La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/10/2024 | FRANCE | N°473441

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 18 octobre 2024, 473441


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 avril 2023 et 9 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération paysanne demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler la décision du 19 février 2023 par laquelle le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a rejeté son recours gracieux tendant à l'abrogation ou à la modification des articles 16, 27 et 30 de l'arrêté du 22 avril 2008 fixant les mesures techniques et administratives rela

tives à la prophylaxie collective et à la police sanitaire de la brucellose des bovinés, ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 avril 2023 et 9 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération paysanne demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 19 février 2023 par laquelle le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a rejeté son recours gracieux tendant à l'abrogation ou à la modification des articles 16, 27 et 30 de l'arrêté du 22 avril 2008 fixant les mesures techniques et administratives relatives à la prophylaxie collective et à la police sanitaire de la brucellose des bovinés, en tant qu'ils prévoient une obligation d'abattage total et systématique des cheptels de bovinés en cas de détection d'un cas de brucellose bovine ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire d'abroger ou, le cas échéant, de modifier, les dispositions des articles 16, 27 et 30 de l'arrêté du 22 avril 2008 fixant les mesures techniques et administratives relatives à la prophylaxie collective et à la police sanitaire de la brucellose des bovinés, en tant qu'elles prévoient une obligation d'abattage total et systématique des cheptels de bovinés en cas de détection d'un cas de brucellose bovine, dans un délai de six mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le règlement (UE) 2016/429 du Parlement Européen et du Conseil du 9 mars 2016 ;

- le règlement d'exécution (UE) 2018/1882 de la Commission du 3 décembre 2018 ;

- le règlement délégué (UE) 2020/688 de la Commission du 17 décembre 2019 ;

- le règlement délégué (UE) 2020/689 de la Commission du 17 décembre 2019 ;

- le règlement d'exécution (UE) 2021/620 de la Commission du 15 avril 2021 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'arrêté du 30 mars 2001 fixant les modalités de l'estimation des animaux abattus et des denrées et produits détruits sur ordre de l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 22 avril 2008, le ministre de l'agriculture et de la pêche a fixé les mesures techniques et administratives relatives à la prophylaxie collective et à la police sanitaire de la brucellose des bovinés, en vue notamment de l'assainissement des troupeaux de bovinés infectés de brucellose et de la protection de la santé publique à l'égard de la brucellose des bovinés. La Confédération paysanne demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 19 février 2023 par laquelle le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a rejeté son recours gracieux tendant à l'abrogation ou à la modification des articles 16, 27 et 30 de cet arrêté en tant qu'ils prévoient une obligation d'abattage total et systématique des cheptels de bovinés lorsqu'un cas de brucellose bovine de souche abortus ou melitensis est confirmé.

2. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus opposé à la demande mentionnée au point précédent réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l'autorité compétente, de prendre les mesures jugées nécessaires. La légalité de ce refus doit, dès lors, être appréciée par ce juge au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision.

Sur le cadre juridique applicable :

3. En premier lieu, l'article 1er du règlement (UE) 2016/429 du Parlement Européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif aux maladies animales transmissibles et modifiant et abrogeant certains actes dans le domaine de la santé animale (" législation sur la santé animale ") prévoit que ce règlement " établit des dispositions en matière de prévention des maladies animales transmissibles aux animaux ou aux êtres humains et de lutte contre ces maladies. / Ces dispositions portent sur : / a) la hiérarchisation et la classification des maladies intéressant l'Union, ainsi que la définition des responsabilités en matière de santé animale (partie I, articles 1er à 17) ; / b) la détection et la notification précoces des maladies, le rapport à leur sujet en temps voulu, la surveillance, les programmes d'éradication et le statut "indemne de maladie" (partie II, articles 18 à 42) ; / c) la sensibilisation et la préparation aux maladies, ainsi que la lutte contre celles-ci (partie III, articles 43 à 83) ; / (...) ". Son article 5 prévoit que ses dispositions particulières en matière de prévention et de lutte contre les maladies s'appliquent notamment aux maladies répertoriées figurant dans la liste de l'annexe II, au nombre desquelles figurent l'infection à Brucella abortus, B. melitensis et B. suis. L'article 79 relatif aux mesures de lutte contre la maladie prises par l'autorité compétente en ce qui concerne les maladies répertoriées visées à l'article 9, paragraphe 1, point b), contre lesquelles, aux termes de cet article 9, tous les États membres doivent lutter afin de les éradiquer dans l'ensemble de l'Union, dispose que, lorsque l'Etat a obtenu un statut " indemne de maladie " conformément à l'article 36, et comme tel est le cas de la France pour la brucellose bovine depuis 2005, et si le foyer d'une telle maladie fait l'objet d'une confirmation officielle conformément à l'article 77, paragraphe 1, chez des animaux détenus, l'autorité compétente, selon ce qui est pertinent pour ce foyer, " i) prend une ou plusieurs des mesures prévues aux articles 53 à 69 en fonction du risque que présente la maladie répertoriée en question ; et / ii) si nécessaire, entreprend le programme d'éradication obligatoire pour cette maladie répertoriée ". Le paragraphe 1 de l'article 61 énonce plusieurs mesures de nature à empêcher la poursuite de la propagation de la maladie au nombre desquelles figurent " a) l'imposition de restrictions de déplacement pour les personnes, les animaux, les produits, les véhicules ou tout autre matériel ou substance susceptibles d'être contaminés et de contribuer à la propagation de la maladie répertoriée ; ", " b) la mise à mort et l'élimination ou l'abattage des animaux susceptibles d'être contaminés ou de contribuer à la propagation de la maladie répertoriée ; ", " e) l'isolement, la mise en quarantaine ou le traitement des animaux et produits susceptibles d'être contaminés et de contribuer à la propagation de la maladie répertoriée ; ", " h) l'examen en laboratoire des prélèvements ; " ou encore " i) toute autre mesure appropriée ". Le paragraphe 2 de cet article 63 ajoute que l'autorité compétente détermine les mesures qu'il convient d'appliquer en fonction " a) [du] profil de la maladie / b) [du] type de production et [des] unités épidémiologiques au sein de l'établissement, de l'entreprise du secteur alimentaire ou du secteur de l'alimentation animale, de l'établissement de sous-produits animaux ou de tout autre site touché ".

