Vu la procédure suivante :
D'une part, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 ainsi que des pénalités correspondantes. D'autre part, la société DV Négoce a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement nos 1800830, 1800834 du 16 juin 2020, ce tribunal a rejeté leurs demandes.
Par un arrêt n° 20NC02191 du 13 octobre 2022, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par M. B... et la société DV Négoce contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 décembre 2022, 6 mars 2023 et 16 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... et la société DV Négoce demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. B... et de la société DV Négoce ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société DV Négoce, qui exerce une activité d'achat-revente de paille et fourrage, ainsi que son associé unique M. A... B..., qui est exploitant agricole et produit de la paille et du fourrage, ont fait l'objet de vérifications de comptabilité à l'issue desquelles des rappels de taxe sur la valeur ajoutée leur ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. Par un jugement du 16 juin 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires. La société DV Négoce et M. B... se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 13 octobre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel qu'ils ont formé contre ce jugement.
2. Pour la période d'imposition correspondant aux années 2014 et 2015, les dispositions alors en vigueur du 3° de l'article 278 bis du code général des impôts prévoyaient la perception de la taxe sur la valeur ajoutée au taux réduit de 10 % en ce qui concerne les opérations de livraison de " [p]roduits d'origine agricole (...) n'ayant subi aucune transformation ". L'article 79 de la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificatives pour 2015, dont les dispositions se sont appliquées aux opérations pour lesquelles le fait générateur est intervenu à compter du 1er janvier 2016, a modifié les dispositions précitées en ajoutant à la condition que les produits agricoles n'aient subi aucune transformation celle qu'ils soient " normalement destinés à être utilisés dans la préparation des denrées alimentaires ou dans la production agricole ".
3. Pour refuser d'appliquer aux livraisons de paille défibrée réalisées par M. B... et par la société DV Négoce au cours de la période d'imposition en litige le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée de 10 % alors prévu par les dispositions du 3° de l'article 278 bis du code général des impôts citées au point 2, la cour administrative d'appel a relevé, par des motifs qui ne sont pas contestés en cassation, que l'opération préalable de défibrage de la paille consistait en un traitement mécanique permettant de la dépoussiérer, la réduire en brins courts et la délignifier tout en occasionnant un éclatement de la cuticule qui enrobe les tissus lignifiés. Elle a ensuite estimé que cette opération de défibrage de la paille avait pour effet de modifier la substance du produit et devait s'analyser en une transformation au sens de ces dispositions. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait des pièces du dossier que l'opération de défibrage, si elle avait pour effet d'améliorer certaines des qualités de la paille, n'entraînait pas une modification substantielle de ce produit, la cour administrative d'appel a dénaturé les pièces du dossier et, par suite, inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. Il en résulte, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que M. B... et la société DV Négoce sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
5. D'une part, il résulte de l'instruction que, ainsi qu'il a été dit au point 3, l'opération de défibrage, si elle a pour effet d'améliorer certaines des qualités de la paille, n'entraîne pas une modification telle de ce produit qu'elle doive être regardée comme une transformation au sens des dispositions du 3° de l'article 278 bis du code général des impôts citées au point 2. D'autre part, il est constant que la paille défibrée dont les livraisons sont en litige est destinée à être utilisée dans la production agricole. Dès lors, les conditions prévues par les dispositions précitées étant remplies, ces livraisons devaient être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée au taux réduit de 10 %. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la société DV Négoce et M. B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a refusé de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui leur ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 ainsi que des pénalités correspondantes.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, pour l'ensemble de la procédure, la somme globale de 6 000 euros à verser à M. B... et à la société DV Négoce au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 13 octobre 2022 de la cour administrative d'appel de Nancy et le jugement du 16 juin 2020 du tribunal administratif de Besançon sont annulés.
Article 2 : M. B... et la société DV Négoce sont déchargés des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui leur ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 ainsi que des pénalités correspondantes.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... et à la société DV Négoce la somme globale de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à la société DV Négoce et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.
Délibéré à l'issue de la séance du 3 octobre 2024 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Vincent Daumas, conseiller d'Etat et M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 31 octobre 2024.
La présidente :
Signé : Mme Anne Egerszegi
Le rapporteur :
Signé : M. Cyril Martin de Lagarde
Le secrétaire :
Signé : M. Brian Bouquet
La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :