mise en demeure de procéder à des modifications statutaires et extra-statutaires supplémentaires. Au vu des ajustements acceptés par la société Imapole, de l'ensemble des documents et éléments apportés en réponse à ses demandes successives de précisions et justifications, notamment au cours des auditions réalisées le 23 juillet 2024, le conseil départemental de l'ordre a de nouveau décidé, le même jour, de radier cette société du tableau de l'ordre avec une prise d'effet fixée au 13 septembre 2024.

6. Par lettre du 21 août 2024, la société Imapole a saisi le conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes de l'ordre des médecins d'un recours administratif contre la décision de radiation du conseil départemental du Rhône du 23 juillet 2024. Elle demande au juge des référés du Conseil d'Etat de suspendre l'exécution de cette décision sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

Sur la condition d'urgence :

7. L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

8. D'une part, la radiation de la société Imapole du tableau de l'ordre des médecins a pour effet, en application des dispositions de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1990 citées au point 2, de lui interdire d'exercer son activité. Il n'est pas sérieusement contesté que, compte tenu de cette interdiction d'exercice, les autorisations d'exploitation des équipements matériels lourds (IRM et scanners) délivrées par l'agence régionale de santé lui seront retirées et que le versement des forfaits techniques par la Caisse primaire d'assurance maladie sera suspendu, la conduisant à placer ses soixante-sept salariés au chômage technique et, à brève échéance, à procéder à leur licenciement. La société Imapole justifie ainsi d'une atteinte grave et immédiate à sa situation et à celle des personnes qu'elle emploie, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes de l'ordre des médecins se réunisse le 18 septembre 2024 pour examiner le recours administratif de la société Imapole contre la mesure de radiation contestée.

9. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que les modalités contestées de contrôle et de gouvernance de la société Imapole soient susceptibles d'effets sur la santé des personnes ou leurs conditions de leur prise en charge médicale à une échéance qui puisse caractériser l'urgence qui s'attacherait à l'exécution de cette décision.

10. Il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence justifiant la suspension de l'exécution de la décision attaquée est remplie.

Sur le moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :

11. Aux termes du I de l'article 5 de la loi du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales, applicable au litige : " Sous réserve de l'article 6 :/A.- Plus de la moitié du capital social et des droits de vote doit être détenue, directement ou par l'intermédiaire des sociétés mentionnées au 4° du B du présent I, par des professionnels en exercice au sein de la société ;/ B.-Le complément peut être détenu par :/1° Des personnes physiques ou morales exerçant la ou les professions constituant l'objet social de la société ;/2° Pendant un délai de dix ans, des personnes physiques qui, ayant cessé toute activité professionnelle, ont exercé cette ou ces professions au sein de la société ;/3° Les ayants droit des personnes physiques mentionnées ci-dessus pendant un délai de cinq ans suivant leur décès ;/4° Une société constituée dans les conditions prévues à l'article 220 quater A du code général des impôts, si les membres de cette société exercent leur profession au sein de la société d'exercice libéral, ou une société de participations financières de professions libérales régie par le titre IV de la présente loi ;/ 5° Des personnes exerçant soit l'une quelconque des professions libérales de santé, soit l'une quelconque des professions libérales juridiques ou judiciaires, soit l'une quelconque des autres professions libérales, visées au premier alinéa de l'article 1er, selon que l'exercice de l'une de ces professions constitue l'objet social ;(...) ". Aux termes du III de l'article 6 de cette même loi : " Par dérogation au B du I de l'article 5 :/1° Des décrets en Conseil d'Etat peuvent prévoir, compte tenu des nécessités propres à chaque profession, qu'une personne autre que celle mentionnée au même article 5 puisse détenir une part du capital ou des droits de vote, inférieure à la moitié de celui-ci, des sociétés constituées sous la forme de sociétés à responsabilité limitée, de sociétés d'exercice libéral par actions simplifiées ou de sociétés d'exercice libéral à forme anonyme. Toutefois, pour celles de ces sociétés ayant pour objet l'exercice d'une profession de santé, la part du capital pouvant être détenue par toute personne ne peut dépasser le quart de celui-ci ; (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 4113-12 du code de la santé publique : " Le quart au plus du capital d'une société d'exercice libéral de médecins ou de sages-femmes peut être détenu par une ou plusieurs personnes ne répondant pas aux conditions du premier alinéa ou des 1° à 5° de l'article 5 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales ". Aux termes de l'article R. 4127-5 du même code : " Le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit ". Aux termes du I de l'article R. 4127-83 de ce code : " (...) l'exercice habituel de la médecine, sous quelque forme que ce soit, au sein d'une entreprise, d'une collectivité ou d'une institution ressortissant au droit privé doit, dans tous les cas, faire l'objet d'un contrat écrit./ (...)/ Toute convention ou renouvellement de convention avec un des organismes prévus au premier alinéa, en vue de l'exercice de la médecine, doit être communiqué au conseil départemental intéressé, de même que les avenants et règlements intérieurs lorsque le contrat y fait référence. (...)/ Le médecin doit signer et remettre au conseil départemental une déclaration aux termes de laquelle il affirmera sur l'honneur qu'il n'a passé aucune contre-lettre, ni aucun avenant relatifs au contrat soumis à l'examen du conseil ". Aux termes de l'article R. 4127-91 du même code : " Toute association ou société entre médecins en vue de l'exercice de la profession doit faire l'objet d'un contrat écrit qui respecte l'indépendance professionnelle de chacun d'eux./(...)/Les contrats et avenants doivent être communiqués, conformément à l'article L. 4113-9 au conseil départemental de l'ordre (...)./Toute convention ou contrat de société ayant un objet professionnel entre un ou plusieurs médecins, d'une part, et un ou plusieurs membres des professions de santé, d'autre part, doit être communiqué au conseil départemental de l'ordre des médecins (...)./(...)/Le médecin doit signer et remettre au conseil départemental une déclaration aux termes de laquelle il affirme sur l'honneur qu'il n'a passé aucune contre-lettre ni aucun avenant relatifs au contrat soumis à l'examen du conseil ".

