Vu la procédure suivante :
Mme H... et M. C... D..., agissant en leurs noms propres et au nom de leurs enfants mineurs, F... D..., E... D..., B... D... et A... D..., ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Gironde de les prendre effectivement en charge, dans le cadre du dispositif d'hébergement d'urgence, de manière pérenne, adaptée et assortie d'un accompagnement social conforme aux articles L. 345-2-2 et L. 345-2-3 du code de l'action sociale et des familles, sans délai à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir. Par une ordonnance n° 2405241 du 22 août 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a enjoint au préfet de la Gironde d'indiquer à Mme G... et M. D..., et leurs enfants F..., E..., B... et A... D... un lieu d'hébergement d'urgence conforme aux dispositions des articles L. 345-2-2 et L. 345-2-3 du code de l'action sociale et des familles, dans un délai de quarante-huit heures.
Mme G... et M. D... agissant en leurs noms propres et au nom de leurs enfants mineurs, F... D..., E... D..., B... D... et A... D..., ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, statuant sur le fondement de l'article L. 521-4 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Gironde, sous astreinte de 600 euros par jour de retard, d'assurer l'entière exécution de l'ordonnance n° 2405241 du 22 août 2024. Par une ordonnance n° 2405336 du 29 août 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 août et 10 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme G... et autres demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-4 du code de justice administrative :
1°) de les admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler l'ordonnance du 29 août 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, sous astreinte de 600 euros par jour de retard, d'exécuter l'ordonnance du 22 août 2024 de la juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a méconnu la portée de leurs écritures en indiquant qu'ils soutenaient avoir droit à un logement en tant que demandeurs d'asile, alors qu'ils soutenaient simplement que, dès lors que la demande d'asile des enfants B... et A..., en cours d'examen, n'était pas irrecevable, la jurisprudence selon laquelle les ressortissants étrangers dont la demande d'asile a été définitivement rejetée ne peuvent bénéficier du dispositif d'hébergement d'urgence qu'en cas de circonstances exceptionnelles ne pouvait leur être opposée ;
- la famille étant hébergée seulement pour une durée de quinze jours dans un local ne disposant pas de cuisine, et non de façon pérenne, le juge des référés ne pouvait estimer que l'ordonnance du 22 août 2024 avait été exécutée ;
- le juge des référés a méconnu son office en prenant en compte la saturation du dispositif d'hébergement d'urgence dans le département de la Gironde.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2024, la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement conclut au non-lieu à statuer. Elle soutient que l'Etat doit être considéré comme ayant pleinement exécuté l'ordonnance du 22 août 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme G... et autres et, d'autre part, la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 10 septembre 2024, à 14 heures 30 :
- Me Hourdeaux, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de Mme G... et autres ;
- le représentant de Mme G... et autres ;
- la représentante de la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l'instruction au 12 septembre à 17 h, puis au 13 septembre à 17 h, puis au 16 septembre à midi ;
Vu le mémoire après audience, enregistré le 13 septembre 2024, présenté par la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement, qui persiste dans ses conclusions à fin de non-lieu ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 septembre 2024, présentée par Mme G... et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". Aux termes de l'article L. 521-4 du même code : " Saisi par toute personne intéressée, le juge des référés peut, à tout moment, au vu d'un élément nouveau, modifier les mesures qu'il avait ordonnées ou y mettre fin. " Si l'exécution d'une ordonnance prise par le juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, peut être recherchée dans les conditions définies par le livre IX du même code, et en particulier les articles L. 911-4 et L. 911-5, la personne intéressée peut également demander au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-4 du même code, d'assurer l'exécution des mesures ordonnées demeurées sans effet par de nouvelles injonctions et une astreinte.