4. Aux termes du règlement d'exécution (UE) 2018/1882 de la Commission du 3 décembre 2018 sur l'application de certaines dispositions en matière de prévention et de lutte contre les maladies à des catégories de maladies répertoriées et établissant une liste des espèces et des groupes d'espèces qui présentent un risque considérable du point de vue de la propagation de ces maladies répertoriées, l'infection à Brucella abortus, B. melitensis et B. suis est classée " maladie de catégorie B " c'est-à-dire une maladie répertoriée contre laquelle tous les États membres doivent lutter afin de l'éradiquer dans l'ensemble de l'Union, telle que visée à l'article 9, paragraphe 1, point b), du règlement (UE) 2016/429.

5. Le règlement délégué (UE) 2020/689 de la Commission du 17 décembre 2019 complète les règles établies par le règlement (UE) 2016/429 et établit, à cet égard, les règles relatives aux programmes d'éradication notamment de l'infection à Brucella abortus, B. melitensis et B. suis en ce qui concerne les mesures de lutte en cas de suspicion et de confirmation de la maladie. L'article 24 dispose que " si un cas est confirmé, l'autorité compétente : / (...) / b) adopte les mesures prévues aux articles 25 à 31 dans le ou les établissements infectés ". L'article 27 prévoit, en son 1., après confirmation de la maladie, la réalisation de différents tests, dans les établissements infectés, dans un délai maximal qu'elle détermine, sauf exceptions prévues au 2., et, en son 3., l'abattage de " tous les animaux reconnus en tant que cas confirmés et, si nécessaire, en tant que cas suspects ". Il ajoute, en son 5., que " L'autorité compétente peut ordonner la mise à mort et la destruction de certains ou de l'ensemble des animaux visés au paragraphe 3 au lieu de leur abattage " et, en son 6., qu'elle " étend les mesures prévues au présent article aux animaux de populations animales supplémentaires lorsque c'est nécessaire pour éradiquer la maladie dans les établissements infectés ". Le chapitre 4 de ce règlement délégué prévoit, par ailleurs, la possibilité pour la Commission d'accorder le statut " indemne de maladie " à des Etats membres notamment sur la base de programmes d'éradication mis en œuvre et achevés. La section 2 du chapitre 3 de la partie I de l'annexe IV de ce règlement délégué, relative au statut " indemne d'infection à Brucella abortus, B. melitensis et B. suis " chez les bovins détenus d'un État membre, conditionne le maintien d'un tel statut à l'absence de cas d'infection confirmée. Par dérogation, elle prévoit qu'un tel statut peut être conservé, même en cas d'infection confirmée si, notamment, " a) l'établissement dans lequel l'infection (...) a été détectée chez des bovins détenus a été immédiatement soumis aux mesures pertinentes de lutte contre la maladie prévues à l'article 24 ; / (...) ".

6. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 221-1-1 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité administrative prend toutes mesures destinées à prévenir l'apparition, à enrayer le développement et à poursuivre l'extinction des maladies mentionnées aux 1° et 2° de l'article L. 221-1 que requiert l'application du règlement (UE) 2016/429 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 et des actes délégués et d'exécution qu'il prévoit ". Le 1° de l'article L. 221-1 du même code vise les maladies répertoriées mentionnées au paragraphe 1 de l'article 5 du règlement (UE) 2016/429 du 9 mars 2016, au nombre desquelles figure, comme indiqué au point 3, l'infection à Brucella abortus, B. melitensis et B. suis. L'article D. 221-1 de ce code prévoit qu'en application de l'article L. 201-4, lequel vise notamment les dangers sanitaires visés au 1° du II de l'article L. 201-1, qui renvoie aux maladies animales règlementées mentionnées à l'article L. 221-1, incluant, comme il a été dit ci-dessus, l'infection à Brucella abortus et Brucella melitensis, et sous réserve de l'article R. 201-5, le ministre chargé de l'agriculture définit par arrêté les mesures de prévention, de surveillance et de lutte visant les dangers zoosanitaires de première et de deuxième catégorie ainsi que les conditions dans lesquelles le préfet arrête les adaptations départementales de ces mesures.

7. Il résulte de l'ensemble des dispositions qui précèdent qu'il appartient au ministre chargé de l'agriculture, dans la mise en œuvre de sa compétence prévue par les dispositions citées au point 6 ci-dessus, laquelle n'implique pas des prescriptions inconditionnelles résultant du droit de l'Union européenne mais suppose l'exercice d'un pouvoir d'appréciation, de veiller à ce que les mesures qu'il entend définir soient adaptées, nécessaires et proportionnées à l'objectif poursuivi d'éradication de l'infection à Brucella abortus et Brucella melitensis.

Sur l'application à l'espèce :

8. Il résulte des dispositions combinées des articles 16, 27 et 30 de l'arrêté du 22 avril 2008 du ministre de l'agriculture et de la pêche que lorsqu'un boviné est infecté de brucellose à Brucella abortus ou Brucella melitensis, le troupeau auquel il appartient est également considéré comme infecté et doit faire l'objet d'un assainissement par abattage total. La Confédération paysanne soutient qu'une telle obligation n'est ni justifiée, ni nécessaire, ni proportionnée à l'objectif de santé publique poursuivi, et que, par suite, le refus de l'abroger ou de la modifier contesté méconnaît la liberté d'entreprendre, la liberté du commerce et de l'industrie et le droit de propriété des éleveurs, et porte atteinte à la protection du bien-être animal ainsi qu'à celui des éleveurs.

9. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'infection à Brucella abortus et Brucella melitensis est une maladie animale touchant notamment les bovinés dont les signes cliniques sont faibles, se limitant essentiellement à des avortements, une réduction de la fertilité et des pertes de lait, et qui peut survenir jusqu'à plusieurs années après l'infection. Un boviné peut être porteur de la bactérie, sans symptômes, ni réaction immunitaire pendant plusieurs années, et potentiellement contagieux. Cette infection est également une zoonose, transmissible à l'homme par voie digestive ou par contact, pouvant s'avérer chronique et à l'origine d'infections graves. Il est constant qu'il n'existe actuellement aucun traitement et il n'est pas davantage contesté qu'une vaccination des animaux ne peut être envisagée compte tenu, notamment, de ses effets sur le dépistage sérodiagnostic. Cette infection est considérée, en application du règlement d'exécution (UE) du 3 décembre 2018 mentionné au point 4, comme une maladie contre laquelle tous les États membres doivent lutter afin de l'éradiquer dans l'ensemble de l'Union européenne. En ce sens, lorsqu'un Etat membre perd le statut " indemne d'infection ", rappelé au point 5, après confirmation d'une infection, l'article 10 du règlement délégué (UE) 2020/688 de la Commission du 17 décembre 2019, complétant le règlement (UE) 2016/429 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les conditions de police sanitaire applicables aux mouvements d'animaux terrestres et d'œufs à couver dans l'Union, conditionne le déplacement des bovinés vers un autre Etat membre à la réalisation de tests de dépistage préalables. Dans ces conditions, l'arrêté contesté doit être regardé comme de nature à prévenir la réalisation de risques tant sanitaires, pour les animaux comme pour les humains, qu'économiques, à raison des pertes directes liées à la capacité de reproduction des bovins et des potentielles pertes de débouchés commerciaux.

10. En deuxième lieu, d'une part, si, tout d'abord, la requérante se prévaut de ce que la France est reconnue indemne de brucellose depuis 2005 et que seuls trois foyers ont été rapportés chez les ruminants domestiques depuis 2003, le ministre fait valoir, sans être contesté, la persistance de risques d'infection, en particulier en région Auvergne-Rhône-Alpes du fait de la présence de faune sauvage elle-même infectée. Ensuite, il ne résulte pas des pièces du dossier que la lutte contre l'infection à Brucella melitensis ne requerrait, du seul fait d'une contagiosité réduite, au demeurant non documentée, que l'adoption de mesures de lutte de moindre ampleur. Enfin, à supposer même que soit avérée la possibilité que certains animaux développent un gène de résistance à l'infection, il ne résulte pas davantage des pièces du dossier que les animaux porteurs d'un tel gène de résistance seraient identifiables parmi ceux d'un cheptel contaminé.