12. Il résulte de l'instruction que les médecins exerçant au sein de la société Imapole en détiennent directement 75 % du capital social et des droits de vote, soit la part majoritaire, et que la part restante correspondant au quart du capital et des droits de vote est détenue par la société Imaone dont les associés sont, à hauteur de 75,9 % de son capital et 77,7 % des droits de vote, certains des médecins exerçant au sein de la société Imapole, à hauteur de 16,8 % du capital et 14,8 % des droits de vote, les investisseurs financiers Nov Santé et BpiFrance, et enfin, à hauteur de 7,3 % du capital et 7,5 % des droits de vote, des médecins n'exerçant pas au sein de la société Imapole.

13. Pour fonder la décision de radiation contestée, le conseil départemental du Rhône de l'ordre des médecins a retenu que la société Imapole ne lui avait pas communiqué un document qu'il estimait nécessaire au contrôle des conditions d'inscription au tableau de l'ordre et que les stipulations des statuts de la société Imapole prévoyant que la société Imaone perçoit 99,90 % du résultat distribuable, combinées aux autres dispositions statutaires et extra-statutaires examinées, ne permettaient pas d'assurer le respect des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'exercice de la profession de médecin, en particulier l'interdiction d'aliéner son indépendance professionnelle au profit d'impératifs commerciaux.

14. En premier lieu, il ne résulte pas de l'instruction menée dans le cadre de la présente requête en référé que des stipulations statutaires et extra-statutaires de la société Imapole, dans leur rédaction résultant des dernières modifications qui y ont été apportées pour satisfaire, depuis le 17 juin 2021, aux demandes successives d'éclaircissements et de justifications ainsi qu'aux mises en demeure du conseil départemental du Rhône de l'ordre des médecins, priveraient d'effets les garanties prévues au A du I de l'article 5 de la loi du 31 décembre 1990 cité au point 11, satisfaites en l'espèce ainsi qu'il a été dit au point 12, qui, en exigeant la détention de plus de la moitié du capital social et des droits de vote, directement ou par l'intermédiaire d'une société de participations financières de professions libérales, par les médecins en exercice au sein de la société, imposent que ces derniers contrôlent effectivement la société. En particulier, la stipulation de l'article 21.2 des statuts de la société Imapole, contestée par le conseil départemental du Rhône de l'ordre des médecins dans la décision attaquée, qui prévoit, tant pour les assemblées générales ordinaires qu'extraordinaires, un quorum de 80 % sur première convocation et 20 % sur seconde convocation, ne paraît pas de nature à remettre en cause le contrôle effectif de la société par les médecins exerçant en son sein résultant de leur détention de 75 % du capital et des droits de vote. Il en est de même des stipulations des articles 9.2 et 9.3 des statuts, également contestées dans la décision attaquée, prévoyant l'attribution de 99,90 % des dividendes en faveur de la société Imaone, alors, au demeurant, que, par un courrier du 7 novembre 2023, le conseil départemental du Rhône de l'ordre des médecins reconnaissait qu'eu égard à la rémunération perçue par les médecins exerçant au sein de la société Imapole, la répartition inégalitaire des bénéfices n'était pas de nature à constituer une méconnaissance aux règles d'exercice de la profession, appréciation dont l'actualité a été confirmée, au cours de l'audience de référé, par le représentant de cette instance.

