Vu la procédure suivante :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 juin 2018 par laquelle le maire de Saint-Paul (La Réunion) a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison à usage d'habitation, ainsi que la décision du 5 octobre 2018 rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 1800988 du 17 juin 2020, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 20BX02763 du 26 octobre 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par Mme A... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 janvier et 11 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Paul la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Alexandra Bratos, auditrice,
- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de Mme A... et à la SCP Bauer-Violas-Feschotte-Desbois-Sebagh, avocat de la commune de Saint-Paul ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 27 juin 2018, le maire de Saint-Paul (La Réunion) a rejeté la demande de permis de construire déposée par Mme A... concernant un bâtiment à usage d'habitation individuelle d'une surface de 100 m² sur la parcelle cadastrée section ET n° 416, située rue des Bénitiers au lieu-dit Saline-les-Bains, au double motif, d'une part, que le projet ne respecte pas l'article U2c 12 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU), qui interdit tout stationnement dans la marge de recul par rapport aux voies et emprises publiques, et, d'autre part, qu'il se situe dans le périmètre de protection rapprochée (PPR) d'un champ captant d'eau potable, fixé par un arrêté préfectoral du 30 septembre 2008, où toute nouvelle construction est interdite. Par un jugement du 17 juin 2020, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de cette décision du 27 juin 2018, ainsi que de celle du 5 octobre 2018 par laquelle le maire de Saint-Paul a rejeté son recours gracieux. Par son arrêt du 26 octobre 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel qu'elle a formé contre ce jugement en retenant, après avoir censuré le motif tiré de la violation de l'article U2c 12 du règlement du PLU, que le maire de Saint-Paul aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur l'autre motif tiré de l'interdiction de construire dans le périmètre du PPR précité, après avoir écarté l'exception d'illégalité de l'arrêté préfectoral ayant institué une servitude d'urbanisme annexée au PLU. Mme A... se pourvoit en cassation cet arrêt.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 152-7 du code de l'urbanisme : " Après l'expiration d'un délai d'un an à compter, soit de l'approbation du plan local d'urbanisme soit, s'il s'agit d'une servitude d'utilité publique nouvelle définie à l'article L. 151-43, de son institution, seules les servitudes annexées au plan peuvent être opposées aux demandes d'autorisation d'occupation du sol (...) ". Selon l'article L. 421-6 du même code : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique, repris de l'article L. 20 du même code, dans sa version applicable en l'espèce : " En vue d'assurer la protection de la qualité des eaux, l'acte portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation des collectivités humaines mentionné à l'article L. 215-13 du code de l'environnement détermine autour du point de prélèvement un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété, un périmètre de protection rapprochée à l'intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes sortes d'installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux et, le cas échéant, un périmètre de protection éloignée à l'intérieur duquel peuvent être réglementés les installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols et dépôts ci-dessus mentionnés (...)". L'article R. 1321-13 du même code dispose que : " (...) A l'intérieur du périmètre de protection rapprochée, sont interdits les travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols susceptibles d'entraîner une pollution de nature à rendre l'eau impropre à la consommation humaine. Les autres travaux, installations, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols peuvent faire l'objet de prescriptions, et sont soumis à une surveillance particulière, prévues dans l'acte déclaratif d'utilité publique. Chaque fois qu'il est nécessaire, le même acte précise que les limites du périmètre de protection rapprochée seront matérialisées et signalées (...) ".
4. Il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3, d'une part, que la légalité d'un refus d'autorisation de construire fondé sur l'acte réglementaire qui délimite les différentes zones de protection des captages d'eau potable et fixe les règles qui s'y appliquent pour l'implantation de constructions ou d'installations susceptibles d'avoir des incidences sur la qualité de cette dernière est subordonnée à la légalité de cet acte et, d'autre part, que dans le périmètre de protection rapprochée d'un champ captant, est illégale une interdiction générale et absolue de toute construction superficielle ou souterraine sans que soit recherché si les eaux qu'elle produit est susceptible d'entraîner une pollution de nature à rendre l'eau impropre à la consommation humaine.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'arrêté du 30 septembre 2008 du préfet de La Réunion relatif au prélèvement d'eau dans le milieu naturel à partir des forages FRH1, FRH2 et FRH3 du champ captant du Trou d'Eau-la Saline (1226-6X-0056), pour l'alimentation en eau potable de la commune de Saint-Paul, qui est annexé au plan local d'urbanisme, porte notamment, pour cette commune, déclaration d'utilité publique des travaux d'instauration des mesures de protection réglementaires. Son article 6 inclut la parcelle cadastrée section ET n° 416, terrain d'assiette du projet de Mme A..., dans le périmètre de protection rapprochée qui interdit notamment " Les constructions superficielles ou souterraines lorsqu'il y est produit des eaux d'origine industrielle ou domestique (la mise en conformité des installations existantes sera demandée et l'état des rejets d'eaux usées sera vérifié régulièrement) ".