2. L'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit que, dans chaque département, est mis en place, sous l'autorité du préfet, " un dispositif de veille sociale chargé d'accueillir les personnes sans abri ou en détresse ". Ce dispositif de veille sociale est, en Île-de-France, en vertu de l'article L. 345-2-1, mis en place à la demande et sous l'autorité du représentant de l'Etat dans la région sous la forme d'un dispositif unique. Aux termes de l'article L. 345-2-2 : " Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence. / Cet hébergement d'urgence doit lui permettre, dans des conditions d'accueil conformes à la dignité de la personne humaine et garantissant la sécurité des biens et des personnes, de bénéficier de prestations assurant le gîte, le couvert et l'hygiène, une première évaluation médicale, psychique et sociale, réalisée au sein de la structure d'hébergement ou, par convention, par des professionnels ou des organismes extérieurs et d'être orientée vers tout professionnel ou toute structure susceptibles de lui apporter l'aide justifiée par son état, notamment un centre d'hébergement et de réinsertion sociale, un hébergement de stabilisation, une pension de famille, un logement-foyer, un établissement pour personnes âgées dépendantes, un lit halte soins santé ou un service hospitalier. / L'hébergement d'urgence prend en compte, de la manière la plus adaptée possible, les besoins de la personne accueillie (...) ". Aux termes de l'article L. 345-2-3 : " Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d'hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation. ". Aux termes de l'article L. 121-7 du même code : " Sont à la charge de l'Etat au titre de l'aide sociale : (...) / 8° Les mesures d'aide sociale en matière de logement, d'hébergement et de réinsertion, mentionnées aux articles L. 345-1 à L. 345-3 (...) ".
3. Il appartient aux autorités de l'Etat, sur le fondement des dispositions citées au point 2, de mettre en œuvre le droit à l'hébergement d'urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique ou sociale. Une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette mission peut faire apparaître, pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée. Il incombe au juge des référés d'apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de santé et de la situation de famille de la personne intéressée.
4. Par une ordonnance en date du 22 août 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative par Mme H... et M. C... D..., agissant en leurs noms propres et au nom de leurs enfants mineurs, F... D..., E... D..., B... D... et A... D..., a enjoint au préfet de la Gironde de leur indiquer un lieu d'hébergement d'urgence conforme aux dispositions des articles L. 345-2-2 et L. 345-2-3 du code de l'action sociale et des familles, dans un délai de quarante-huit heures. Les demandeurs ont saisi, le 26 août 2024, le juge des référés du même tribunal, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-4 du code de justice administrative, de conclusions tendant à ce que celui-ci ordonne l'exécution de l'ordonnance du 22 août 2024 sous astreinte de 600 euros par jour de retard. Ils relèvent appel de l'ordonnance du 29 août 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.
5. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'intervention de l'ordonnance du 22 août 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, les intéressés se sont vu attribuer un hébergement d'urgence le 26 août 2024 au sein de l'Hôtel 1ère classe à Lormont. Cet hébergement a été mis à leur disposition pour une période de 15 jours, renouvelable avec l'accord de l'Etat. Par ailleurs, la famille a reçu la visite d'une assistante sociale le 27 août. Le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, saisi sur le fondement de l'article L. 521-4 du code de justice administrative, par une seconde ordonnance rendue le 29 août 2024, a estimé que la première ordonnance devait être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme entièrement exécutée, malgré le caractère précaire de l'hébergement mis à disposition des requérants.
6. Postérieurement à l'introduction de la requête d'appel, un contrat d'hébergement a été signé le 12 septembre 2024 avec les requérants. Il prévoit que la continuité de l'hébergement d'urgence sera assurée, jusqu'à ce qu'une orientation adaptée à la situation de la famille puisse lui être proposée. Par ailleurs, celle-ci a reçu la visite d'une assistante sociale à plusieurs reprises. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, les conditions dans lesquelles la famille est hébergée, avec deux chambres dotées chacune d'un lit double, d'un lit simple, d'un réfrigérateur, d'un four à micro-ondes, d'une salle de bain privative et de toilettes ne sauraient être regardées, compte tenu des contraintes pesant sur le service d'hébergement d'urgence en Gironde, comme méconnaissant les exigences rappelées au point 3 et, par suite, comme n'assurant pas la complète exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux du 22 août 2024.
7. La requête de Mme G... et autres étant devenue sans objet, il n'y a, par suite, plus lieu d'y statuer. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sans qu'il y ait lieu d'admettre les intéressés au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme G... et autres d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de Mme G... et autres.
Article 2 : L'Etat versera à Mme G... et autres la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme H..., première requérante dénommée, et à la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement.
Fait à Paris, le 19 septembre 2024
Signé : Bertrand Dacosta