15. En deuxième lieu, les témoignages relatifs à l'exercice de la gouvernance au sein de la société Imapole et à l'activité médicale qui y est déployée, recueillis par le conseil départemental du Rhône de l'ordre des médecins lors de la séance du 23 juillet 2024, ainsi que les appréciations portées par la commission médicale d'établissement du Médipôle Hôpital Mutualiste sur la pratique médicale des médecins exerçant au sein de la société Imapole ne sont pas de nature à remettre en cause le caractère effectif du contrôle de la société Imapole par les médecins associés tel qu'il résulte des stipulations statutaires et extra-statutaires examinées par le conseil départemental de l'ordre. Par ailleurs, l'affirmation selon laquelle le médecin dirigeant de la société Imapole agirait de concert avec les investisseurs financiers de la société Imaone aux fins de privilégier la recherche du profit, ne ressort, en tout état de cause, d'aucun élément soumis à l'appréciation du juge des référés.

16. En troisième lieu, d'une part, les dispositions de l'article R. 4113-12 du code de la santé publique, cité au point 11, qui autorisent la détention du quart au plus du capital d'une société d'exercice libéral de médecins par une personne morale ne répondant pas aux conditions du 1° à 5° du B du I de l'article 5 de la loi du 31 décembre 1990, n'imposent pas le contrôle effectif de cet associé minoritaire par les médecins exerçant au sein de la société d'exercice libéral. D'autre part, il ne résulte pas des dispositions citées au point 11, ni, en l'état de l'instruction, d'aucune autre disposition législative ou réglementaire, que lorsque des médecins exerçant au sein d'une société d'exercice libéral détiennent plus de la majorité des parts du capital d'une personne morale détenant un quart au plus de cette société, cette personne morale ne pourrait être constituée que sous la forme d'une société de participations financières de professions libérales régie par le titre IV de la loi du 31 décembre 1990 et désormais par le livre V de l'ordonnance du 8 février 2023 relative à l'exercice en société des professions libérales réglementées. Par suite, les conditions de gouvernance et de contrôle de la société Imaone, détenteur de 25 % du capital de la société Imapole, apparaissent, en l'état de l'instruction, sans incidence pour l'appréciation du caractère effectif du contrôle de la société Imapole par les médecins exerçant en son sein.

17. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que le pacte d'associés dénommé " lettre-accord " du 22 mai 2024, que le conseil départemental du Rhône de l'ordre des médecins fait grief à la société Imapole de ne pas lui avoir communiqué en méconnaissance des articles R. 4113-4, R. 4127-83 et R. 4127-91 du code de la santé publique, prévoit, au bénéfice des investisseurs financiers de la société Imaone, Nov Santé et Bpifrance, lesquels ont renoncé, à la demande du conseil départemental de l'ordre, notamment, à certains droits de véto concernant la société Imapole dont ils disposaient au sein du comité stratégique, l'engagement des associés de la société Imaone de procéder à une révision des statuts et des pactes d'associés de la société Imapole et de la société Imaone lorsque la réglementation le permettrait et sous réserve de l'accord du conseil départemental du Rhône de l'ordre des médecins. Par suite, ce document, qui ne peut être lu comme ayant pour objet ou pour effet de contourner les ajustements statutaires et extra-statutaires acceptés par la société Imapole à la demande du conseil départemental de l'ordre, n'avait pas, en l'état de l'instruction, à lui être communiqué.

18. Eu égard à ce qui a été dit aux points 14 à 17, les moyens tirés de ce que ne sont caractérisées ni la perte du contrôle effectif de la société Imapole par les médecins exerçant en son sein, ni la méconnaissance, par cette société, de l'obligation de transmission prévue par le code de la santé publique, fondant la décision attaquée, sont de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur sa légalité.

19. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête relatifs à la procédure suivie devant le conseil départemental du Rhône de l'ordre des médecins, que doit être suspendue l'exécution de la décision du 23 juillet 2024 radiant la société Imapole du tableau de l'ordre.

20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du conseil départemental du Rhône de l'ordre des médecins la somme de 3 000 euros à verser à la société Imapole au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice, lesquelles font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par le conseil départemental de l'ordre au même titre.

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution de la décision du 23 juillet 2024 par laquelle le conseil départemental du Rhône de l'ordre des médecins a radié la société Imapole du tableau de l'ordre des médecins est suspendue.

Article 2 : Le conseil départemental du Rhône de l'ordre des médecins versera la somme de 3 000 euros à la société Imapole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions du conseil départemental du Rhône de l'ordre des médecins présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Imapole et au conseil départemental du Rhône de l'ordre des médecins.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 497156
Date de la décision : 12/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 sep. 2024, n° 497156
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP GURY & MAITRE ; SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:497156.20240912
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