Vu la procédure suivante :
La société Electricité de France (EDF) a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez à lui verser la somme de 96 792,19 euros toutes taxes comprises. Par un jugement n° 2010277 du 28 mars 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 22MA01477 du 3 juillet 2023, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société EDF contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er septembre et 1er décembre 2023 et 21 juin 2024 au secrétariat du contentieux du conseil d'Etat, la société EDF demande au conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 ;
- le décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Camille Goyet, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Electricité de France et à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de l'association syndicale autorisée (ASA) du canal de Ventavon -Saint-Tropez ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez a conclu avec l'établissement public Electricité de France (EDF), le 24 janvier 1972, une convention relative au rétablissement de son réseau d'irrigation à la suite de son interception par les ouvrages installés par EDF pour l'aménagement de la chute de Sisteron entre La Saulce (Hautes-Alpes) et Sisteron (Alpes-de-Haute-Provence). L'article 4 de cette convention a prévu, dans certaines conditions et limites, une obligation de fourniture gratuite d'énergie par EDF au bénéfice de l'association en vue de l'alimentation des stations de pompage de son réseau d'irrigation. Concernant l'année 2016, l'application de cette clause a donné lieu à l'émission par l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez de trois titres de perception, pour un montant total de 301 290,24 euros correspondant au remboursement partiel du montant acquitté au titre de sa consommation globale d'électricité. Estimant qu'à la suite d'une erreur de tarification dans l'application de cette clause, l'association lui était redevable d'un surcroît de consommation d'électricité à ce titre sur l'année 2016, la société EDF, venue aux droits de l'établissement public EDF, a demandé au tribunal administratif de Marseille de la condamner à lui verser la somme de 96 792,19 euros toutes taxes comprises correspondant à son manque à gagner. Par un jugement du 28 mars 2022, ce tribunal a rejeté sa demande. Par un arrêt du 3 juillet 2023 contre lequel la société EDF se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son appel dirigé contre ce jugement.
2. Aux termes du cinquième alinéa de l'article 54 du décret du 3 mai 2006 portant application de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires : " (...) L'introduction devant une juridiction de l'instance ayant pour objet de contester le bien-fondé de la redevance liquidée par l'association suspend la force exécutoire du titre. L'exercice de ce recours par le débiteur se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuites. (...) ". Il ressort des termes mêmes de ces dispositions qu'elles ne sont applicables qu'aux recours ayant pour objet de contester le bien-fondé de la redevance syndicale, liquidée par une association syndicale autorisée, due par un membre de celle-ci. Dès lors, en jugeant que l'action de la société EDF, qui ne visait pas à contester le bien-fondé d'une redevance syndicale liquidée par l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez, était prescrite en application de ces dispositions, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit. Par suite, la société EDF est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez la somme de 3 000 euros à verser à la société EDF au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société EDF qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 3 juillet 2023 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : L'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez versera à la société EDF une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Electricité de France et à l'association syndicale autorisée du canal de Ventavon - Saint-Tropez.