6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que l'arrêté préfectoral du 30 septembre 2008, en tant qu'il édicte, dans le périmètre de protection rapprochée, une interdiction générale et absolue de toute construction superficielle ou souterraine, quelle qu'elle soit, dès lors qu'elle produit des eaux d'origine industrielle ou domestique, sans qu'il soit recherché si cette construction est susceptible d'entraîner une pollution de nature à rendre l'eau impropre à la consommation humaine, est entaché d'illégalité. Dès lors, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'une erreur de droit en écartant l'exception d'illégalité soulevée par Mme A... tirée de ce que le maire de Saint-Paul ne pouvait légalement fonder le refus de permis de construire en litige sur cette interdiction générale et absolue, même si ces dispositions n'interdisent pas toutes les constructions et qu'elles réservent par ailleurs la situation des constructions déjà existantes.
7. Il résulte de ce qui précède que la requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi.
8. Il y a lieu de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
9. Comme il a été dit au point 1, pour rejeter la demande de permis de construire présentée par Mme A..., le maire de Saint-Paul s'est fondé, d'une part, sur ce que le terrain d'assiette du projet est situé dans le périmètre de protection rapprochée institué par l'arrêté préfectoral du 30 septembre 2008 déjà mentionné et, d'autre part, sur les dispositions de l'article U2c 12 du règlement du plan local d'urbanisme qui interdisent la réalisation de places de stationnement dans une bande de trois mètres de profondeur à compter de l'alignement des voies publiques.
10. En premier lieu, comme il a été dit au point 6, le maire de Saint-Paul ne pouvait légalement fonder le refus de permis de construire opposé le 27 juin 2018 à Mme A... sur l'interdiction générale et absolue de toute construction superficielle ou souterraine dans le périmètre de protection rapprochée défini par l'arrêté du préfet de La Réunion du 30 septembre 2008, annexé au plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Paul.
11. En second lieu, aux termes de l'article U2c 12 du plan local d'urbanisme : " Obligations en matière de réalisation d'aires de stationnement/ (...) 12.3 - Modalités de réalisation./ Le stationnement des véhicules, correspondant aux besoins des constructions et installations, doit être assuré en dehors des voies publiques, sur leur terrain d'assiette ou dans leur environnement immédiat (...)/ Aucune place de stationnement ne devra être réalisée dans la zone comprise entre l'alignement et une profondeur de 3 mètres (...) ".
12. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de la demande de permis de construire, que le terrain d'assiette du projet, cadastré section ET n°416, est séparé de la voie publique par deux parcelles cadastrées n°s 1148 et 1149, la seconde le desservant en vertu d'une servitude de passage accordée par la région le 5 juillet 1999. Dès lors, en estimant que les deux places de stationnement du projet correspondant aux besoins de la construction sont implantées dans la zone comprise entre l'alignement et une profondeur de trois mètres, en méconnaissance des dispositions de l'article U2c 12 du règlement du PLU, le maire de Saint-Paul a entaché la décision litigieuse d'une erreur de fait.
13. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 27 juin 2018 par laquelle maire de Saint-Paul a rejeté sa demande de permis de construire.
14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Saint-Paul la somme de 4 000 euros à verser à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 26 octobre 2022 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : Le jugement du 17 juin 2020 du tribunal administratif de La Réunion est annulé.
Article 3 : La décision du 27 juin 2018 par laquelle maire de Saint-Paul a refusé la demande de permis de construire déposée par Mme A... le 7 mars 2018 est annulée.
Article 4 : La commune de Saint-Paul versera à Mme A... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la commune de Saint-Paul présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à la commune de Saint-Paul.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 septembre 2024 où siégeaient : M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat et Mme Alexandra Bratos, auditrice-rapporteure.
Rendu le 30 septembre 2024.
Le président :
Signé : M. Olivier Yeznikian
La rapporteure :
Signé : Mme Alexandra Bratos
La secrétaire :
Signé : Mme Sylvie Leporcq