11. D'autre part, la Confédération paysanne fait valoir l'existence de mesures alternatives à l'abattage systématique de la totalité des bovinés d'un troupeau où un cas de brucellose a été constaté, consistant en la réalisation de tests PCR (réaction de polymérase en chaîne) ou d'analyses sérologiques permettant d'identifier les animaux sains et ceux infectés, telles que celles mises en œuvre par l'ANSES lors de l'enquête épidémiologique réalisée à la suite de l'identification d'un foyer de contamination en 2021 et de l'abattage du troupeau infecté. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que les techniques sérologiques de dosage des anticorps, plus rapides et principalement employées, sont imparfaites et peuvent conduire à des résultats faussement négatifs. Ces mêmes pièces n'établissent pas, d'autre part, que les autres moyens de détection mentionnés seraient disponibles et pourraient être mis en œuvre de manière opérationnelle, isolément ou de manière combinée, sur des animaux vivants, dans des conditions permettant de distinguer avec suffisamment de fiabilité et dans un délai réduit les bovinés infectés et les bovinés indemnes de brucellose, et ce, quel que soit l'avancement de celle-ci.

12. Il résulte des points 10 et 11 ci-dessus qu'il n'est pas établi que l'objectif d'éradication de l'infection Brucella abortus et Brucella melitensis pourrait être atteint, d'un point de vue sanitaire, par des mesures de moindre ampleur que celles contestées. A cet égard, la Confédération paysanne ne saurait utilement faire valoir que tel aurait pourtant été le choix opéré par d'autres Etats membres de l'Union européenne.

13. En troisième lieu, la Confédération paysanne fait valoir les conséquences économiques de l'obligation d'abattage consistant, pour les éleveurs, en des pertes financières et, pour la filière, en des pertes de " patrimoine génétique ", ainsi que les contraintes d'exploitation résultant de la crainte de l'abattage en cas de contamination par un animal sauvage. Toutefois, en cas d'abattage total d'un troupeau sur ordre de l'administration dans le cadre des dispositions prises pour l'application de l'article L. 221-1-1 du code rural et de la pêche maritime, l'article L. 221-2 du même code et l'arrêté du 30 mars 2001 fixant les modalités de l'estimation des animaux abattus et des denrées et produits détruits sur ordre de l'administration prévoient l'indemnisation des propriétaires selon des modalités permettant d'assurer une appréciation globale du préjudice subi, tenant compte de la valeur marchande du bien et des frais de toute nature liés au renouvellement du troupeau, et de garantir ainsi le versement d'une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du cheptel, sans d'ailleurs exclure l'engagement de la responsabilité de l'Etat selon les règles de droit commun en cas de faute de l'administration, notamment de retard anormal dans la mise en œuvre de la mesure d'abattage. Les conséquences d'un tel abattage, pour l'éleveur concerné, doivent par ailleurs être mises en regard de celles, rappelées notamment au point 9, auxquelles seraient exposés les autres éleveurs en cas de propagation de l'infection.

14. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la mesure d'abattage total contestée ne serait pas adaptée, nécessaire et proportionnée au regard de l'objectif d'éradication de l'infection poursuivi. Par suite, doivent être écartés les moyens tirés de ce qu'en refusant d'abroger ou de modifier les dispositions de l'arrêté du 22 avril 2008 organisant l'abattage total et systématique des cheptels lorsqu'un cas de brucellose bovine est confirmé, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire aurait pris une mesure excessive et disproportionnée, sur les plans sanitaire, économique, humain et du bien-être animal, au regard de l'intérêt public que représente l'éradication de cette bactérie pathogène pour l'animal et pour l'homme, et, ce faisant, porté une atteinte elle-même disproportionnée à la liberté d'entreprendre des éleveurs, à la liberté du commerce et de l'industrie, à leur droit de propriété et à leur vie privée, ainsi qu'à la protection du bien-être animal prévu aux articles L. 214-1 et L. 214-3 du code rural et de la pêche maritime.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la Confédération paysanne n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle conteste. En conséquence, doivent également être rejetées ses conclusions tendant au prononcé d'une injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la Confédération paysanne est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Confédération paysanne et à la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 septembre 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, M. Hervé Cassagnabère, Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillers d'Etat, M. Nicolas Jau, auditeur et Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 18 octobre 2024.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

La rapporteure :

Signé : Mme Muriel Deroc

La secrétaire :

Signé : Mme Elsa Sarrazin


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 473441
Date de la décision : 18/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 oct. 2024, n° 473441
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Muriel Deroc
Rapporteur public ?: M. Thomas Pez-Lavergne

Origine de la décision
Date de l'import : 03/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:473441.20241018
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award